CHRONOLOGIE : RÉPRESSION ET PERSÉCUTION EN FRANCE OCCUPÉE 1940-1944
Le 10 mai 1940, en passant à l’offensive, les Allemands mettent fin à la « drôle de guerre » commencée en septembre 1939 et à cette période où, sans faire la guerre, la France était pourtant entrée dans le conflit depuis plus de huit mois. Le Haut Commandement militaire français avait opté jusque-là pour une stratégie défensive : la « guerre éclair » de la Wehrmacht démontre l’échec de ce choix. Le 15 mai, le front est percé et, après les attaques sur la Somme (le 7 juin) et sur l’Aisne (le 10 juin), la défaite française consommée. Le 10 juin, le gouvernement quitte , où les troupes allemandes font leur entrée le 14. Une semaine plus tard, elles sont à Bordeaux. Le désastre est immense. On compte plus de 90 000 soldats français morts au combat, 200 000 blessés et 1 850 000 prisonniers. Au moins 8 millions de personnes, paniquées, sont sur les routes d’un exode qui traduit à la fois « la démesure d’un événement indescriptible dans sa totalité », « la fragilité de l’armature sociale et la gravité de la crise de la nation. » « Perçu par une majorité de Français comme le seul recours possible et l’unique solution de survie, le maréchal Pétain impose le choix politique de l’armistice à un pays naufragé » (P. Laborie, Dictionnaire historique de la Résistance, p. 591). Il est signé dans la clairière de Rethondes le 22 juin avec l’Allemagne, le 24 avec l’Italie. Par cette voie, qui n’était pas celle de la capitulation et de la poursuite de la lutte, sous d’autres formes, c’est Vichy qui s’impose. Avec lui, la collaboration avec l’Allemagne. Officiellement, Vichy commence le 10 juillet, avec le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain par la Chambre des députés et le Sénat. Le nouveau chef de l’Etat français concentre tous les leviers de commande, l’exécutif comme le législatif.
France : zones occupées 1940-1944
Mais l’armistice a d’autres conséquences immédiates : l’occupation partielle du territoire et son découpage en zones relevant d’autorités politiques différentes (cf. carte). L’Allemagne occupe en effet les trois cinquièmes de la métropole, les plus intéressants économiquement, et les côtes de l’Atlantique et de la Manche. Un commandement militaire, le Militärbefehlshaber in Frankreich (MBF), s’installe à pour administrer cette « zone occupée » : Otto von Stülpnagel en prend la direction en octobre 1940. Le gouvernement français s’installe lui à Vichy, en « zone libre » ; une ligne « de front » puis « de démarcation » séparant ces deux zones « Nord » et « Sud ». L’armistice signé avec l’Italie aboutit à amputer de manière réduite – une quinzaine de communes, principalement dans les Alpes-Maritimes – la zone libre laissée sous le contrôle total de Vichy.
Reste que la défaite et l’occupation découpent encore plus le pays, morcelant la France (E. Alary, 2003, pp. 17-37). Avant même Rethondes, les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais sont rattachés au Commandement militaire de Bruxelles (Militärbefehlshaber in Belgien und Nordfrankreich , MBB) dirigé par le général von Falkenhausen : l’armistice du 22 juin ne revient pas sur ce découpage maintenu tout au long de la guerre.
Il ne mentionne pas plus l’annexion de fait qui est en train de se dérouler pour les trois départements d’Alsace et de Moselle et qui est officialisée en octobre 1940. Dès le 20 juin, deux Gauleiter sont nommés par Hitler pour administrer civilement ces territoires : l’Alsace est rattachée au pays de Bade pour former le Gau Oberrhein sous l’autorité de Robert Wagner ; quant à la Moselle, elle forme avec la Sarre et le Palatinat, le Gau Westmark dirigé par Josef Bürckel. Les frontières françaises disparaissent alors que l’ancienne délimitation du traité de Francfort de mai 1871 est réactivée, avec l’installation notamment d’une Douane allemande. Les convois de déportation prenant la direction de Metz passent officiellement la frontière du Reich à Novéant – Neuburg an der Mosel –, à la limite de la Moselle annexée.
