1942-1943 De la relève au Service du Travail Obligatoire :
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Avec l’
instauration du STO le 16 février 1943, allant jusqu’au terme de sa politique de collaboration avec le Troisième Reich, le régime de Vichy consentait au sacrifice de la jeunesse française , révélant le sens réel de la Révolution Nationale que Pétain prétendait mettre en oeuvre sur les ruines de la République .
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Si le STO provoqua le départ dans la
clandestinité de près de 200 000 réfractaires, dont environ un quart gagnèrent les maquis en pleine formation, il convient en effet de rappeler qu’entre 25 000 et 35 000 jeunes gens requis pour le travail forcé ont perdu la vie en Allemagne.

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LA « RÉVOLUTION NATIONALE »

Dans son discours du 01 mars 1941 à Saint Etienne, Pétain exposait les fondements de l’Etat corporatiste par lequel il voulait remplacer la République.

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La Charte du travail promulguée le 4 octobre 1941 instaurait des corporations par branches d'activité.

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La Charte du travail dissolvait officiellement les syndicats, déjà interdits de fait depuis novembre 1940, et interdisait la grève. Si elle instaurait pour la première un salaire minimum fixé par l’Etat, celui-ci ne fut, de fait, jamais respecté.

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Dans mon Message du 10 octobre dernier, je vous ai dit que l'on ne peut faire disparaître la lutte des classes, si fatale à la Nation, qu'en faisant disparaître les causes qui ont dressé ces classes les unes contres les autres. En réalité, les causes de la lutte des classes ne pourront être supprimées, que si le prolétaire qui vit aujourd'hui, accablé par son isolement, retrouve dans une communauté de travail les conditions d'une vie digne et libre, en même temps que des raisons de vivre et d'espérer. Cette communauté, c'est l'entreprise. Sa transformation peut seule fournir la base de la profession organisée qui est, elle-même, une communauté de communautés.

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Il est donc urgentqu'ils aient la possibilité de défendre leurs intérêts légitimes, d'exprimer leurs besoins et leurs aspirations. Il est indispensable de créer des organismes qui puissent résoudre vitre les questions posées, ou, s'ils ne peuvent les résoudre eux-mêmes, donner à l'Etat les moyens de le faire sans que ses décisions soient paralysées par une connaissance insuffisante des problèmes, ou une organisation administrative trop lente à se mouvoir.

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Tel devra être l'objet d'une première loi sur l'organisation professionnelle.

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Elle se limite en fait à créer des organismes simples qui ne sont pas des organisations de classes, mais des comités sociaux où patrons, techniciens et ouvriers rechercheront ensemble les solutions des problèmes actuels, dans une commune volonté de justice, dans le souci constant d'apaiser par l'entr'aide les misères et les angoisses de l'heure.

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TRAVAILLEURS FRANÇAIS, je vous demande d'entendre mon appel.

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Sans votre adhésion enthousiaste à l'œuvre de reconstruction sociale, rien de grand ne peut être fait. Sachez vous y donner avec un désintéressement total.

 

 

 

Parallèlement à cette répression contre les organisations ouvrières indépendantes de l’appareil d’Etat, le régime de Vichy associait tous les services administratifs à la propagande allemande pour inciter les Français à partir pour l'Allemagne. Ainsi les affiches vantant les avantages de l’emploi en Allemagne étaient elles apposées par les soins des préfectures, à qui la Feldkommandatur indiquait où les placer .
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Par exemple, l'envoi de deux exemplaires de l'affiche « Savez-vous où vous recevrez un bon salaire ? »à la Bourse du travail de Lorient conduisait François Le Levé, ancien secrétaire de l'Union départementale des syndicats confédérés du Morbihan, à protester, le 30 juin 1941, auprès du préfet auquel il écrivait qu'il ne désirait « aucunement être lié à la publicité faite pour l'enrôlement des travailleurs français ». Le préfet lui répondait que ces affiches lui avaient été adressées sur l'ordre de la Feldkommandantur qui exigeait maintenant un compte rendu d'exécution.

 

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Dans le Morbihan, la presse collaborationniste s’associait à cette campagne de propagande, et plus particulièrement « Le Nouvelliste » , dans lequel on pouvait lire les avis suivants.

 

le 20 juillet 1941« Des ouvriers trouvent du travail en Allemagne »;
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les 24 et 26 juillet 1941« on demande des ouvriers pour les chantiers de Brême » ;
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le 8 août 1941
, « on demande des ouvriers pour l'Allemagne du Nord»;
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les 17, 18 et 19 février 1942: publication d’ une offre d'emploi pour 300 ouvrières auxiliaires dans une usine de Munich;
----------------les 17 et 18 avril 1942, « on demande du personnel pour les grands hôtels de la station thermale de Bad-Kissingen ».
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le 21 avril : « Du travail immédiatement. Améliorez votre sort en allant travailler en Allemagne ».

 

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Malgré cette propagande, dans le Morbihan, au 31 août 1942,il n'avait été souscrit en tout que 192 contrats de travail, dont 67 par des femmes, une vingtaine par des détenus de droit commun, trouvant là le moyen de ne pas accomplir leur peine, 27 par des mineurs, dont les parents refusèrent pourtant leur consentement à leur départ, consentement qui ne leur fut demandé qu’après l’arrivée de leurs enfants en Allemagne, enfants dont ils ne purent obtenir le retour.
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Face à cette propagande, outre les messages diffusés par « Ici Londres , les français parlent aux français », les premiers réseaux et groupes de résistants s’adressèrent eux-aussi à la population, collant par exemple le 8 mai 1942à Lorient des tracts qui déclaraient :« Partir travailler en Allemagne, c'est trahir ».

 

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La première Action- Sauckel et la «Relève» lancée par Laval :
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En juin de cette année-là, Hitler avait envoyé, en France, le gauleiter Fritz Sauckel, grand maître du service de la main d'oeuvre. Le 16 juin 1942 avait lieu une rencontre Laval, chef du gouvernement, et Sauckel. Laval prétendrait avoir essayé d'obtenir, auprès du Gauleiter nazi, l'échange d’ un prisonnier contre un ouvrier spécialiste.
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Face au refus de ce dernier, il avait accepté le retour d’un prisonnier contre le départ trois ouvriers . Mais, en réalité, dans une lettre envoyée
Joachim von Ribbentrop, ministre allemand des Affaires étrangères, Laval affirmait que cette Relève se plaçait dans le cadre d'une participation de la France à l’effort de guerre allemand contre le bolchevisme.
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Ce que Laval confirmait, le 22 juin 1942, dans un discours radioffusé:
«...Notre génération ne peut se résigner à être une génération de vaincus. Il faut que les ouvriers, en masse, comprennent qu'ils ont aujourd'hui un devoir de solidarité à remplir. La reconnaissance de la nation montera vers eux... Ouvriers de France, c'est à vous que des prisonniers devront leur liberté. C'est pour notre pays, que vous irez en grand nombre ...Je souhaite la victoire de l'Allemagne, parce que sans elle, le bolchevisme, demain s'installerait partout.»

 

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L’Etat français allait ainsi devenir le plus gros pourvoyeur de main-d'oeuvre étrangère en Allemagne. Dès la fin juillet, le départ de 150 000 ouvriers spécialisés était prévu et à partir du l août, une intense propagande allait être organisée autour de ce thème de la « Relève ». Le 11 août 1942, à Compiègne, en présence d’officiers SS, Pierre Laval accueillait le premier train de "relevés", qui croisa dans la gare, un train de requis partant pour l’Allemagne .
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Concernant les prisonniers de guerre du Morbihan, ce fut seulement le 18 septembre 1942 qu'arrivèrent à Vannes les 18 premiers prisonniers libérés qui seraient suivis par 50, le 25 septembre, 18 courant octobre, 125 en novembre, 164 en décembre.
-----------Fin août 1942, moins de 60 000 travailleurs français étant partis en Allemagne, une directive de Sauckel imposait le recours au recrutement forcé . En effet, le pari d’Hitler avait échoué en Russie. Désormais l'Allemagne devait subir une longue guerre d'usure à laquelle les dirigeants nazis avaient espéré échapper grâce au Blitzkrieg ou guerre éclair.
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En raison de la hausse constante des besoins allemands en vivres, en main- d’oeuvre ainsi qu'en forces de production, à partir de la fin de l’ été de 1942, les prélèvements de l’armée d’occupation allaient considérablement augmenter dans les territoires occupés : main-d'oeuvre destinée aux usines allemandes, accroissement des réquisitions de vivres et accélération de la déportation des Juifs vers Auschwitz .

 

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Sous prétexte de préserver le contrôle de l’ administration par son gouvernement, Laval
mit celle-ci, en fait, au service des forces d’occupation.
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La Loi du 4 septembre 1942 :

 

Le 4 septembre 1942, Laval édictait une loi qui introduisait la conscription obligatoire pour tous les hommes de dix- huit à cinquante ans et pour les femmes célibataires âgées de vingt-et-un à trente- cinq ans.
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Le 19 septembre 1942, un décret pris pour l’application de la Loi, imposait le recensement des français du sexe masculin âgés de 18 ans au moins et de moins de 50 ans, non pourvus d’un emploi régulier les occupant pendant un minimum de trente heures par semaine. Des listes allaient être donc dressées, listes dans lesquelles puiseraient les maires collaborationnistes pour répondre notamment aux exigences de l’Organisation Todt.

