HENRIETTE DUBOIS (« NELLY »)

Notre Présidente nationale, Henriette Dubois, « Nelly » dans la Résistance, nous a quittés le 4 septembre dernier, à l'âge de 98 ans. Une délégation du Bureau national était présente à ses obsèques à Nice ; nous lui rendrons hommage dans le n° du Journal de La Résistance du 3ème trimestre 2018.

 

Fille d'Henri Lelièvre, un apprenti margeur dans une imprimerie parisienne, qui avait vécu le siège de Paris en 1870-1871 et la Commune, et qui ayant déserté le service militaire, avait vécu 15 ans en exil en Belgique avant d'être amnistié à la fin des années 1890, gardant ses opinions antimilitaristes, anticléricales, anticolonialistes, et de Germaine Dubois, de quarante ans sa cadette, avec laquelle il se mit en ménage en 1919, qui tint une épicerie et un bar-tabac à Villefranche-sur-Mer et qui sera adhérente, sous le Front populaire, à l'Union des femmes contre la misère et la guerre, Henriette Dubois - seule sa mère la reconnut - naquit le 3 août 1920 dans cette famille modeste, aux opinions progressistes. Son père décéda en 1937, sa mère en 1939.

Henriette, élève de l'école primaire supérieure Ségurane à Nice, titulaire du brevet commercial en 1936, devint dactylo dans une maison de pièces détachées d'automobiles, et cette même année, celle de la victoire du Front populaire, elle adhéra en juillet aux Jeunesses communistes, dont le congrès de 1936 décida la création d'une organisation spécifique de Jeunes filles progressistes s'élargissant au-delà des seules jeunes filles communistes, et dont les dirigeantes s'appelleront Danièle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Jeannette Veermersch, Claudine Charnat, Henriette Schmitt, Rose Blanc ...

  • Henriette sera secrétaire du Foyer UJFF de Villefranche, elle deviendra secrétaire régionale - c'est-à dire des Alpes-Maritimes de l'UJFF, dont l'une des activités principales sera l'aide à l'Espagne Républicaine, aux enfants espagnols, le soutien aux combattants des Brigades internationales. En octobre 1937, elle adhéra au Parti communiste, travailla pour l'Association touristique populaire créée avec l'aide du député communiste Virgile Barel, devint secrétaire administrative de la fédération communiste et de son journal Le Cri des travailleurs, étant chargée un jour par semaine du secrétariat parlementaire de Barel. Après l'interdiction du Parti communiste en septembre 1939, elle participa à la publication clandestine du Cri des travailleurs.

Mariée en août 1940 à Nice avec Raoul Gastaud, secrétaire régional des Jeunesses communistes des Alpes-Maritimes de mai 1936 à la fin 1937, Henriette donna naissance à un fils, Michel. Arrêté fin 1940 et interné à Oraison puis à Saint-Sulpice-La-Point, Raoul Gastaud, libéré après 15 mois de détention, rejoignit les maquis FTP du Puy-de-Dôme dans l'été 1943, puis organisa les milices patriotiques dans les Bouches du-Rhône, prenant part à l'insurrection de Marseille en août 1944 sous le pseudonyme de « commandant Jacques ».

Réfugiée avec son fils chez sa belle-mère à Ascros, Henriette reprit contact avec les communistes niçois en janvier 1942. Après l'arrestation manquée et la fuite de son mari en mai 1943, elle quitta Nice en octobre 1943 pour rejoindre les FTPF à Lyon, où elle sera affectée comme agent de liaison auprès de « Mailly » (Boris Guimpel), commissaire aux opérations à l'État-major de la zone Sud, elle participa à des actions clandestines à Marseille et à Lyon sous le pseudonyme de « Nelly ».

Après la chute de l'État-major régional FTP en mai 1944, elle fut sous le pseudonyme de « Michèle » envoyée à Montpellier comme agent de liaison du capitaine Gomez. En août 1944, revenue à Lyon, Nelly sera mise à la disposition du nouvel état-major sous les ordres de Roger Roucaute, et participera aux actions du maquis de !'Azergues jusqu'à sa rentrée dans Lyon, le 3 septembre. Elle fut incorporée dans le premier régiment du Rhône, à la caserne de la Part-Dieu, au secrétariat de Raymond Périnetti (colonel Brun), le père de Martine Peters, Présidente de l'ANACR de l'Isère et vice-présidente nationale de l'ANACR.