Autre résultat de la défaite, les autorités allemandes maintiennent la « zone interdite » créée dans le Nord et l’Est du pays à l’été 1940 (touchant dix-sept départements jusqu’à la frontière suisse) pour y interdire le retour des réfugiés de l’exode. La garde de cette ligne est supprimée en décembre 1941. En zone occupée, à partir d’avril 1941, une zone côtière interdite est créée tout au long des rivages occupés, des Basses-Pyrénées au Nord, du fait de leur importance stratégique.
Enfin, nouvelle modification territoriale, d’envergure, l’invasion de la zone Sud le 11 novembre 1942 amène l’occupation de la totalité de la France, la région située à l’est de la vallée du Rhône et la Corse étant laissées, jusqu’à la proclamation de l’armistice italien en septembre 1943, sous le contrôle des forces armées de Mussolini. Par contre, dans les nouveaux territoires ainsi occupés par les Allemands, et notamment pour conserver la fiction d’un gouvernement de Vichy souverain, les attributions du MBF ne sont pas directement étendues. Il s’agit d’une « zone d’opérations militaires » et c’est le commandant en chef du front de l’Ouest qui en a la responsabilité. Il nomme pour cela un représentant à Vichy, devant assurer la liaison avec le gouvernement français, et un Commandant de la région militaire France-Sud, à Lyon, pour administrer ce secteur avec les mêmes directives que le commandant militaire en zone « Nord ». La confirmation des jugements du seul tribunal militaire installé en zone Sud est d’ailleurs « officieusement » le fait des services du MBF (G. Eismann, 2007:157).
Ce découpage territorial a des conséquences politiques essentielles puisqu’il amène l’installation de systèmes d’occupation différents pour gérer la France des frontières de 1939 : deux administrations militaires allemandes (en zone Nord avec le Commandement de , et dans la zone rattachée avec celui de Bruxelles), un Commandant allemand de forces armées en zone Sud à partir de novembre 1942 (et un autre italien pour leur zone d’occupation), deux administrations civiles du Reich pour l’Alsace et la Moselle. Dans ces différentes zones, la gestion de l’Occupation ne fut pas identique, ni a fortiori la politique de persécution ou la manière de mener la répression. Les conséquences qu’entraîne l’évolution du conflit militaire diffèrent également. La chronologie qui suit exclut de ce fait les histoires particulières de la répression et de la persécution dans les deux départements rattachés au Commandement militaire allemand de Bruxelles (E. Dejonghe, Y. Le Maner, 1999 ; L. Thiery, 2007) et dans les trois autres annexés de fait au Reich (P. Rigoulot, 1998 ; C. Neveu, 2007). Rappelons toutefois ici brièvement le bilan de ces politiques, à l’échelle de ces zones particulières (un tableau que les historiens n’ont pas encore fini d’établir).
En Alsace-Moselle, d’emblée, les nouvelles autorités allemandes mènent une politique claire de germanisation et de nazification visant à l’incorporation définitive de ces territoires au sein du Reich. Il s’agit d’ancrer l’annexion. Elle débute donc par une vaste épuration politique, marquée par un exode massif de dizaines de milliers de personnes jugées « indésirables » (Juifs, « Français de l’intérieur », etc. ; P. Rigoulot, 1998). Les lois raciales du Reich s’appliquent rapidement et visent les Juifs de la zone. Sur le plan répressif, si des résistances à l’annexion apparaissent aussitôt, deux mesures allemandes constituent des tournants. La première est l’instauration au printemps 1941 du Reichsarbeitsdienst (RAD, un service de travail, mais en fait le début d’une préparation militaire pour la jeunesse) ; la seconde est celle du service militaire obligatoire dans l’armée allemande en août 1942. Les réfractaires se multiplient, la répression se déchaîne. Outre les jugements devant des tribunaux civils et militaires, de nombreux internements et des déportations dans les prisons respectives des Gau (FMD, Livre-Mémorial , 2004, 2e partie), les autorités nazies utilisent des politiques spécifiques à cette zone, comme les transplantations dans le Reich de familles entières de Français. Le bilan statistique reste à établir, mais il se comptera en dizaines de milliers de personnes concernées par l’une ou l’autre de ces politiques (C. Neveu, 2007).