( Groupe industriel de génie civil et militaire fondé par Fritz Todt, puis dirigé, après la mort de ce dernier, en 1942, par Albert Speer, l’Organisation Todt (O.T), fut absorbée dans le Ministère de l’Armement et de la Productions de Guerre. Elle employa jusqu’à 1.400 000 travailleurs étrangers, via le travail forcé, réalisant notamment le Mur de l’Atlantique, les plateformes de lancement pour les missiles V1 et V2, des raffineries et des usines d’armement souterraines)

Le 20 octobre 1942 , Laval lançait un nouvel appel radiodiffusé aux Ouvriers français:
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Quand je vous ai demandé, il y a quelques mois d'aller travailler en Allemagne, je ne me suis pas soucié de savoir si mes paroles heurteraient la sensibilité de certains d'entre vous. Je n'ai pensé qu'à l'intérêt supérieur de notre pays... L'intérêt supérieur de la France exige, que nous fassions une politique d'entente avec l'Allemagne... Jamais le devoir des Français n'a été plus clair, s'unir autour du gouvernement et obéir à mes ordres. Les accords, qui ont été conclus entre le Gouvernement français et les autorités occupantes tiennent compte des possibilités de notre pays. Ils ont, en particulier, prévu la taxation de chaque usine, qui sera tenue de fournir un certain nombre de travailleurs.
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Cette taxation a été établie de manière à respecter le marché des entreprises et éviter la mise en chômage des ouvriers, qui restent en France...D'autres, en 1939, ont reçu l'ordre de partir. On ne leur a pas laissé le loisir de discuter cet ordre. Ils l'ont exécuté. Ils sont partis. Pourquoi discuteriez-vous aujourd'hui l'appel, que vous adresse le Gouvernement ?
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...Cette épreuve est décisive. Dominez votre égoïsme. Il vous est donné de reprendre par vos outils, ce que la France a perdu par les armes.»

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Dans le Morbihan, comme aucun ouvrier spécialiste volontaire dont les accords Sauckel-Laval prévoyaient l'envoi en Allemagne, ne s’était présenté, on procéda par voies autoritaires. Les entreprises furent «invitées» à se séparer d'une partie de leur personnel

Deux entreprises furent plus particulièrement mises à « contribution », les Forges d’Hennebont, et l’Arsenal à Lorient.
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Toutefois, dans le courant de novembre 1942, une centaine d’ouvriers d'entreprises privées furent envoyés en Allemagne.

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Dans le Morbihan, comme aucun ouvrier spécialiste volontaire dont les accords Sauckel-Laval prévoyaient l'envoi en Allemagne, ne s’était présenté, on procéda par voies autoritaires. Les entreprises furent «invitées» à se séparer d'une partie de leur personnel. Deux entreprises furent plus particulièrement mises à « contribution », les Forges d’Hennebont, et l’Arsenal à Lorient. Toutefois, dans le courant de novembre 1942, une centaine d’ouvriers d'entreprises privées furent envoyés en Allemagne.
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Les « déportés du Travail » des Forges d’Hennebont
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Leur recrutement
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Aux Forges d'Hennebont, une réunion était organisée le 6 octobre 1942 pour désigner d'office les 35 ouvriers spécialisés demandés.
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Une délégation , composée de l'inspecteur du travail Pinaud, du délégué à la production industrielle Omnès, d'un dirigeant du P.P.F. de Lorient, Sinquin, et de trois inconnus, se présenta dans l’usine. Le directeur des Forges expliqua d'abord aux ouvriers rassemblés le motif de la réunion, Omnès les mit au courant des accords franco-allemands sur l'envoi de spécialistes en Allemagne. Sinquin prit ensuite la parole.
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Alors qu'un calme absolu avait régné jusque là, ce dernier souleva l'hostilité de la salle en reprenant les thèmes habituels de la propagande nazie contre les Alliés et en apostrophant grossièrement les quelques 500 ouvriers présents, leur disant que s'ils avaient « peur de se faire casser la gueule par les bombes anglaises en Allemagne, les Anglais pouvaient aussi bien la leur casser ici...» . En signe de protestation, tous les ouvriers quittèrent la salle de réunion.
---------------- 23 ouvriers, au lieu de 35, furent désignés d'office: des célibataires âgés de 21 à 35 ans. Cinq furent déclarés inaptes par un médecin allemand. Le départ des 18 autres devait avoir lieu le 15 octobre.
---------------- Tous les jours, sur ordre de la direction, un contre-maître appelait les intéressés pour les faire conduire au bureau de placement allemand de Lorient se faire inscrire comme volontaires. Au bout de quelques jours, la moitié finit par accepter et partit le 18 octobre pour Francfort.
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Les neuf qui avaient refusé de partir furent convoqués à la Kommandantur et menacés du camp de concentration. Dans la soirée du 25 octobre, accompagnés d'un assez grand nombre de parents et de camarades, ils partirent donc de Lochrist et, pour se rendre à la gare, ils traversèrent Hennebont en chantant tour à tour la Marseillaise, l'Internationale et la Jeune Garde.
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Les Allemands exigèrent d'autres départs : ils furent 37, le 3 novembre 1942, à prendre le train pour Kônigsberg . Quelques autres ouvriers partiraient encore dans le courant de novembre.
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L’exploitation subie en Allemagne
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Les ouvriers des Forges d'Hennebont qui allèrent à Francfort travaillaient dans une petite entreprise de métallurgie où l'on fabriquait notamment des freins de camion et des têtes coniques de bombes. Ils eurent droit à une permission au bout de six mois mais ils ne furent autorisés à la prendre que deux par deux .
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Ils tirèrent au sort l'ordre du départ, étant entendu que les derniers, en juillet 1943, pourraient rester en France. Si tous purent rester en France, en revanche, la direction des Forges ne voulut pas les reprendre et ils furent contraints de travailler pour l'organisation Todt.
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Ceux de Koenigsberg étaient affectés à la «Presswerk» G.M.B.H dont l'usine, une cartoucherie, était dissimulée dans un bois de pins, à environ I km 500 de la gare de Metgethen (ville située à 10 km de Koenigsberg). Le camp où se trouvaient déjà des Polonais et des Ukrainiens (hommes et femmes) était à la lisière du bois. D'autres Français arrivèrent un peu plus tard, venus d'un peu partout. Seuls les hommes mariés reçurent la promesse d' une permission : deux groupes partirent successivement. Mais comme un seul homme revint, les permissions furent supprimées.
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Les ouvriers travaillaient onze heures et demie, par jour, de 6 heures à 18 heures avec une pause d'une demi-heure à midi. Ils étaient sous alimentés: chaque jour, chacun recevait 400 gr de pain, outre, le matin un ersatz de café, le midi une soupe (avec du chou, de la betterave, des rutabagas, quelquefois, le dimanche, des pommes de terre), une rondelle de saucisson ou de boudin et une rondelle de margarine. Une sorte de bouillon était servi seulement trois soirs par semaine les lundi, mercredi et vendredi ; rien les autres jours.
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Pour salaire, chacun percevait 70 à 80 pfennigs, sur lesquels des prélèvements étaient effectués pour la nourriture, le logement et l'éclairage.

 

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A l'Arsenal de Lorient, les Allemands avaient d’abord exigé le départ de 600 ouvriers. L'ingénieur du génie maritime Jacques Stosskopf, (qui dès cette époque, recueillait des renseignements sur la Kriegsmarine pour les alliés, et entrerait bientôt dans le réseau Alliance) réussit à faire valoir que le départ d'un si grand nombre serait préjudiciable à la marine allemande basée sur Lorient.
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Selon le témoignage de Melle Beauchesne recueilli par Roger Le Roux, la Direction des Industries Navales à Paris s’adressa directement au Commandant Mathiae pour lui indiquer que faute de « convaincre» les ouvriers de partir, de plus gros contingents risquaient d’être requis, et que des sanctions seraient prises contre les familles des réfractaires.
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Les Allemands arguaient enfin que les volontaires auraient droit aux lettres, à une solde qu'ils pourraient envoyer à leur famille et reviendraient à l'expiration de leur contrat au bout d'un an. Ceux qui refuseraient de se dire volontaires n'auraient droit à rien. Néanmoins, peu de volontaires se déclarèrent. 200 hommes furent désignés.
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Le 16 octobre 1942, les visites médicales obligatoires furent l’occasion d’une première forme d’opposition de la part d’une trentaine de jeunes ouvriers qui durent toutefois renoncer à leur projet de grève et de manifestation pour le lendemain, la police allemande s’apprêtant à intervenir. Toutefois, malgré la note de « renseignements généraux concernant le séjour en Allemagne » diffusée par Stosskopf concernant les conditions de travail et de vie à Wesermünde sur le chantier « Deschimag-Seebeck », que celui-ci tentait de décrire comme « acceptables » peu acceptaient de signer leur engagement, Stosskopf apposant sa signature sur les « contrats » pour leur laisser la possibilité d’obtenir le régime de faveur garanti aux volontaires.

