Prison Jacques Cartier à Rennes

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’établissement avait été réquisitionné dès le mois de novembre 1940 par les troupes d’occupation. Presque tous les Résistants du département d’Ille-et-Vilaine qui ont été arrêtés par les nazis ou par la police de Vichy ont fait un séjour plus ou moins long dans cette prison. Beaucoup de Résistants des départements voisins y ont été transférés.

Construite entre 1898 et 1903, la prison Jacques Cartier a fermé ses portes au printemps 2010. Elle a été remplacée par une prison très moderne dans la commune de Vezin-le-Coquet, près de Rennes.

Beaucoup de Résistants en sont sortis pour prendre le train vers des camps de déportation, d’autres en sont sortis pour aller vers le lieu de leur exécution, la
Butte de la Maltière ou le mur de la caserne du Colombier. Les plus chanceux en sont ressortis libres. C’est dire si, pour tous, le grand portail d’entrée et de sortie a une valeur symbolique énorme.

Une aile du bâtiment était réservée pour les femmes. Les longues peines venant de toute la France étaient incarcérées à la prison centrale des femmes. Mais, qu’elles soient dans l’une ou l’autre des prisons, peu de prisonnières ont été libérées ; les femmes résistantes n’étaient pas fusillées mais, le plus souvent, elles étaient déportées à Ravensbrück.

L’ANACR et l’ADIRP d’Ille-et-Vilaine ont obtenu l’autorisation de visiter ce sinistre bâtiment avant sa démolition. Les uns voulaient revoir les lieux où ils avaient été incarcérés, les autres voulaient voir par où leurs parents étaient passés avant d’être fusillés ou déportés.

Ceux qui sont passés par là ont, tout de suite, reconnu les lieux : l’entrée où se tenaient les greffes, la grande verrière, les escaliers, les coursives. Chacun a recherché la cellule où il avait passé parfois plusieurs mois. Guy Faisant raconte :
« J’ai bien reconnu la mienne même si elle avait changé de numéro, mais il n’y avait plus de mobilier, ni lit, ni table, ni tabouret… Nous avons tous le souvenir des petites cours en triangles que nous appelions des fromages où nous faisions notre promenade journalière, mais ils ont enlevé quelques séparations ».

Nous sommes descendus dans les sous-sols, là où sont les mitards, et la salle de la « table aux friandises ». C’était la salle où avaient lieu les interrogatoires avec la table de tortures. Chacun avait une pensée pour ses parents, ses amis passés par là et particulièrement
pour ceux qui sont morts sous les coups comme Thérèse Pierre de Fougères ou le Docteur Dordain de Mordelles (même si, officiellement, ils se sont « suicidés »).

Pour Guy Faisant et certains de ses amis, cette prison était agréable par rapport à ce qu’ils ont connu ensuite dans la prison du Cherche-Midi ou dans les prisons ou camps allemands. Comme ils étaient « au panier », ils ne souffraient pas de la faim car les familles les ravitaillaient largement. Cela était vrai pour ceux dont les familles habitaient Rennes mais qu’en était-il des autres ? Il est vrai que, entre Résistants, la solidarité n’était pas un vain mot et, en général, les provisions étaient partagées.

Roger Dodin raconte ses souvenirs : « J’étais encore là au début août 1944. Nous entendions la bataille entre les Américains et les Allemands au nord de Rennes. Des éclats d’obus arrivaient jusque sur la prison. Nous attendions notre libération. Au lieu de cela, les Allemands nous ont tous fait descendre des cellules et nous ont emmenés, en pleine nuit, jusqu’à un train stationné à la Prévalaye. Nous sommes passés près de chez moi, à la Gaieté. Ce train nous a emmenés jusqu’à Belfort et pour beaucoup d’entre nous jusqu’aux camps de la mort. » Deux trains de déportés sont partis de Rennes les 2 et 3 août 1945, la ville a été libérée le 4 août… Ce convoi qui a réuni les passagers des 2 trains est resté connu sous le nom de « Convoi de Langeais ».

Que deviendra cette prison ? Rien n’est vraiment défini. Le terrain fait des envieux pour être urbanisé. Nous avons demandé qu’un lieu rappelle le souvenir des Résistants passés par là. Une plaque placée sur le mur devrait être gardée. Nous aimerions que l’entourage du portail d’entrée, si symbolique pour tous les prisonniers, soit conservé, même s’il doit être légèrement déplacé. Nous restons vigilants !

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