Dans le Nord-Pas-de-Calais, c’est l’Oberfeldkommandantur 670 qui est l’autorité sur place du MBB. Comme en zone occupée, l’administration militaire dispose des pouvoirs de police et de justice : elle arrête et juge devant ses tribunaux. Les services policiers nazis du RSHA, (Reichssicherheitshauptamt, l’Office principal de sécurité du Reich) sont représentés mais doivent travailler sous le contrôle du MBB (L. Thiery, 2007). Cette situation n’est pas modifiée jusqu’au départ du général von Falkenhausen, qui amène, mais seulement le 19 juillet 1944, la nomination d’un Gauleiter . Les victimes de la répression judiciaire légale sont de ce fait les plus nombreuses : le fait que près de 70 % des 5 200 déportés du Nord-Pas-de-Calais prennent d’abord la direction d’une prison du Reich et non d’un camp de concentration en témoigne, tant le bilan diffère par exemple dans le ressort du MBF (FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; L. Thiery, 2007). Deux convois particuliers marquent pourtant l’histoire de la répression dans la zone rattachée : le premier, celui des mineurs arrêtés durant les grèves de mai-juin 1941, amène l’immatriculation de 244 déportés de France au camp de Sachsenhausen dès la fin juillet 1941 (L. Thiery, 2006) ; le second correspond à l’évacuation de la métropole lilloise, le 1er septembre 1944, qui amène la déportation de près de 900 personnes dans le « Train de Loos » (Y. Le Maner, 2003). A ces déportés, il faut encore ajouter près de 500 condamnés à mort et otages fusillés par les Allemands (moins d’une dizaine par Vichy). Par ailleurs, selon le programme européen de la « solution finale », environ 650 Juifs du Nord-Pas-de-Calais sont victimes de la politique de persécution nazie : la plupart sont des étrangers, arrêtés au cours de la grande rafle du 11 septembre 1942, transférés à Malines, dans le « Drancy belge », et déportés quatre jours plus tard à Auschwitz dans le transport X (les autorités nazies de Belgique utilisent les chiffres romains pour numéroter les convois ; se reporter aux différents travaux de Maxime Steinberg sur la persécution en Belgique). Enfin, et c’est une particularité de cette zone, à la différence de ce qui se déroule dans le ressort du MBF, les arrestations de Tsiganes entraînent des déportations à Auschwitz : plus de 150 personnes appréhendées dans le Nord-Pas-de-Calais partent ainsi de Malines le 15 janvier 1944 (FMD, Livre-Mémorial, 2004).
La chronologie proposée ici est donc centrée sur la répression (qui frappe des personnes pour ce qu’elles ont fait ou qu’elles sont censées avoir fait) et la persécution (qui vise des personnes du fait de leur naissance) menées en zone Nord, occupée depuis juin 1940, et en zone Sud, « libre » jusqu’à l’entrée des troupes allemandes le 11 novembre 1942.
Trois sphères d’acteurs y jouent un rôle essentiel : les autorités allemandes, dans leur pluralité, Vichy, et bien entendu les « cibles » victimes. Or, si les objectifs de ceux qui répriment et persécutent semblent converger à la lecture du bilan global, l’unité décisionnelle n’est pas toujours de mise et les politiques suivies diffèrent. Les instruments varient même souvent, d’autant plus que le poids des événements et l’évolution de la guerre, notamment sur le plan militaire, comptent de plus en plus.
Le Commandement militaire (MBF) est, sur le plan exécutif et décisionnel, l’acteur principal jusqu’à l’été 1942, en zone Nord occupée. Il fait le choix d’une « administration de surveillance », la présence des autorités françaises de Vichy permettant, au quotidien, de lui faire assumer l’essentiel des tâches, y compris répressives. Car les objectifs du MBF sont d’abord davantage pragmatiques qu’idéologiques : il s’agit pour lui, essentiellement, d’assurer la sécurité des troupes d’occupation et de permettre une bonne exploitation économique de la France. Devant « maintenir l’ordre » et pour cela réprimer (G. Eismann, 2005), il dispose sur le terrain de sa Feldgendarmerie , doublée par une police secrète, la Geheime Feldpolizei (GFP), concrètement chargée des enquêtes importantes. Les personnes arrêtées doivent comparaître devant des tribunaux militaires, installés dans chaque département. Condamnées, elles purgent leur peine en France, ou sont déportées dans ce but dans une prison du Reich ; certaines sont fusillées après une sentence de mort.