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A l'Arsenal de Lorient, les Allemands avaient d’abord exigé le départ de 600 ouvriers. L'ingénieur du génie maritime Jacques Stosskopf, (qui dès cette époque, recueillait des renseignements sur la Kriegsmarine pour les alliés, et entrerait bientôt dans le réseau Alliance) réussit à faire valoir que le départ d'un si grand nombre serait préjudiciable à la marine allemande basée sur Lorient.
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Selon le témoignage de Melle Beauchesne recueilli par Roger Le Roux, la Direction des Industries Navales à Paris s’adressa directement au Commandant Mathiae pour lui indiquer que faute de « convaincre» les ouvriers de partir, de plus gros contingents risquaient d’être requis, et que des sanctions seraient prises contre les familles des réfractaires.
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Les Allemands arguaient enfin que les volontaires auraient droit aux lettres, à une solde qu'ils pourraient envoyer à leur famille et reviendraient à l'expiration de leur contrat au bout d'un an. Ceux qui refuseraient de se dire volontaires n'auraient droit à rien. Néanmoins, peu de volontaires se déclarèrent. 200 hommes furent désignés.
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Le 16 octobre 1942, les visites médicales obligatoires furent l’occasion d’une première forme d’opposition de la part d’une trentaine de jeunes ouvriers qui durent toutefois renoncer à leur projet de grève et de manifestation pour le lendemain, la police allemande s’apprêtant à intervenir. Toutefois, malgré la note de « renseignements généraux concernant le séjour en Allemagne » diffusée par Stosskopf concernant les conditions de travail et de vie à Wesermünde sur le chantier « Deschimag-Seebeck », que celui-ci tentait de décrire comme « acceptables » peu acceptaient de signer leur engagement, Stosskopf apposant sa signature sur les « contrats » pour leur laisser la possibilité d’obtenir le régime de faveur garanti aux volontaires.

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Un premier convoi de quelques 200 ouvriers accompagnés par l'ingénieur en chef Stosskopf qui voulait s'assurer des conditions de leur installation en Allemagne, devait partir le samedi le samedi 24 octobre. 14 ouvriers ne se présentèrent pas à la gare. Aux abords de celle-ci, vers 17 h 30, 1 500 personnes se rassemblèrent dans la cour de la Grande Vitesse où l'appel devait être fait tandis que 2 000 autres s'entassaient dans la salle des pas perdus avant de passer sur les quais et que 3 000 autres stationnaient de chaque côté du passage à niveau du cours de Chazelles.
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La foule poussa des cris hostiles aux Allemands et aux dirigeants de l'arsenal, des cris fusèrent « A mort Stosskopf» , la foule percevant alors ce dernier comme un partisan de la collaboration, « Laval au poteau », « Les soviets partout », « Aux chiottes Hitler »,« On les aura les boches ». Le train partit néanmoins à 18 h 15.

Dans ce convoi , se trouvait Charles Le Samedy , ( qui deviendrait maire de Lorient en décembre 1951). A Wesermunde, il écrivit le poème suivant :
« A toi, ma ville, Lorientais, nous aimions notre ville, Si tranquille, là-bas, au pays, Et pourtant, comme un troupeau docile, Un beau soir nous sommes partis. Nous laissions là nos femmes et nos mères Ou celles que nous épouserions, Et nos coeurs pleins de pensées amères Se serraient, tandis que nous partions.»

 

 

 

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Le 31 octobre, 44 ouvriers de l'arsenal partaient encore par train spécial . Trois retardataires de ce deuxième convoi prenaient le train le 3 novembre en même temps que 37 ouvriers des Forges d'Hennebont qui se rendaient à Koenigsberg.
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Sur les ouvriers de l’arsenal convoqués, 10 ont refusé de partir. L'ingénieur général, Jacques Stosskopf , ayant refusé de communiquer leurs noms et adresses à la police, le commissaire de police et le capitaine de gendarmerie, convoqués à la Kreiskommandantur, déclarèrent qu'en vertu des instructions contenues dans la circulaire n°206 du 26 octobre 1942, ils ne pouvaient eux-mêmes intervenir pour obliger les ouvriers à partir. Ces atermoiements permirent à cinq des neuf derniers réfractaires de quitter leur poste à l'arsenal.
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Mais quatre furent interpellés sur les chantiers au matin du 9 décembre, l'un d'eux, Emmanuel Le Poder, réussit à s'enfuir, les trois autres Joseph Bossenec, Joseph Le Clanche et Albert Le Priol furent arrêtés comme saboteurs, conduits à Vannes et remis aux Allemands.
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Ceux-ci relâchèrent Le Clanche et Le Priol mais Bossenec, qui avait saboté un arbre d'hélice destiné à un sous-marin, et avait été dénoncé , était « déporté » à Wesermünde où il arrivait le 18 décembre, remplaçant un ouvrier malade que les Allemands avaient autorisé à rentrer en France le 25 novembre.

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Ce qu’il advint des ouvriers de l’arsenal «déportés » à Wesermünde :
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L’exploitation subie en Allemagne

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Les ouvriers de l’arsenal furent employés sur les chantiers de la firme « Deschimag Werk Seebeck » où ils participèrent à la construction de divers bâtiments comme 5 à 6 chalutiers, 2 releveurs d'épaves et 7 sous-marins de 750 tonneaux.
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En 1944, le chantier tout en continuant les réparations courantes des bâtiments de surface et de sous marins, se spécialisa dans le montage d'une section de sous-marins d'un modèle nouveau construits en 8 tronçons. Les actes de sabotage ne furent pas nombreux ; la pratique de l'amatelotage (un ouvrier allemand chef de pièce avec un ouvrier français, deux au plus) ne le permettait guère.
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Néanmoins, certains faussaient des pièces quelques-uns jetaient dans la Weser des outils, des câbles ou des tuyaux. Si les conditions de travail furent supportables, en revanche les conditions d’hébergement furent déplorables : les ouvriers étaient logés au camp de Baggerloch dans des baraques en bois à raison de 18 par chambrée. Les baraques, neuves en 1942, n'étant jamais entretenues, furent à partir de l'été 1943 infestées de puces et de punaises.
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Le chauffage se réduisait à un poêle placé au centre de la chambrée, les ouvriers étant souvent contraints de chercher du bois ou de voler des briquettes de charbon pour l' alimenter convenablement. La plupart des ouvriers ne perçurent en trente mois ni linge, ni vêtements de rechange. La nourriture était insuffisante en quantité et en qualité.
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En principe, l'ouvrier étranger devait percevoir des rations sensiblement équivalentes à celles du personnel allemand ; or il n'en était rien, les gens chargés de l'intendance du camp volaient les Français. A midi la cantine n'était accessible qu'aux Allemands.
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Le dimanche, la ration était servie à midi et il fallait attendre jusqu'au lundi soir la soupe suivante (soit 30 heures). Les nombreux colis reçus jusqu'en juillet 1944 permirent aux ouvriers de se maintenir en assez bonne condition physique mais dès l'arrêt des expéditions, l'état de santé devint plus mauvais et les malades furent nombreux.
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Le retour
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Quelques permissionnaires revinrent en France en mai 1943. Ceux qui ne retournèrent pas furent recherchés par la police allemande. Ayant un contrat d'une année. ils se voyaient refuser leur réintégration à leur ancien poste de travail et ils durent se cacher.
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Par contre, passé le délai d'un an en Allemagne, ceux de l'arsenal qui obtinrent une permission purent rentrer sans être inquiétés.
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Au cours de l’année 1943, les agents techniques furent renvoyés en France, 4 ouvriers malades furent rapatriés, 75 partirent en permission régulière ou exceptionnelle et ne revinrent pas, 4 s'évadèrent, 18 ouvriers furent transférés sur d’autres chantiers.
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4 ouvriers furent sanctionnés pour propos anti-allemands et envoyés en camp de concentration pour une durée déterminée. En revanche, Pierre Le Gall arrêté le 13 septembre 1944 pour propagande communiste, fut déporté à Farge.
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Alors qu’il avait été gravement blessé sur le chantier de Wesermünde, ayant eu la main gauche écrasée, Pierre Le Gall fut contraint au déchargement de wagons de ciment à un rythme éreintant alternant des journées de travail de 24 heures sans un arrêt, et des périodes de 12 heures de repos. Après huit jours passés à l’infirmerie du camp, il mourut d’épuisement le 25 décembre 1944.
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137 ouvriers de l’arsenal se trouvaient encore à Wesermünde au moment de la Libération

