05 mai 2015  Article du Télégramme Edition Pontivy  par Karen Jégo

 

HOMMAGE A L'ABBE MARTIN 

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Une cérémonie est prévue aujourd'hui, à 18 h, au lycée Saint-Ivy, pour honorer la mémoire de l'abbé Martin, professeur dans l'établissement et résistant mort en déportation en 1945. Une plaque commémorative sera dévoilée à cette occasion, en présence du sous-préfet. Portrait de ce religieux hors du commun. En septembre 1936, Joseph Martin de Kergurione, l'abbé Martin, est nommé professeur au collège Saint-Ivy. Préfet de discipline, il organise le temps libre des élèves, enseigne l'Histoire et encadre les activités sacerdotales. Son amour de la patrie et de la religion lui vaudra, quelques années plus tard, un parcours exemplaire au sein de la résistance bretonne. Entrée dans la Résistance En septembre 1939, il est mobilisé comme lieutenant de réserve avant de reprendre ses fonctions à Saint-Ivy, fin 1940. Désormais, les locaux sont en partie réquisitionnés. Mais l'abbé Martin s'échine pendant deux ans à maintenir un bon fonctionnement du collège. Le 15 juillet 1942, la totalité des locaux de Saint-Ivy est évacuée pour y loger 250 soldats allemands. Les élèves et le personnel sont dispersés sur Pontivy. Pierre Ropert, qui tient un magasin de confection place du Martray, accueille 35 jeunes et l'abbé Martin. L'Occupation devient de plus en plus intolérable. Fin 42, Louis-Henri Nouveau, membre du réseau de résistance Pat O Leary, charge Pierre Ropert, réputé bon patriote, de recruter des hommes sûrs pour créer une filière locale. L'abbé Martin, le commissaire de police Henri Loch, à Pontivy, mais aussi Mathurin Le Mouël, horloger ou encore le Dr Marcel Oliviero de Noyal-Pontivy y adhèrent. « Ils devaient récupérer les aviateurs tombés dans les environs et leur trouver un logement. Le docteur les soignait. On nous disait qu'ils étaient sourds-muets mais ils étaient contents d'écouter la radio... De toute façon nous ne parlions pas anglais », se souvient, avec un sourire, Thérèse Le Mouël, la fille de Mathurin. Les opérations de sauvetage de pilotes alliés se multiplient. Mais, en février 1943, Roger Leneveu, qui espionne Pat O Leary pour le compte de la Gestapo, dénonce ses « camarades ». La majorité du réseau est démantelée. L'antenne de Pontivy l'ignore et poursuit ses activités jusqu'à ce sinistre 11 juin. Les Allemands, sur délation, pénètrent chez Ropert, absent, et arrêtent l'abbé. S'en suivent des vagues d'arrestations dans le réseau breton. Interrogé, Joseph Martin aurait dit à la Gestapo : « En tant que prêtre, je dois recueillir tout ce que le ciel m'envoie ». Un moral inébranlable « Ils les ont envoyés à Rennes, puis à Angoulême et Compiègne. Ils ont ensuite été transférés à Auschwitz en avril 44. C'est le seul convoi français à y être allé. On l'a appelé le convoi des tatoués, », raconte Thérèse Le Mouël. « Sur place, les Allemands ont dépouillé l'abbé de ses vêtements, de son chapelet de poche et de celui en chêne. Ils devaient tous "passer au four" mais, comme ils ont vu arriver l'abbé en soutane, ils ont compris qu'ils n'étaient pas juifs. Les Anglais et les Américains ont menacé les Allemands de représailles s'ils les gardaient là. Après quelques jours, ils ont alors été envoyés à Buchenwald et séparés. » L'abbé Martin est, ensuite, conduit au camp de travail de Flossenburg. De juin 44 à avril 45, il est affecté au commando de Mulsen. Il y travaille 14 heures par jour à la fabrication de pièces d'avion. Sous-alimenté, il endure les mauvais traitements, les épidémies, le froid... Mais même dans les camps, il tente toujours d'exercer son rôle de prêtre auprès des autres prisonniers (messes, confessions, assistance aux moribonds...). Il y baptisera même un camarade. Un de ses codétenus se souvient, dans le livre « Prisonnier pour le Christ, l'abbé Joseph Martin » : « Son moral inébranlable a bien souvent sauvé le nôtre car, jusqu'à la dernière minute, il a eu confiance en notre victoire et en l'écrasement du nazisme. » Et effectivement, le 13 avril 1945, l'avancée de l'armée américaine pousse les nazis à évacuer les camps. Ce sont les « marches de la mort ». Certains, comme Mathurin Le Mouël, y survivront. L'abbé Martin, lui, à bout de force, mourra à 41 ans, sous la balle d'un SS, début mai 45. Il n'aurait cessé de prier avec le chapelet qu'il avait fabriqué lui-même... En janvier 1946, la Ville lui a rendu un premier hommage en rebaptisant la rue de Saint-Ivy, rue Abbé-Martin. Aujourd'hui, c'est le collège où il a enseigné qui honorera sa mémoire avec une plaque.