Autre acteur militaire : l’Abwehr, l’antenne du service de renseignement allemand en France, qui relève directement de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW), le commandement suprême des forces armées allemandes. L’Abwehr mène des opérations d’envergure en zone occupée, en procédant à des vagues d’arrestations lorsque ses enquêtes lui permettent de mettre à jour des groupes de résistance organisés. Enfin, des troupes de la Wehrmacht se trouvent évidemment tout au long de la guerre en France : à l’approche du débarquement et après celui-ci, leur rôle répressif devient essentiel.
Pour veiller à la réussite de l’Occupation, ces acteurs militaires sont soumis à des avis et à un contrôle des plus hautes autorités du Reich, à Berlin : militaires bien entendu (l’OKW suit la politique menée par le MBF), mais surtout politiques. En effet, alors qu’Hitler est attentif à la situation en France, les dirigeants des services diplomatiques et policiers nazis s’activent pour imposer leurs vues. Cela se traduit par l’installation en zone occupée d’autres services allemands, et d’abord ceux du ministère des Affaires étrangères du Reich.
Ribbentrop est en effet représenté en France par Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne à . Ce dernier « développe auprès de Vichy une vision politique antisémite et anticommuniste, se singularisant simplement par la confiance qu’il met dans la collaboration avec l’Etat français, avec Laval surtout, secondairement avec Darlan » (D. Peschanski, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, p. 22 ; B. Lambauer, 2001).
Himmler, surtout, dépêche ses hommes en zone occupée dès l’invasion. Il faut ainsi rapidement compter en France avec la montée en puissance progressive des services policiers nazis. Leurs objectifs idéologiques sont d’emblée un élément décisif puisque, malgré l’attribution en 1940 du pouvoir exécutif au MBF, une antenne de la Sipo-SD (Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst, police de sûreté d’Etat et services de sécurité du parti nazi, réunis au sein du RSHA), d’une quarantaine d’hommes s’installe en France dans la foulée des troupes d’occupation, durant l’été 1940. Elle entame aussitôt son « programme politique » en visant prioritairement les « ennemis du Reich » : essentiellement les communistes, les francs-maçons et les Juifs. Elle suit ainsi avec attention l’application de la clause de l’armistice qui prévoit la livraison, par le gouvernement français, des opposants allemands au nazisme. L’activisme du responsable du service des affaires juives au sein du commando de la Sipo-SD en France, le lieutenant SS Théo Dannecker, est notamment très vite remarquable (il est remplacé à l’été 1942 par un autre antisémite décidé, Heinz Röthke). Cela permet en outre de constater la coexistence de différents services allemands, tout en mettant en évidence la nécessité de cerner la genèse politique et administrative d’une décision. Ainsi, « le 20 septembre 1940, Heydrich [l’adjoint d’Himmler, le deuxième responsable policier nazi, chef du RSHA] demande au ministère des Affaires étrangères du Reich d’accorder à la Sipo-SD en France une compétence prioritaire pour l’action anti-juive en raison de son exceptionnelle expérience dans ce domaine » (S. Klarsfeld, 1983-2001:17, les citations des travaux de S. Klarsfeld sont tirées de la réédition d’une grande partie d’entre eux dans La Shoah en France, 2001). Demande « acceptée par le Haut-Commandement de l’Armée de Terre par un décret secret du 4 octobre 1940. » Ainsi, le MBF « s’occupera parfois directement d’opérations policières contre les Juifs en tant que mesures de représailles, mais il se chargera essentiellement de l’aryanisation économique par la spoliation des Juifs en collaboration avec les autorités françaises. Les ordonnances du Commandant militaire régleront la progression de l’action anti-juive, mais en étant préparées et élaborées surtout par la Sipo-SD et par l’ambassade allemande » (S. Klarsfeld, 1983-2001:17). Le chef de ce Kommando de la Sipo-SD en France, théoriquement placé sous la responsabilité du MBF qu’il doit informer de ses actions, est Helmut Knochen. Jeune membre de la SS, proche d’Heydrich, à la carrière déjà brillante au sein des services de renseignements du RSHA quand il arrive à à l’été 1940, ses talents d’organisation se doublent d’une analyse pragmatique de la situation en France. Dès que la Sipo-SD dispose des principaux leviers de