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Les exigences de l’Organisation Todt:
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En fait l'Organisation Todt absorbait sur place pratiquement toute la main d'oeuvre disponible et procédait fréquemment à des réquisitions. Entre le 22 septembre et le 8 novembre 1942, 450 ouvriers, dont 150 volontaires qui, on peut le supposer, cherchaient peut-être à éviter un départ forcé en Allemagne, étaient mis à sa disposition. Désormais la plupart des ouvriers de l'industrie travaillait directement ou indirectement pour l'Organisation Todt ou pour l'armée allemande. S’agissant des départs pour l’Allemagne, force était à la feldkommandantur de constater, dans une lettre en date du 21 décembre 1942 adressée à l'Inspecteur du Travail de Lorient :« depuis quelque temps, ...vous désignez pour aller travailler en Allemagne des ouvriers dont on peut tout dire sauf qu’ils sont en bonne condition physique.. Des travailleurs comme ceux là n’offrent aucun intérêt»
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Néanmoins, tout au long de l’année 1943, l'Organisation Todt maintiendrait ses exigences de main d’oeuvre, notamment sur les chantiers de Lorient et de la côte, ce d’autant plus que la nécessité de réparer les dégâts causés par les bombardements de janvier entraînait de nouveaux chantiers.
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Par une note en date du 23 janvier 1943 la Feldkommandantur de Vannes en date « invitait » les autorités françaises à faire le nécessaire pour que 600 travailleurs fussent mis à la disposition de l'Organisation Todt, note qui s’accompagnait d’ une liste de répartition indiquant le nombre des hommes qui seraient requis dans chaque commune, lesdites communes devant être informées pour le 29 janvier au plus tard.
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Le colonel Marage, alors préfet du Morbihan , demandait donc aux maires de désigner un nombre déterminé de travailleurs qui, selon les ordres reçus, devraient se rendre le 2 février 1943 au camp Franco, à Hennebont.
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Le Préfet informait toutefois la Feldkommandatur des difficultés que ses services risquaient de rencontrer, signalant que :
«I - que dans le Morbihan la plupart des ouvriers de l'industrie [travaillaient] déjà directement ou indirectement pour l'Organisation Todt ou pour l'armée allemande.
2 — que le Morbihan [était] un département essentiellement agricole et que, par décision du 18 décembre 1942, le Militàrbefehlshaber, rejoignant en cela la législation française, interdisait le recrutement de la main d'oeuvre employée dans l'agriculture ou dans les professions directement liées au ravitaillement ».
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Si certains maires acceptaient de procéder aux désignations requises, d’autres tentaient de contourner l’obligation . Ainsi, le Maire de Saint-Congard désignait uniquement des cultivateurs, à qui la préfecture indiquait qu’ils étaient exempts de toute réquisition : aucun habitant de la commune n’était donc requis. Plus de cinquante autres refusaient purement et simplement de procéder à toute désignation.
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Certains maires comme ceux Rohan, Landévant, Marzan, Pontivy, répondaient au préfet de faire lui-même les désignations puisque ses services possédaient la liste des hommes susceptibles d'être recrutés. D'autres, comme ceux de Saint- Gérant, Cruguel, Rufficac arguaient que tout prélèvement d'hommes étaient matériellement impossible, la main d'oeuvre agricole faisant déjà défaut, aucun des soldats des bourgs concernés faits prisonniers par l’armée allemande n’étant rentré au pays. Si bien que, le 2 février 1943, sur les 600 travailleurs réclamés par les Allemands, seuls 104 se présentaient.
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Malgré les menaces de la Feldkommandatur de traduire devant un conseil de guerre les maires des communes défaillantes, plusieurs d’entre eux n’obtempéraient pas.

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Le Maire de Saint-Marcel n’hésitait pas à répondre au Préfet qui avait transmis les ordres de l’armée allemande :
« Je n'ai jamais fait office de gendarme et je ne suis pas qualifié pour obliger à partir des jeunes gens qui s'y refusent et sont fort utiles dans la commune ».
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Celui d'Elven osait déclarer :
« Je ne veux pas renouveler devant mes administrés la triste mission de recruteur d'hommes qu'on veut bien confier aux maires. Du reste les hommes partis à Hennebont sont sans travail et sans nourriture. Plusieurs sont revenus... »
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Pourtant, les demandes allemandes se succédaient pendant tous les mois suivants, réclamant par exemple, en février : 97 ouvriers pour des travaux entre Arzon et Sifflets, 20 garçons d'écurie et manoeuvres à Hennebont, 30 ouvriers à Locminé, en mars : 2 cuisiniers à Lorient, 20 boulangers pour la boulangerie militaire de l'Ecole normale d'institutrices de Vannes ; en avril , 50 femmes et 10 hommes, pour la blanchisserie de la marine à Port-Louis.
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Le plus souvent personne ne se présentait . Si la feldkommandantur réitèrait sa demande, le préfet affirmait que l'Office départemental du travail « malgré ses recherches » n'avait pu trouver le personnel voulu. Dans une lettre en date du 14 avril 1943 le directeur départemental du travail affirmait que « la crise de main d'oeuvre, paraît avoir atteint son paroxysme. De tous côtés, services ou unités allemandes et employeurs.. français réclament des ouvriers, manoeuvres ou spécialisés. Or... dans tout le département, il n'y a aucune disponibilité et des prélèvements ne pourraient être effectués éventuellement que chez les inscrits maritimes, nombreux étant ceux qui ne naviguent pas... ».
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Jusqu’à la nouvelle loi instituant le S.T.O, les inscrits maritimes avaient été en effet exclus du champ d’application de la loi du 4 septembre 1942.
---------------- Ainsi, dans le Morbihan, dans le cadre de la première « Action Sauckel », entérinée par la loi du 4 septembre 1942, quelques 467 ouvriers (275 spécialistes et 192 manoeuvres), dont seulement 8 volontaires, sur les 593 convoqués étaient partis en Allemagne pour la fin 1942. Près de 30% des personnes convoquées étaient donc considérées comme réfractaires et susceptibles d’être recherchées comme telles.
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Pour l’ensemble de la France 197 000 travailleurs seraient partis pour l'Allemagne au titre de la première Action Sauckel » dont seulement 72 000 volontaires: les jeunes français, dans leur majorité, n’avaient donc pas adhéré au marché de dupes proposé par Laval « 3 travailleurs en Allemagne pour le retour d’un prisonnier »
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Vers le Service du Travail Obligatoire : 1942 Année du Tournant
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Le débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 montra ce que cachait la prétendue neutralité de Vichy, qui avait servi au régime à justifier l’armistice.
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Laval alla jusqu’ à proposer à Hitler de prendre une part active dans une opération militaire qui aurait pour but de neutraliser le débarquement anglo-américain. Du reste, les forces françaises en Afrique du Nord s'opposèrent aux forces de débarquement alliées. De plus, au cours des premières vingt-quatre heures, Laval céda aux deux ultimatums allemands : dès le 8 novembre, le droit pour l'aviation allemande et italienne de survoler le sol français afin d'attaquer la flotte alliée et, le 9 novembre à 1 h 30, l’autorisation de se baser en Tunisie et dans le Constantinois, et celle de laisser des unités terrestres allemandes et italiennes débarquer à Bizerte.
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Laval se rendit même jusqu’à Munich pour négocier une telle association, dont ne se préoccupait guère Hitler qui aurait donné l’ordre d’occuper l’ensemble du territoire national avant même de recevoir Laval. Et pourtant, même après le 11 novembre, alors que les allemands avaient occupé le reste de la France, désarmé l'armée d'armistice et envahi ce qui restait de la zone libre, conduisant ainsi l'amiral Laborde à saborder l'escadre, à Toulon, le 27 novembre 1942, Vichy persistait à se référer au cadre légal de la convention d'armistice de 1940, comptant maintenir peut-être auprès de la population française un semblant de légitimité.
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Or, les événements de novembre 1942 réduisirent à néant deux arguments fondamentaux dont Vichy se réclamait pour justifier sa politique de collaboration: - épargner au moins à une partie de la population l'occupation allemande directe ;
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- conserver la maîtrise d'une force armée véritablement française et le contrôle de la majorité des territoires d'outre-mer. À la fin de novembre1942, les Russes encerclaient 22 divisions allemandes à Stalingrad. Ce fut le déclenchement de la première défaite allemande sur le front russe, défaite cruciale, consommée le
2 février 1943par la capitulation de la VIe armée et de la IVe armée blindée et de leur commandant, le feld-maréchal Paulus — premier feld-maréchal de l'histoire allemande à avoir été fait prisonnier au cours d'une bataille.
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Suite aux revers russes, le passage de la guerre éclair à la guerre totale décidée par Hitler allait conduire à de nouveaux prélèvements de main d'oeuvre aux quels s’associerait servilement l’Etat français par tout un arsenal législatif et réglementaire et par des mesures de répression.
----------------En effet, le 15 décembre 1942, Hitler ayant décidé le recrutement dans la Werhmacht 300 000 ouvriers allemands, dès le 1 janvier 1943, le gauleiter Sauckel exigeait du gouvernement de Laval, qu'en plus des 240 000 ouvriers déjà partis en Allemagne, un nouveau contingent de 250 000 hommes fût expédié d'ici la mi-mars.

stacks image 1912

 

 

Ainsi, avant même la promulgation de la Loi instituant le S.T.O une circulaire interministérielle du 2 février 1943 prescrivait un recensement général portant sur tous les français du sexe masculin nés entre le 1 janvier 1912 et le 31 décembre 1921, recensement qui devait permettre de classer ces hommes par groupes de professions.
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Deux jours plus tard, les préfets étaient informés des exigences du Gauleiter et des accords signés entre lui et le gouvernement de Laval.
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Les chefs des délégations spéciales nommés par Vichy, que le renouvellement des cartes d'alimentation serait subordonné à l'apposition d'un cachet spécial, attestant que les titulaires ont fourni toutes les pièces prouvant leur activité.
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Les maires reçurent l’ordre de dresser, notamment grâce aux cartes d’alimentation, un état nominatif des hommes nés entre 1912 et 1921 inclus, résidant dans leur commune et de les classer selon les 8 catégories suivantes:

----------------1 — Hommes pourvus d'un emploi régulier dans une profession agricole ou connexe (forêts, agriculture, pêche) ;
----------------2 — Hommes pourvus d'un emploi régulier dans l'industrie et le commerce ;

----------------3 — Hommes exerçant une profession libérale (y compris professeurs et instituteurs) ;

----------------4 — Domestiques et gens de maison (y compris concierges) ;
----------------5 — Fonctionnaires ou agents de l'État, des
départements, des communes et des établissements publics ainsi que des services concédés ;

----------------6 — Etudiants ;
----------------7 — Hommes en traitement « soit dans un hôpital soit dans un asile » ;
----------------8 — Hommes ne rentrant dans aucune des catégories précédentes.

stacks image 1906

Le 17 février 1943, le Journal Officiel publiait le décret 431, pris pour l'application de la loi 106, du 16 février 1943, portant institution du Service du travail obligatoire.
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S’agissant du Morbihan, les états devaient être envoyés à l'Inspecteur du Travail d'Auray avant le 20 février 1943, pour les hommes nés entre le l janvier 1917 et le 31 décembre 1921, avant le 10 mars 1943, pour les hommes nés entre le l janvier 1912 et le 31 décembre 1916.Enfin, le 15 février, le décret 430, pris pour l'application du titre IV de la loi du 4 septembre 1942, relative à l'orientation de la main d'oeuvre», stipulait que les entrepreneurs devraient accentuer la formation professionnelle des travailleurs de 18 à 50 ans, soit en organisant cette formation dans leurs locaux, soit en constituant des institutions de promotion ouvrière ou de reclassement professionnel.

