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Autour de Soleil

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MICROBE ET MOUSTIQUE

« sentinelles » pour le maquis

Venu vivre en Bretagne après guerre suite à son mariage avec une jeune bretonne, notre
camarade Pierre Rivette, adhérent de l’ANACR, adressait le courrier ci-dessous à son ami
René Coustellier, comme témoignage de sa participation aux combats des maquisards du groupe
« Soleil »

Voici un récit du passé dans la résistance de mon ami Moustique, âgé alors de 14 ans et de moi-même, Microbe, âgé de 13 ans. Moustique était pupille de la nation. Il faisait partie de l'école des mousses de la marine à Cahors. Quant à moi, j'étais un pupille de l'Assistance publique et à l'époque, je faisais partie de ces enfants qui venaient de l'A.D.S.S. de Versailles et qui ont été regroupés à l'hôpital de Puy-Lévèque (Lot). L'assistance sociale nous plaçait dans des fermes. Je me suis trouvé chez M. Conzère à Gournet, près de Saint-Caprais dans la région de Frayssinet-Le-Gélat (Lot).

Dans cette ferme je travaillais et je gardais les bêtes. Un jour, fin février 1944. j'ai eu la surprise de voir quatre hommes armés venir vers moi. Je n'étais pas rassuré. Ils m'ont demandé dans quelle ferme j'habitais, s'il y avait des Allemands dans le coin. Je leur ai dit que des camions allemands passaient sur la route, en contrebas de la ferme. C'est ainsi que nos contacts devinrent fréquents: je leur indiquais ce que je voyais dans le coin.

Ce groupe de maquisards appartenait à l'O.R.A. De temps en temps, certains venaient dormir à la ferme. Un soir, le grand-père Conzère s'est aperçu de ces allées et venues ; il n'était pas content car il craignait les traîtres à la solde des Allemands qui vadrouillaient dans le coin. Alors, je suis allé rejoindre ce groupe à son PC. Je suis resté quelques mois avec eux. Mais l'officier qui commandait ne voulait pas me garder vu mon jeune âge, il voulait que je retourne à la ferme des Conzère.

Mais mes protecteurs dans le groupe m'ont affirmé qu'ils ne me laisseraient pas tomber, surtout que le 2 mai 1944 il y a eu la fusillade des otages à Frayssinet-Le-Gélat. Ils ont pris contact avec un groupe de maquisards qui acceptaient les jeunes. Et c'est ainsi que je me suis retrouvé avec toi, mon cher René.

J’ai fait la connaissance de Moustique et de tous tes officiers. Je me suis trouvé à tes côtés. Tu nous interdisais de partir en mission. Mais Moustique et moi nous bravions tes interdits et on se retrouvait dans les camions avec les copains.

Les lieux de combat, tu les connais mieux que moi : Mouleydier, Villeneuve-sur-Lot contre la milice, la libération de Périgueux, la libération d'Angoulême le 30 et 31 août 1944. Je me rappelle les combats de rue et une anecdote : sur la grande place d'Angoulême, ça canardait de tous les bords. Il y avait une mitrailleuse allemande dans le clocher de l'église qui arrosait la grand-place; mon ami Moustique avait trouvé une moto et il faisait le tour de la place sous une pluie de balles sans être touché ! Il a toujours eu la baraka. Ensuite nous sommes partis sur Bordeaux.

Mais là, tu as chargé notre ami Bouchard de nous ramener en Dordogne. Moustique est retourné à l'école et moi j'ai été placé comme apprenti-cuistot à l'hôtel-restaurant Le Domino à Périgueux, jusqu'au jour où j'ai vu un camion garé devant le restaurant, avec une inscription sur la portière: Groupe Soleil.

Ce camion allait vous rejoindre à La Rochelle. Il me semble me souvenir que c'était Briolais. Comme notre ami André Briolais était protecteur, il m'a dit : « Tu viens avec nous ! » Il n'a pas eu à me le dire deux fois. Je me suis retrouvé à Saint-Georges-du-Bois.

Lorsque j'ai vu ta tête en arrivant, j'aurais aimé me cacher dans un trou de souris ! Malgré tout, je suis resté jusqu'à la fin et tu m'as placé avec le capitaine Crolus jusqu'au retour à Bergerac, où nous nous sommes quittés, car je n'ai pas pu m'engager. Et nous nous sommes perdus de vue pendant plus de trente ans.

Lettre de Pierre Rivette à René Coustellier, du 28 août 2003

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