commande en France, à la suite d’un décret du Führer du 9 mars 1942, effectif au 1er juin 1942, conscient des faibles effectifs à sa disposition et d’une efficacité plus grande de ses services policiers quand ils laissent agir au maximum leurs homologues français, Knochen joue la carte d’une collaboration renforcée avec Vichy : outre ses résultats en matière répressive, elle lui permet de réussir les objectifs qui lui sont assignés par les services d’Eichmann à Berlin pour réaliser la « solution finale » de la Question juive, cette fois sans recours au MBF. En effet, avec le début de la lutte armée et la crise des otages qui finit par opposer, derrière une même volonté répressive, la politique menée par le Commandement militaire et celle souhaitée par Hitler, ce dernier nomme en mars 1942 un Chef supérieur de la SS et de la police (Höherer SS und Polizeiführer, HSSPF) en France. Karl Oberg s’installe fin mai, avec donc pour principal adjoint et homme clé, Helmut Knochen, officiellement BdS (Befehlshaber der Sipo und des SD ). A partir de cette date, dans les faits, l’essentiel des pouvoirs de décision en matière répressive est dans les mains de la police nazie et non plus dans celles du MBF. La politique de déportations des Juifs de France se déroule surtout, mais pas uniquement, après ce tournant décisif.
Ce changement au sein de l’organigramme des différents services allemands en France rend encore plus essentielle la position décisive de Vichy. Depuis le choix de l’armistice, le nouveau gouvernement français est demandeur d’une collaboration qui doit lui permettre de réussir son programme politique et idéologique – la « Révolution nationale » (R. Paxton, 1973). C’est la carte de la paix et de la victoire de l’Allemagne que Vichy joue tout au long de la guerre. La prise de pouvoir de Laval, plus pragmatique, fait de cette recherche d’efficacité politique la priorité absolue. La collaboration, c’est donc en matière de répression et de persécution, une convergence des objectifs vichystes et allemands – notamment policiers –, contre des ennemis communs. Au risque pour l’Etat français d’assumer et de participer, dans le but d’assurer la fiction d’une souveraineté française respectée partout, y compris en zone occupée, à la réussite de programmes exclusivement nazis. Le rôle de Vichy dans la déportation des Juifs de France en est l’exemple le plus dramatique (S. Klarsfeld, 1983-1985 ; la bibliographie française sur Vichy est très riche, se reporter aux ouvrages proposés). Au risque aussi d’une radicalisation croissante, s’achevant par une dérive policière de l’Etat français avec le milicien Darnand à la tête de l’ensemble des forces du maintien de l’Ordre – pour la première fois ainsi réunies, y compris la gendarmerie et l’administration pénitentiaire concentrées au sein d’un vaste ministère de l’Intérieur où les hommes de la Milice occupent de plus en plus les postes clés. Vichy évolue, mais la différence est « de degré », pas de « nature » (D. Peschanski, « Vichy un et pluriel », 2004). La répression et la persécution bénéficient donc de la plupart des rouages de l’administration française, rendus encore plus efficaces par une volonté de les centraliser au sein d’un Etat autoritaire : création des préfets de région, étatisation des polices avec la figure importante de l’Intendant de police, mise en place de tribunaux d’exception, recours à l’internement administratif, etc. (notamment : D. Peschanski, 1997, 2004 ; D. Peschanski, J-M. Berlière, 2000 ; A. Bancaud, 2002). A , dans la lutte contre les communistes, le rôle de la Préfecture de police (aux pouvoirs inchangés ou presque par Vichy) et notamment de ses Brigades spéciales des Renseignements généraux, témoigne de cette efficacité (J-M. Berlière, 2001 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004).
Ainsi, derrière cette pluralité d’acteurs, à l’origine de politiques et de processus de répression et de persécution différents, le choix des cibles et finalement des victimes est davantage partagé que conflictuel. Il n’évolue guère non plus durant l’Occupation, du côté allemand comme du côté français : les figures du Juif, du communiste et du « terroriste/franc-tireur (Freischärlerei ) » dominent très nettement, celle du « gaulliste » étant sans doute plus prégnante du côté de l’Occupant. Mais l’évolution de la guerre et la montée de la Résistance radicalisent par contre un peu plus encore les fondements de ces luttes initiales.