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L'article premier déterminait comme suit les classes d’âge visées par la loi :
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«Tous les Français et ressortissants du sexe mâle rési- dant en France, et nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922, sont astreints à un service du travail, d'une durée de deux ans, qu'ils pourront être tenus d'exécuter à partir de la date de publication du présent décret. Toutefois cette durée sera réduite d'un temps égal déjà passé dans les Chantiers de Jeunesse ou dans les armées...»
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Puis étaient déterminées les conditions concrètes de mise en oeuvre de cette mesure : les jeunes gens seraient convoqués par les préfets avant le 28 février, une visite médicale devant avoir lieu de 5 mars.
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Après la visite médicale, ceux qui étaient déclarés aptes au travail, pouvaient recevoir quelques jours plus tard, à l'entête de l'Inspection du Travail, une feuille de route pour l'Allemagne ainsi libellée :
«J'ai l'honneur de vous faire connaître, que la commission mixte franco-allemande prévue pour prononcer les affectations des jeunes gens, recensés au titre du S.T.O., vous a désigné pour aller travailler en Allemagne. En conséquence, suivant les instructions de la Kommandantur, j'ai l'honneur de vous inviter à bien vouloir vous présenter au bureau de placement allemand [ le camp Franco à Hennebont]... pour y prendre connaissance des conditions de travail, ainsi que des dates et heures de départ. Je vous précise que la non exécution par vous de cet ordre d'affectation est passible de peines prévues par la loi du 16 février 1943.»
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En effet, ceux qui s'y chercheraient à se soustraire au départ pourraient encourir des peines de 3 à 5 ans de prison et de 200 à 100 000 francs d'amende.

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La deuxième « action Sauckel » était lancée...
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Une circulaire du 20 février 1943 classait les hommes, après la visite médicale, en six catégories

----------------0 : inaptes ;
----------------I : aptes à tous travaux ;
----------------2 : aptes à travaux de terrassement, agricoles et industriels ;
----------------3 : aptes à petits travaux ;
----------------4 : susceptibles de rééducation dans une nouvelle profession ;
----------------5 : malades pour un maximum de deux mois.

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Une autre circulaire ministérielle du même jour exemptait provisoirement du départ en Allemagne la catégorie 5 et les jeunes mariés avec enfants (ou enfants à naître prochainement) et définitivement les catégories 0, 3 et 4 ainsi que les agriculteurs, agents de police, gendarmes, agents mobiles, agents de la S.N.C.F., des P.T.T., des Finances, instituteurs et jeunes gens qui avaient accompli un an de service militaire ou dans les Chantiers de jeunesse.
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Toutefois, même Vichy n’ignorait pas que le départ en Allemagne de tous les autres jeunes gens âgés de 20 à 23 ans, risquait de désorganiser les services administratifs. Aussi, les préfets recevaient-ils des instructions pour que le contingent éventuel des appelés en Allemagne et des requis par l'Organisation Todt n'excédât pas au total, dans chaque service, le quart des effectifs appartenant aux classes 1940, 1941 et 1942.

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Il convient aussi de rappeler que courant 1943, selon un document de l’Inspection du travail du Morbihan, quelques 18000 ouvriers étaient occupés sur divers chantiers pour le compte des des troupes d'occupation allemandes dans le Morbihan :


----------------- 8 520 ouvriers employés par des entreprises françaises travaillent sur des chantiers pour les besoins , et plus particulièrement 400 ouvriers de la Société parisienne de constructions à Lorient, 347 ouvriers de l’entreprise Drouard frères à Guidel, 341 ouvriers de l’entreprise Bardin à Auray, 310 Facchin à Auray, 341 de l’entreprise Ruello-Kermelin à Auray, 315 de l’entreprise Groleau à Vanne;
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----------------- près de 10.000 employés par des firmes allemandes, et notamment les Firmes Dietrich, Electro-Helm, Karl Epple Kunster und Sohn, Holemann-Siemens Ways und Freytag à Lorient et Auray, Zimmermann à Lorient et Gestel, Baerlé et Bussenius à Vannes, Jakob Meyer à Hennebont.
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Dans le Morbihan, beaucoup de jeunes gens, environ 5 000, ne se faisaient pas recenser, surtout dans l'ouest du département. Si certains d’eux travaillaient déjà avec les Allemands ou appartenaient à une catégorie exemptée, pour la plupart, il s’agissait d’échapper au « travail pour les boches » .
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Ainsi dans certaines communes, Lignol, Séglien, Meslan , aucun jeune homme susceptible d’être recensé ne se serait présenté .A Roudouallec,il s'en présentait un seul, à Saint-Perreux 2, au Faouët 7. En revanche, 92 se présentaient à Saint-Barthélémy,99 à Mauron, 127 à Bubry, 135 à Pluvigner.
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De plus, même s’ils répondaient à la convocation pour le recensement, les jeunes gens ne se rendaient pas nécessairement au rendez-vous pour le départ. Ainsi, le 27 mars 1943, un départ de 85 jeunes gens de la région de Pontivy devait avoir lieu, à destination du camp Franco.
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Sur les 77 recensés, 33 seulement allaient retirer leur convocation, et bien que le maire eût réquisitionné un autocar et fait annoncer dans toute la ville par le crieur public que tous les recensés devaient se trouver devant la mairie à 16 h 30, à 18 heures aucun inscrit ne s'était présenté.
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Fin mars 1943
, la Commission du Travail Obligatoire achevait l'examen des jeunes gens des trois classes intéressées. Sur 7 577, elle en déclarait 188 inaptes tandis que 5 131 étaient exemptés (agriculteurs, agents de police, etc...) ; 2 258 étaient déclarés « bons pour le service ».
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Sur ces 2 258 près de la moitié attestaient qu'ils travaillaient déjà pour les Allemands à l'Organisation Todt et, au final, seuls 1 184 jeunes hommes étaient retenus, dont 110 à Vannes, 77 à Pontivy, 42 à Auray, 41. à Ploërmel, 39 à Bubry, 32 au Palais, 30 à Quiberon, 26 à Locminé, 22 à Pluvigner, 20 à Josselin,...). Parfois, il semble que seuls ceux qui étaient sûrs d'être exemptés, se seraient présentés: ainsi à Langonnet, il y eut 54 exemptés sur 55 recensés

La chasse aux réfractaires :

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Les autorités allemandes exigèrent donc que l'administration française fît respecter la législation de Vichy.
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Après avoir tenté de s' opposer à cette injonction, disant que cette tâche relevait de la police aux armées, le préfet Marage acceptait, le l avril 1943, à la Feldkommandantur de Vannes, « l’accord » suivant:

----------------a — la police et la gendarmerie française rechercheraient dès le 2 avril à Vannes et dans les communes des deux cantons de Vannes les jeunes requis qui n'avaient pas répondu à leur convocation. Dès que les listes des défaillants seraient en possession des services de la préfecture, les recherches s'étendraient à l'ensemble du département .
----------------b — le commandant de gendarmerie et le commissaire de police de Vannes devraient mettre le chef de la Sicherheitspolizei de Vannes au courant des dispositions prises à cet effet. ----------------c — les maires devront faire parvenir sans délai la liste des jeunes gens qui ne se sont pas fait recenser.
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La liste des jeunes gens qui n'avaient pas rejoint le camp Franco à Hennebont était mise au point le 17 avril : elle comptait 448 noms d'un peu partout dans le département, notamment 32 d'Auray.
---------------- Conformément aux prescriptions de Laval, se pliant aux exigences allemandes, un centre d'hébergement pour interner les réfractaires, était ouvert le vendredi 2 avril à Vannes dans les locaux situés au 2e étage de l'ancien hôpital, rue Lesage, centre transféré ensuite rue Loi, qui comprenait quatre salles transformées en dortoirs (56 lits au total) et une cinquième servant de réfectoire. Les réfractaires au S.T.O. y étaient conduits par des policiers et surveillés par ceux-ci, jour et nuit par la police jusqu'à leur départ pour l'Allemagne. Les huit premiers occupants y arrivèrent dès le 3 avril suivis peu après par cinq autres réfractaires. 7 furent relâchés presque immédiatement à la demande des autorités occupantes elles-mêmes pour lesquelles ils travaillaient. Presque tous fournirent la même excuse : « J'ai été convoqué fin mars 1943 au camp Franco, à Hennebont pour accomplir le S.T.O. Je n'ai pas répondu à cette convocation, étant donné que je travaillais déjà à Lorient pour le compte des troupes d'occupation... »
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Dans son livre « Soldats bleus dans l’ombre: le Commandant Guillaudot et ses gendarmes dans la résistance, » , le récit que Charles Gilbert donne de la conférence réunissant les représentants de toutes les services administratifs de police et de gendarmerie chargés de la mise en oeuvre de la Loi, tenue fin mars 1943 , à la Préfecture de Vannes, en présence d’un certain Lallemand, Directeur Régional du S.T.O, donne quelques éclaircissements sur les causes de ces piètres résultats. Lors de cette conférence, le haut fonctionnaire Lallemand aurait mis en cause l’inefficacité de la gendarmerie du Morbihan qui non seulement ne ferait rien pour retrouver les réfractaires, mais qui « par-dessus le marché trahirait le Maréchal en les avertissant des recherches effectuées, en les aidant à se cacher ».
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Ce fonctionnaire paraissait bien informé puisqu’en effet, depuis quelques mois, comme le faisait le gendarme Jean Louarn à Josselin, des gendarmes recopiaient, par commune, les listes des jeunes gens requis pour le travail en Allemagne, puis les faisaient prévenir par des gens de confiance pour leur permettre de se cacher.
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Deux jours après cette conférence, le Commandant Guillaudot aurait été convoqué par le Préfet Marage pour une entrevue en présence de deux représentants du Commissariat général au S.T.O. Ceux-ci reprenaient les accusations de Lallemand précisant que, d’après leurs statistiques le Morbihan arriverait en tête de liste pour ce qui concernait le nombre de réfractaires au S.T.O. Puis donnant l’ordre au Commandant Guillaudot d’agir pour redresser cette situation faute de quoi de graves sanctions seraient réclamées à son encontre, ils indiquaient rester sur place pendant quelque temps pour vérifier l’application de leurs directives.
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Maurice Guillaudot, alias Yodi, aurait alors réuni ses adjoints, le lieutenant Théophile Guillo, alias Chuais, commandant la Compagnie de Ploërmel, et Paul Chenailler, futur Colonel Morice, pour déterminer comment sortir de ce piège qui, s’ils refusaient de prendre quelques mesures, mettrait fin à leur action de renseignements pour la Résistance, mais sans pour autant faire partir des français pour l’Allemagne.

Ils décidèrent les mesures suivantes:
---------------- 1° Arrestation immédiate de tous les jeunes gens astreints au S.T.O. qui travaillaient pour l'Organisation Todt, sans avoir sollicité une autorisation spéciale;
---------------- 2° Arrestation immédiate de tous les jeunes gens normalement astreints, mais malades ou infirmes, qui ne se s’étaient pas présentés à la visite médicale obligatoire et n'avaient donc pas été officiellement exemptés;
---------------- 3° Arrestation de tous les jeunes gens qui, malgré les avis donnés de quitter leur canton et de se cahcer, n’auraient pas voulu le faire .
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Des consignes furent transmises à toutes les brigades du département, et trois jours plus tard, 150 réfractaires furent conduits au centre d’hébergement de Vannes à la grande satisfaction des deux délégués nationaux. Sur ces 150 réfractaires, 120 furent réclamés par l’Organisation Todt puisqu’ils travaillaient sur ses chantiers, 20 furent reconnus inaptes, 10 furent transférés sous escorte de la gendarmerie par train à Paris, escorte si peu vigilante que six jeunes gens pouvaient s’enfuir avant l’arrêt à la gare du Mans. Des 4 requis partis en Allemagne, un disparaîtrait dans ce pays. Quant aux deux gendarmes de l’escorte, le
Commandant Guillaudot, leur infligea huit jours d’arrêts de rigueur «pour leur négligence » !!!
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Il convient de noter néanmoins, que, si dans le premier semestre 1943, les autorités occupantes ne se préoccupèrent pas davantage de faire rechercher méthodiquement ceux qui ne s’étaient pas faits recenser, c’était aussi parce que le contingent de 250 000 hommes exigé par les Allemands avait été constitué dans les délais fixés, un télégramme officiel en date du 10 avril 1943 adressé par le commissariat général au S.T.O. ordonnant même de cesser les envois de main d'oeuvre, 260 000 hommes étant partis pour l’Allemagne.
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Toutefois, avec les circulaires des 12 et 23 avril, 31 mai 1943 du Commissariat Général au S.T.O, étaient lancées trois nouvelles opérations, l’ une visant 190 000 hommes, dont 10 000 jeunes gens, pour travailler en France aux usines d’armement Rustung contrôlées par les allemands, et les deux autres pour requérir plus de 300 000 hommes pour aller en Allemagne. Un décret du 31 mai étendait le S.T.O. aux hommes nés entre le ler octobre et le 31 décembre 1919, leur appliquant les mêmes mesures qu'à ceux des classes 40 à 42.
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Le préfet Marage s'efforçait vainement de limiter au moins les désignations de fonctionnaires, dont bien malgré lui, il devait avouer la pitoyable situation matérielle. Ainsi dans une lettre en date du 21 mai adressée au préfet régional il indiquait : « Pour ce qui est des services de la préfecture, je me permets de vous signaler que tout prélèvement massif de main d'oeuvre ne manquera pas d'avoir de graves répercussions et de paralyser complètement leur fonctionnement. Le remplacement des agents qui seraient désignés serait impossible du fait qu'aucune candidature n'est en instance en raison de la rémunération trop faible allouée aux intéressés, rémunération qui est à l'heure actuelle nettement inférieure au salaire total réel dont bénéficie le personnel des entreprises commerciales et industrielles».
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Le 26 mai 1943à Vannes, à la demande de la Feldkommandantur, se tenait la première réunion du Comité départemental d'affectation de la main d'oeuvre, constitué le 14 mai en application du décret n°918 du 29 mars 1943. Ce comité était composé à l’image de l’ordre corporatiste rêvé par Pétain : Le préfet et les principaux chefs de service qui en étaient membres de droit : directeurs des Services agricoles, de l'Office départemental du travail, du Service de l'artisanat, et neuf membres désignés par le préfet : 3 patrons, 3 cadres, 3 ouvriers.
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Il s’agissait de d'effectuer la désignation des travailleurs appelés à partir pour l'Allemagne. Groleau, entrepreneur, s’était fait excuser, Denis, chef du service du personnel aux Forges d'Hennebont et François Le Levé, ancien secrétaire de l'Union départementale des Syndicats n’ étaient pas venus. L'Oberinspektor Riefkohl participait à la séance.
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Au cours de la séance, le Secrétaire général indiquait que le Morbihan appelé à fournir 6 700 hommes, ne pourrait atteindre cet objectif. l'Oberinspektor Riefkohl demandait alors que tout l'effort désirable fût fourni en vue de réunir 1 500 ouvriers, c'est-à-dire le chiffre que le département proposait aux Autorités supérieures. Même ce nombre ne pût être atteint.
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Alors que 670 hommes devaient partir le 5 mai, seulement 45 purent être convoyés vers l’Allemagne. Le 9 juin 1943, Laval lui-même téléphonait au Préfet Régional de Rennes pour lui dire l’intérêt qu’il attachait au départ du plus grand nombre de jeunes gens de la classe 42 pour l’Allemagne.
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Les première rafles :
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Les allemands, accusant les gendarmes de ne pas faire leur travail décidèrent de procéder eux- mêmes aux désignations de 1950 jeunes gens. Néanmoins seuls 111 d’entre eux obtempérèrent à l’ordre allemand. Les allemands décidèrent alors de procéder à des rafles tout d’abord dans les camps de l’Organisation Todt: ainsi ramenèrent-ils quelques 300 travailleurs du camp de Plouharnel au camp franco à Hennebont, qui partirent , pour des usines proches de Kassel, le 19 juin de la gare d’Hennebont, en chantant l’Internationale. Un autre convoi de 400 jeunes gens des classes 1939 à 1942 quittait Hennebont aux cris de « Laval au poteau» Suite à cette rafle, de nombreux ouvriers des chantiers Todt à Lorient et sur la côte désertaient ce qui conduisit la Feldkommandantur à menacer de représailles pouvant aller jusqu’à la peine de mort, ceux qui quitteraient leur poste. Elle transmettait en conséquence des ordres de recherche à la gendarmerie chargée de mener l’enquête et d’appréhender les réfractaires.
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Dans le seul mois de décembre 1943, la Feldkommandantur de Vannes demandait aussi de faire rechercher 55 personnes (dont certaines étaient parties comme volontaires en Allemagne), qui, à l'expiration de leur permission, n'avaient pas rejoint le camp de Revigny (Meuse) pour retourner en Allemagne.Les Allemands, pour obliger les permissionnaires à revenir, prirent vite l'habitude de ne les laisser partir qu'en très petit nombre, à tour de rôle .L'esprit de solidarité obligeait ainsi les requis à retourner pour que leurs camarades pussent aller voir leur famille.
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Au cours de l’été 1943, 4 049 jeunes gens avaient l’objet d'une enquête, les résultats aboutissaient à 1 196 constats de situations régulières, 2472 recherches infructueuses et 381 arrestations. Les procès verbaux de recherches infructueuses se limitaient à recueillir les déclarations des parents qui tous feignaient ignorer où se trouvaient leur fils. Les arrestations frappaient le plus souvent des ouvriers qui bien que travaillant au service de la Kriegsmarine ne détenaient pas de carte de travail, mais seulement un certificat établi par les autorités allemandes, ou encore des malades en congé. Il y eut aussi quelques jeunes gens qui n’avaient pas pris la précaution de se cacher. La plupart des ouvriers arrêtés furent donc relâchés les jours suivants. Les 208 enquêtes effectuées en août connurent d’aussi piètres résultats : 190 constats d’ adresses ignorées, et 2 arrestations.
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De plus, sur les 381 jeunes gens arrêtés par la gendarmerie et les forces de police françaises, 15 parvenaient à s’évader du centre d'hébergement et environ 200 étaient libérés comme inaptes ou non astreints au départ pour l'Allemagne pour diverses raisons. Ceux qui partirent pour l’Allemagne représentaient ainsi moins de la moitié des jeunes gens arrêtés.
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Le convoi le plus important a été celui du
8 juillet 1943. Ce jour-là 84 réfractaires des classes 1940, 1941 et 1942, internés depuis quelques jours au centre d'hébergement, partirent de la gare de Vannes. Ils portaient une tenue bleu de chauffe et ils étaient très nombreux à avoir épinglé sur leur poitrine un petit drapeau tricolore.
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Presque tous chantèrent plusieurs fois la Marseillaise et certains l'Internationale devant les personnalités venues assister à leur départ : un capitaine allemand, le secrétaire général de la préfecture, le directeur départemental du S.T.O. et le capitaine de gendarmerie.
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Ces jeunes gens étaient entassés dans trois wagons de marchandises où ils voyageraient sous la surveillance de 24 gendarmes jusqu'à Paris. Sur les wagons, certains avaient écrit : « Nous ne somme pas des volontaires pour l'Allemagne », « Vive la France ». Peu avant le départ, après avoir crié « A bas Hitler», « A bas les Boches », et surtout « Laval au poteau », certains bombardèrent de pommes de terre trouvées dans les wagons le commissaire de police Rivière qui, la veille, à la suite d'évasions, avait interdit toutes les visites au centre.
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Les départs qui suivirent furent beaucoup moins importants : 8 réfractaires le 12 juillet, 19 le 19 juillet, dont deux parviendraient à s’évader du train au Mans,15 le 26 juillet ,20 le 7 août ,10 le 17 août ,dont 3 jeunes arrêtés à Belle-Ile par les Allemands, et 2 le 15 octobre. Il convient de préciser que la presse locale avait annoncé le
16 juillet 1943 ,que le gouvernement Laval avait décidé une amnistie complète pour les réfractaires qui se présenteraient dans les mairies avant le 20 juillet. Aussi, dès le 17 juillet, les Allemands effectuèrent des rafles dans la région de Locminé et Saint-Jean-Brévelay et à Hennebont arrêtant des jeunes gens qui se croyaient protégés par cette amnistie.
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Malgré ces piètres manoeuvres, l’échec était patent. Un rapport rédigé par un inspecteur des Renseignements généraux le 25 août donnait quelques éléments pour expliquer celui-ci :