Démobilisée en octobre 1944, Henriette (Nelly) entra à la Préfecture de Marseille comme secrétaire de Jérôme Ferruci, chef de cabinet du Commissaire de la République, Raymond Aubrac. Après-guerre, elle travailla en 1947-1948 à Paris au quotidien Ce Soir puis à Regards et fut membre du syndicat CGT du Livre.

Divorcée en 1947, Nelly vécut désormais avec Boris Guimpe!, ancien combattant des Brigades internationales dont il devint chef d'état-major de la 14èrne puis de la 35èrne Brigade, et qui, entré dans la Résistance dès 1940, fut nommé à l'hiver 1942-1943 responsable pour la zone sud du service de renseignement des FTP, le « Service B », ainsi qu'en octobre 1943 « Commissaire aux opérations » des FTP de zone sud. Après avoir participé en août-septembre 1944 aux combats pour la libération d'Oullins et de Lyon, il s'engagea dans la 1ère Armée française de de Lattre de Tassigny, dans les unités de reconnaissance du « 151ème Régiment d'infanterie » (le 15-1 ou « Colonne Fabien »). En avril 1945, après la traversée du Rhin, il fut grièvement blessé à la tête. Nelly et Boris Guimpel, décédé le 1 0 avril 1979, eurent ensemble deux filles, Annie et Nelly.

Après-guerre, Nelly poursuivit ses engagements syndicaux notamment à la CGT du commerce dans les grands magasins, politiques au sein du parti communiste, y joignant des engagements associatifs, tels le Conseil local des Parents d'élèves d'Epinay-sur-Seine, dont elle fut élue municipale. Retraitée en 1980, Henriette Dubois revint à Nice.

Elle anima pendant une dizaine d'années l'Amicale des anciens volontaires en Espagne républicaine, l'AVER des Alpes-Maritimes.

Et elle s'investit dans le travail de mémoire des combats et valeurs de la Résistance au sein de l'Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance, l'ANACR, dont elle devint la secrétaire administrative puis secrétaire générale départementale en 1986, le restant jusqu'à ses derniers instants. Membre fondateur de l'Association azuréenne des amis du Musée de la Résistance à Nice en 1987, elle en devint une dirigeante efficace aux côtés de Jean-Louis Panicacci, son travail de transmission de la mémoire en fit - par son vécu de Résistante - et les responsabilités qu'elle eut - une participante précieuse du Concours National de la Résistance et de la Déportation. Son intervention sur la participa ·on des Jeunes filles à la Résistance fut lors d'un stage national de formation de l'ANACR remarquée.

En 1996, elle devint membre du bureau national de l'ANACR, y rejoignant Roger Faure. Pendant vingt-deux ans, ses camarades du Bureau national, Résistants et Ami(e)s de la Résistance purent constater la pertinence de ses interventions, soucieuses de la rigueur historique, sa volonté de voir se poursuivre le combat contre le fascisme et le racisme, dont les résurgences contemporaines l'inquiétaient.

Et son souci de voir perdurer l'action de l'ANACR grâce aux Ami(e)s de la Résistance auxquels elle apporta son plein soutien, notamment quand des réticences se faisaient jour à leur confier des responsabilités, alors même que les rangs des Résistants s'éclaircissaient. Elle fut aussi d'un grand secours quand l'ANACR ayant à faire face à des difficultés internes, elle accepta en 2012 de devenir avec Louis Cortot, Cécile Roi-Tanguy et Pierre Martin, membre de la Présidence nationale de l'Association. Et en octobre 2017, sa venue au Congrès national de l'ANACR à Dax suscita une grande émotion chez tous les congressistes.

En poursuivant son combat à son exemple présent dans notre mémoire, nous lui resterons fidèles.

Henriette Dubois était Officier de la Légion d'Honneur.