Les historiens ont déjà mis en évidence l’absence de divergence de fond sur la définition de l’ennemi et la prééminence dans l’analyse des acteurs allemands – policiers de la Gestapo comme militaires du MBF – de l’adversaire « judéo-bolchevique » (notamment A. Meyer, 2002 ; G. Eismann, 2005). Si l’idéologie est évidemment cruciale dans la politique antisémite réalisée en France (sur une population juive estimée à un peu plus de 300 000 personnes en été 1940 ; A. Kaspi, 1991), son rôle est également essentiel dans l’orientation de la répression. D’autant plus que ces deux ennemis sont aussi ceux de Vichy.
En effet, « la logique d’exclusion était au coeur de l’Etat français », « elle lui était consubstantielle. Cela renvoyait à une interprétation de la défaite qui renvoyait elle-même, pour l’expliquer, non pas à des erreurs militaires ou même politiques à court terme, mais à un pourrissement de la République conduisant nécessairement à la décadence du pays et donc à la débâcle. Ce pourrissement, cette décadence, était le résultat d’un complot des forces de « l’anti-France », pour reprendre la terminologie de Pétain lui-même en août 1940. Ces forces avaient pour nom le communiste, le Juif, l’étranger et le franc-maçon. Dès lors, il ne servait à rien, pour relever le pays, de lutter contre l’occupant, puisque la défaite était un symptôme et non une cause. Il fallait en priorité régénérer la société française de l’intérieur en excluant les éléments « impurs » considérés comme responsables et en rassemblant les éléments « purs » autour des valeurs traditionnelles, à savoir le travail, la famille, la patrie, l’ordre, la piété » (D. Peschanski, « Vichy un et pluriel », 2004). La politique anti-juive de l’Etat français commence ainsi aussitôt, alors que la répression anticommuniste débute avant même l’entrée dans la lutte armée du Parti communiste français (PCF). Une analyse qui entraîne également une lutte radicale contre « la dissidence » gaulliste (le général de Gaulle est par exemple condamné à mort). Par contre « on cherche à ne pas couper tous les ponts avec les vichysto-résistants, ces résistants qui pensent que leur engagement patriotique actif contre l’occupant est compatible avec le respect du Maréchal et la légitimité de tout ou partie de la Révolution nationale » (D. Peschanski, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, pp. 23-24).
Les autorités allemandes, et surtout la Sipo-SD à partir de l’occupation de la zone Sud, sont conscientes de ce moindre engagement de Vichy, alors qu’elles-mêmes sont pleinement engagées dans la lutte contre la Résistance (la Gestapo évidemment, mais toujours aussi l’Abwehr , notamment contre les réseaux de renseignements britanniques). Elles se plaignent ainsi rapidement, surtout en zone Sud, de la démobilisation d’une partie des forces de l’ordre françaises dans ce combat, du moins plus exactement dans celui contre la Résistance non-communiste.
Quel bilan des victimes de la répression et de la persécution en France occupée peut-on dès lors établir – à l’exception des départements rattachés au Commandement militaire de Bruxelles et de ceux annexés (cf. pour ces zones spécifiques les travaux de L. Thiery et de C. Neveu, 2007) –, alors que nous manquons encore de travaux de synthèse pour cerner une partie des politiques qui l’éclairent, davantage pour l’histoire de la répression et de ses victimes que pour celle dorénavant bien cernée de la « solution finale » de la question juive ?
Pour établir ce bilan, dans l’ensemble, on se reportera aux travaux de S. Klarsfeld, qui dresse en conclusion un tableau statistique des victimes juives, au Livre-Mémorial réalisé par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) pour celles arrêtées par mesure de répression, et à l’article de synthèse de F. Marcot, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, pp. 774-775.
Malgré des liens indéniables dans les débuts de la « solution finale » de la question juive en France – nous y reviendrons en évoquant les premiers rafles de 1941 à –, que le concept d’ennemi « judéo-bolchevique » illustre parfaitement, les politiques de répression et de persécution diffèrent. Le bilan des victimes est donc pluriel, d’autant qu’il révèle aussi, pour l’une ou l’autre de ces politiques, les nombreux processus qui ont été suivis de l’arrestation jusqu’à la mise à mort de ces personnes, après ou non un jugement et/ou une déportation.