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«
La population est de plus en plus opposée au départ des jeunes gens pour l'Allemagne. La raison de cet état d'esprit est non seulement l'opposition générale à la collaboration franco-allemande, mais surtout les dangers encourus par ceux de nos compatriotes actuellement occupés dans les usines allemandes, ainsi que les témoignages de plus en plus nombreux de la sous-alimentation en Allemagne . Ces témoignages sont en effet produits par les quelques requis qui ont réussi à obtenir une permission pour venir voir leur famille. Bon nombre d'entre eux ne retournent pas et deviennent à leur tour des réfractaires ».

Des menaces .....

En conséquence, dès la fin du mois d’août 1943, tant les Allemands que Vichy cherchèrent à renforcer leur politique de contrainte. Ainsi, le préfet régional était informé le 26 août que la Bretagne devait absolument fournir 5 000 ouvriers pour l'Allemagne avant le 20 septembre. Or le 9 septembre, seuls 7 jeunes gens étaient arrêtés et internés au centre d'hébergement pour être de surcroît libérés dans les jours suivants. Seuls 27 répondirent à leur convocation.
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Dès le 12 septembre 1943, à la demande des Allemands, une circulaire du Commissariat général de la main d'oeuvre décidait l’organisation du recensement de la classe 1943 et la visite médicale de cette classe. Dans le Morbihan, sur 1 717 jeunes gens convoqués, seuls 463 se présentaient à la visite médicale à la date où le recensement aurait dû prendre fin. Celui-ci se poursuivit donc jusqu'au début de janvier 1944.
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Parallèlement, les exigences en la fourniture de main d’oeuvre pour l'Organisation Todt s’alourdissaient. Alors qu’initialement le chiffre de 1275 ouvriers aurait été fixé pour le Moribhan, du 11 juin au 12 octobre ,ce fut en réalité 5169 convocations qui furent envoyées aux jeunes hommes déclarés aptes au travail en France : soit à 63 appartenant au dernier trimestre de la classe 1939, à 506 de la classe 1940, 947 de la classe 1941, 3 653 de la classe 1942. On peut supposer que les objectifs n’étaient pas atteints puisque le 23 novembre 1943, la Feldkommandantur réclamait encore 1 500 ouvriers supplémentaires
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Il s’agissait tout d'abord pour la Feldkommandantur de compenser les désertions qui avaient suivi les premières rafles: des ordres de recherche étaient donnés en septembre 1943 à la police et la gendarmerie concernant 335 hommes dont 150 ne furent pas retrouvés.

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Comme les autorités françaises dans le Morbihan ne satisfaisaient pas à ses demandes, le 20 décembre 1943, le feldkommandant transmettait les ordres suivants au préfet Marage:

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« Des travaux d'intérêt militaire, à exécuter par l'Organisation Todt, réclament la fourniture d'une main d'oeuvre plus importante. Considérant que cette main d'oeuvre arrive à l'O.T. avec un retard considérable et dans des proportions absolument insuffisantes, le Militàrbefehlshaber en France a, en conséquence, ordonné ce qui suit:

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Toutes les mesures nécessaires en vue de la mise à la disposition immédiate de l'O.T. de la main d'oeuvre qu'il lui faut, devront être prises sans restriction...les sous-préfets et les maires devront veiller, sous leur responsabilité, à ce que le nombre d'ouvriers demandé se présente au chantier au complet, à la date fixée et en groupe.
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Ils auront à fournir une liste nominative des hommes et devront désigner des chefs de groupes responsables. Les feldkommandanturen emploieront tous les moyens, en recourant au besoin aux sanctions les plus sévères pour obtenir des services français et des réfractaires, la main d'oeuvre réclamée... ... J'attire à nouveau tout spécialement votre attention sur la responsabilité qui vous incombe ainsi qu'à M M. les sous-préfets et les maires pour la bonne exécution des ces prescriptions et je compte, en conséquence, que vous satisferez dans les délais impartis à l'imposition qui vous est faite ».

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En écho à cette ordonnance militaire allemande, une circulaire du 24 décembre 1943, signée Pierre Laval, et tout aussi menaçante à l’égard des préfets précisait les conditions dans lesquelles ces nouvelles réquisitions doivent être faites :
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« Je vous serais obligé de tenir compte de ce que votre tâche n'est pas terminée lorsque les ordres ont été lancés. Vous avez le devoir de veiller à l'exécution effective de ces ordres et vous êtes responsable de cette exécution. Je suis décidé à en finir avec un laissez-aller qui, dans le domaine de la main d'oeuvre, a pour résultat de faire supporter aux plus disciplinés une charge qui doit être équitablement répartie sur tous... »
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.......................A la répression :

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Ces directives transmises aux maires provoquèrent non seulement de nombreuses protestations, mais même des refus. Les maires de Malestroit, Saint-Barthélémy, Plaudren, Plumelec répondirent que la préfecture n'avait qu'à procéder elle-même aux désignations ;le conseil municipal du Roc-Saint-André menaça de démissionner ,les maires de La Gacilly ,Lizio ,Nivillac ,déclarèrent que toute réquisition était devenue impossible, ce dernier précisant que dans sa commune :
140 hommes étaient prisonniers de guerre; — 550 cultivateurs étaient requis par les Allemands pour surveiller les pylônes de la ligne à haute tension; — 73 hommes sur 93 non-cultivateurs de 18 à 50 ans travaillaient pour les Allemands. Dans la semaine du 25 au 31 décembre, le service du S.T.O. envoyait 3 800 convocations à des requis pour se rendre à Lorient se mettre à la disposition de la Kriegsmarine, 4 hommes seulement se présentèrent.
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Prenant acte de ces réactions, le 6 janvier 1944,
le préfet Marage adressait un rapport au délégué du ministre de l'Intérieur pour les Territoires occupés dont voici quelques extraits :

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« A diverses reprises, je vous ai signalé l'extrême nervosité de l'opinion dans mon département et les difficultés qui en résultaient.
----------------Ces difficultés viennent de s'aggraver soudain en raison de l'intervention des Autorités d'occupation dans le problème du recrutement d'ouvriers pour l'Organisation Todt..... L'opération est en cours mais son échec me parait probable pour les raisons suivantes: La population est persuadée que cette intervention des Autorités allemandes a pour objet un départ en Allemagne.
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Il y a quelques mois en effet, après la destruction de Lorient, promesse avait été faite aux jeunes gens des classes 40 - 41 - 42 acceptant de travailler à Lorient qu'ils seraient maintenus en France. Or cette promesse n'a pas été respectée, les Autorités d'occupation ayant, sans avertissement préalable, procédé par la suite à la réquisition et à l'envoi en Allemagne des jeunes gens occupés sur les chantiers Todt.
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Depuis cette époque aucune confiance n'est plus accordée par la population aux promesses du même ordre. Les maires ont d'ailleurs été unanimes à exprimer leur émotion en présence de la tâche qui leur était imposée. J'ai été saisi de nombreuses offres de démission et ce n'est qu'à grand peine que j'ai pu maintenir le calme et la discipline indispensables.
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Dans quelques jours, si les décisions de l'Autorité allemande ne sont pas rapportées, la question de responsabilité jouera. A en juger par les menaces précises qui ont été formulées depuis quelques temps, pour des raisons diverses, des arrestations de fonctionnaires ou de magistrats municipaux seront probablement effectuées. Une telle éventualité produira, sans aucun doute, la défection immédiate, déclarée ou non, des derniers appuis dont dispose encore l'Administration......
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Depuis plus d'un an, je n'ai cessé de concilier les exigences des Autorités occupantes et les intérêts d'une population qui leur est, dans sa presque généralité, hostile. Mais la conciliation elle-même a des limites et je crains de me trouver avant peu devant une situation insoluble. M. le Préfet régional, qui suit très attentivement les événements, a bien voulu demander qu'une intervention soit faite auprès des Autorités d'occupation afin que les mesures dé coercition envisagées ne soient pas mises à exécution.
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Je m'emploie de mon côté, presque quotidiennement, à écarter les sanctions dont on veut user mais il est certain que le jour où ces efforts demeureront vains, une crise irrémédiable s'ouvrira dans le département ».