Si plus des trois quarts des Juifs de France sont heureusement encore en vie à la fin de l’Occupation, plus de 74 000 ont été déportés depuis la France occupée (en dehors du Nord-Pas-de-Calais), essentiellement vers Auschwitz et Sobibor : 58,8 % ont été gazés à l’arrivée et seulement 3,5 % sont revenus (S. Klarsfeld, 1978-2001). Moins de 1 000 ont été déportés dans des convois majoritairement composés d’arrêtés par mesure de répression. Il faut encore ajouter les estimations sur les Juifs morts dans les camps d’internement français (3 000 selon S. Klarsfeld) et ceux massacrés (1 000 probablement selon le même auteur, surtout à la fin de l’Occupation, notamment à Saint-Genis-Laval et Bron les 20 et 21 août).
La politique de persécution n’a pas entraîné en France la déportation de Tsiganes, à l’exception toutefois de quelques dizaines d’entre eux dans le convoi du 24 janvier 1943 dirigé vers Sachsenhausen. Denis Peschanski estime à près de 3 000 le nombre de Tsiganes internés durant l’Occupation dans les camps de Vichy (D. Peschanski, 2004:377).
Les fusillés à la suite de condamnations par des tribunaux militaires allemands sont les premières victimes de la politique répressive : les recherches actuelles permettent d’établir à environ 2500 les victimes exécutées après une condamnation à mort dans le ressort du MBF et en zone Sud (J-P. Besse, Th. Pouty, 2006 ; G. Eismann, 2005). Les sections spéciales françaises font une douzaine de morts. Il faut y ajouter 735 otages exécutés de septembre 1941 à octobre 1943 dans le cadre des « mesures d’expiation » (Sühnemassnahmen ) décidées par les autorités allemandes, et 200 victimes des cours martiales constituées en 1944 par Vichy.
Dès 1940-1941, à partir de 1943 surtout, la déportation devient progressivement l’instrument principal des autorités allemandes pour réprimer les actes d’opposition. Dans les deux zones « Nord » et « Sud », ils sont plus de 60 300 à être déportés de 1940 à 1944 vers les camps de concentration nazis et des prisons du Reich : au moins 42 % y décèdent (en l’état actuel des recherches, FMD, Livre-Mémorial, 2004).
Enfin, la perspective d’un débarquement allié, puis la fin de l’Occupation, amènent les troupes allemandes à des atrocités contre les maquisards et les populations civiles : P. Lieb (2007) estime à 15 000 le nombre des victimes de « la lutte contre les bandes ».
Au total, de 1940 à 1945, au moins 116 000 personnes sont mortes fusillées, massacrées ou après avoir été déportées en dehors de France à la suite des politiques de persécution et de répression menées en zone Nord et en zone Sud.
Graphiques du nombre de fusillés et de déportés de France occupée (en dehors de la zone rattachée à Bruxelles et de la zone annexée). Rappelons que les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes :
Fusillés à la suite d’une condamnation à mort (juillet 1940 - août 1944)
(source : Th. Pouty)
Déportés juifs dans les convois de la Solution finale (mars 1942 - août 1944)
(source : S. Klarsfeld)
Otages exécutés à la suite de mesures de représailles (septembre 1941 - octobre 1943)
(source : Th. Pouty)
Déportés arrêtés par mesure de répression partis vers les camps de concentration
et les prisons du Reich (août 1940 - novembre 1944)
(source : FMD Livre-Mémorial)
Ce lourd bilan humain, ses évolutions comme les différents processus qui l’éclairent, sont ici cernés en cinq grandes périodes.
Cet article est donc un essai de synthèse, construit autour d’une chronologie, largement limité par les lacunes réelles et les déséquilibres de l’historiographie existante. Chaque événement signalé est suivi d’une à trois étoiles, selon notre degré de connaissance de celui-ci. Mais il est rare, dans le cas de la France occupée, de n’avoir que très peu ou pas d’information sur un événement, surtout si on veut bien le comparer avec d’autres violences de masse ailleurs et/ou à d’autres époques. Nous avons donc le plus souvent indiqué deux ou trois étoiles, la différence entre les deux se situant surtout pour cet article dans notre connaissance des mécanismes de l’événement, davantage que dans le souvenir, souvent important, qu’il a pu laisser. La répartition globale de ces étoiles, encore une fois, pointe davantage la nécessité d’une connaissance plus fine des processus répressifs à l’oeuvre que des enchaînements de la « solution finale ».