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Rafles et chasse aux réfractaires :
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La résistance récurrente opposée à leurs exigences, exacerbait les allemandes qui décidèrent de passer à la répression directe .Ainsi à Auray, 75 hommes étaient convoqués pour le 31 décembre 1943. Aucun n'ayant répondu à sa convocation, le 5 janvier 1944, pendant toute la matinée, la Feldgendarmerie arrêta des hommes au hasard dans la rue et fouilla les maisons, arrêtant 300 hommes dont 134, à qui les papiers d’identité furent confisqués, furent conduits le 6 janvier sur un chantier situé route de Quiberon avec obligation de revenir travailler dès le lendemain.
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Le 13 janvier 1944à Vannes, les feldgendarmes arrêtaient encore 128 hommes dont l'archiviste départemental, dix employés de l'hôtel de ville, de nombreux employés des Contributions indirectes, deux lycéens de 16 ans, des voyageurs qui sortaient de la gare. 109 hommes, après avoir passé la nuit au centre d'hébergement furent conduits dans trois autocars sur un camp situé à Gestel, dont la plupart s’enfuirait les jours suivants. Cette rafle provoqua une véritable panique dans la région et beaucoup de jeunes gens quittèrent Vannes. Les Allemands procédèrent à des opérations analogues le 21 janvier à Locminé, le 22 à Hennebont et Mauron, le 26 à Guéméné et au Faouët.

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La presse
du 21 janvier 1944
publiait l’avis du feldkommandant

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« Les services et la population française n'exécutent plus du tout ou très négligemment les ordonnances de l'armée allemande occupante en ce qui concerne la fourniture de main d’oeuvre pour les constructions nécessaires.» avis qui se concluait par des menaces de nouvelles rafles plus importantes.
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Trois jours plus tard, le
préfet Marageétait mis en disponibilité, sans doute sanctionné pour son courage à résister aux prétentions allemandes, sachant que le 31 janvier 1944, il avait conclu son dernier rapport bimestriel au gouvernement par ces mots : « La population résiste ouvertement et en bloc à la loi sur le travail obligatoire.
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Les Morbihannais se refusent à travailler pour le compte des Allemands
» . Ce au moment même où le gouvernement de Vichy par la loi du ler février 1944 étendait la loi du 4 septembre 1942 aux hommes de 16 à 60 ans et aux femmes sans enfants de 18 à 45 ans, sachant que celles qui étaient mariées pourraient regagner leur foyer chaque soir, une circulaire du même jour ordonnant le recensement de la classe 1944.
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Malgré cela, et la répression accrue, le refus de travailler pour l’armée d’occupation persistait. Dans le Morbihan, sur 1 890 requis appelés les 25 et 31 janvier 1944, seuls 17 se présentaient. Sur 1 197 recensés, de la classe 1944, seuls 649 se présentaient à la visite médicale étant précisé que la plupart n’avaient nullement l’ intention de se laisser embarquer pour l'Allemagne. Face à cette opposition massive, que l’on retrouvait dans tous les départements, Vichy décidait de s’associer directement aux opérations de rafle d’abord menées par les forces d’occupation .
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Par une circulaire en date du 24 mars 1944, Le délégué en Zone Nord du Secrétaire Général au Maintien de l'ordre adressait aux Préfets régionaux et Préfets départementaux les directives suivantes afin de permettre la détection des hommes de 18 à 45 ans tombant sous le coup des textes relatifs au travail obligatoire.

Rafles dans les lieux publics et établissements de plaisir aux jours et heures de travail Ces rafles devront s'opérer au moyen d'une vérification d'identité. Tous les hommes âgés de 18 à 45 ans inclus, c'est-à-dire nés entre 1899 et 1926.... y compris ceux portant des papiers de l'O.T. ....seront présumés suspects ou dirigés sur un centre de triage......
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Tous les individus arrêtés seront recensés et ...maintenus en rétention jusqu’à leur passage devant une commission de vérification ... à laquelle chaque personne présentera ses papiers. Les personnes non reconnues en règle seront examinées par l'un des 2 médecins afin de savoir si elles sont aptes à partir en Allemagne ou à travailler chez Todt.
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NOTA — Je vous recommande spécialement d'édicter sur le territoire de votre ressort des mesures de contrôle de moins grande envergure mais fréquemment répétées dans les boîtes de nuit, les bars, au départ des gares (surtout le lendemain des grandes opérations) et sur les artères de pénétration des villes.
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Elles devront être menées strictement et les hommes de 18 à 45 ans suspectés de ne pas être en situation régulière devront être immédiatement dirigés sur un centre de triage, examinés séance tenante par une commission d'affectation et rapidement mis en route sur leur nouvelle destination (Allemagne ou Todt).

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Cette circulaire instaurait un véritable régime de terreur.

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Si les autorités locales ne l'appliquèrent pas, en revanche à partir de la mi-avril, les allemands s’en prévalurent pour rafler systématiquement tous les hommes qui leur paraissaient « suspects » et pour procéder eux-mêmes au triage voulu : du
20 au 27 avril, ils arrêtèrent environ 270 hommes dont 167 furent mis à la disposition de l'Organisation Todt, dirigés sur le fort de Penthièvre, les chantiers d'Hennebont ou sur l’île de Groix, où les conditions de vie et la malnutrition étaient particulièrement éprouvantes. Le 31 mai 95 jeunes gens furent encore arrêtés.
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Apparemment seulement une cinquantaine de jeunes gens furent «déportés » vers l’Allemagne.
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Ces rafles se transformèrent en une chasse à l'homme permanente poussant les réfractaires à se cacher dans les fermes ou au maquis, ce d’autant plus que, par une
circulaire du 20 avril 1944, Vichy ordonnait le recensement de la classe 1945 à effectuer avant le 17 mai 1944.
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Cette complicité du régime de Vichy dans la mise en oeuvre de la traque aux réfractaires détruisit les dernières illusions sur le rôle «protecteur » du vainqueur de Verdun et renforça la résistance populaire. Aussi pouvons- nous reprendre à Roger Le Roux la conclusion de son chapitre sur le service du travail obligatoire ( page 252 de son livre le Morbihan en guerre) :
« Agir contre l'ennemi exigeait jusque là un patriotisme à vif ou de fortes motivations politiques. A partir de mars 1943, tous ceux qui ne se présentent pas aux recensements ou qui ne répondent pas à la convocation qui les appelle sur les chantiers d'Allemagne ou de France prennent parti, qu'ils le veuillent ou non ; peu importe si leurs motifs sont, en fait, souvent égoïstes (peur des bombardements, désir d'échapper à une vie d'esclave dont on connaît peu à peu les détails dans le courant de 1943), ou s'ils cèdent simplement à un mouvement collectif de refus, à partir du moment où ils sont réfractaires, où ils redoutent d'être arrêtés, les voici obligés de changer de domicile ; leurs parents, leurs amis les aident à échapper aux recherches, aux rafles, à se nourrir et à se vêtir.
Des milliers de gens , qui n'aimaient peut-être pas les Allemands mais qui n'avaient jamais agi sérieusement contre eux, coopèrent ainsi à l'énorme entreprise de dérober des milliers de jeunes au travail forcé en Allemagne et ces jeunes, le moment venu, vont tout naturellement, dans leur grande majorité, peupler les maquis et former le gros des Forces Françaises de l'Intérieur.»

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Katherine LE PORT
Les indications sur les noms, âges, actions,
lieux d’arrestation, les éléments d’analyse ont été relevés

notamment dans les ouvrages suivants:
Le Morbihan en Guerre ( édition de 1978): Roger LEROUX Les STO
- histoire des Français requis en Allemagne nazie,(CNRS éditions2010)
: Patrice Arnaud, Les articles de Robert O Paxton sur la collaboration d’Etat
et l’Etat français vassalisé dans l’ouvrage collectif:
La France de Années Noires ( éditions le seuil 1993)
sous la direction de Jean-Pierre Azéma et François Bédarida

Post Scriptum, Si vous avez des précisions à apporter sur les prénoms, âge, métier des patriotes mentionnés
dans cet article, nous vous saurions gré de nous les transmettre.