JUIN 1940 – ÉTÉ 1941 : RÉPRESSION JUDICIAIRE ET PREMIÈRES MESURES ANTI-JUIVES
La première année de l’Occupation, souvent qualifiée de calme, est en fait marquée par la mise en place des premières politiques de répression de la part des autorités allemandes. Les bases de la politique anti-juive sont également rapidement posées, tant du côté allemand que français.
En matière répressive, si le MBF entend laisser la main aux autorités françaises – c’est la base de son « administration de surveillance » –, il se montre d’emblée implacable pour imposer et faire respecter sa politique de « maintien de l’ordre et de la sécurité », notamment dès que des actes touchent directement la puissance occupante (A. Meyer, 2002 ; G. Eismann, 2005). Or, très vite, ses services mentionnent dans leurs rapports de situation une hostilité croissante de la population française, malgré un « attentisme » jugé toujours majoritaire (rapports du MBF et synthèses des rapports des préfets français, www.ihtp.cnrs.fr). Un dispositif répressif sévère est donc rapidement mis en place pour préserver le calme et maintenir l’ordre sur un espace considéré comme stratégique pour la suite de la guerre, autant sur le plan économique (les ressources de la France sont immenses) que militaire (en vue notamment de l’invasion de la Grande-Bretagne).
Si le MBF s’autorise dès la fin de l’année 1940 des internements administratifs (au fort de Romainville notamment ; Th. Fontaine, 2007) et des mesures de représailles collectives (essentiellement encore des sanctions financières, les exécutions d’otages prévues ne sont pas appliquées ; R. Delacor, 2000), l’essentiel de son appareil répressif repose sur ses tribunaux militaires, c’est-à-dire sur une politique judiciaire « à visage légal » (G. Eismann, 2005). Or, « on assiste, au cours des premiers mois de l’Occupation, à un durcissement par étapes de la répression judiciaire de toutes les manifestations jugées dangereuses pour la sécurité de la puissance occupante ou attentatoires à l’image de la Wehrmacht » (G. Eismann, 2007:135). Les mouvements gaullistes sont ainsi rapidement visés, tout comme les tentatives pour rejoindre l’Angleterre ; alors que les forces policières françaises répriment surtout les communistes – et cela avant même « l’engagement du PCF dans la Résistance puis dans la lutte armée » (D. Peschanski, in Dictionnaire historique de la Résistance, p. 23). Au total, de juin 1940 à la fin juillet 1941, un peu plus de 160 peines de mort sont prononcées par ces tribunaux militaires et un quart exécutées. Presque une centaine de détenus jugés sont déportés pour purger leur peine dans une prison du Reich (FMD, Livre-Mémorial, 2004).
L’essentiel de la législation anti-juive est posée durant cette première année d’occupation. D’un côté, le gouvernement de Vichy « sans pression allemande », manifeste « son racisme anti-juif » (S. Klarsfeld, 1983-2001:18). La ségrégation des Juifs et l’aryanisation de leurs biens commencent (J-M. Dreyfus, 2003). De l’autre, Dannecker, à la tête du service anti-juif de la Sipo-SD, en accord le plus souvent avec le MBF et l’Ambassadeur Abetz, développe sa politique qui vise à l’internement initial de milliers de Juifs de la zone occupée. La première rafle interviendra dès le mois de mai 1941 à .
4 juillet 1940 : le droit pénal allemand s’applique officiellement sur le territoire français occupé. « L’article 161 du Code militaire allemand précise que toute atteinte portée à la sécurité des troupes occupantes, ainsi que toute infraction à une ordonnance du Führer ou de son représentant, est un acte repréhensible qui doit être châtié comme s’il avait été commis sur le territoire du Reich » (G. Eismann, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, pp. 782-784). Le même jour, Etienne Achavanne est fusillé à Rouen après avoir été condamné par un tribunal militaire pour une coupure de câble téléphonique. Mais le premier fusillé aujourd’hui connu en zone occupée est sans doute Auguste Gras, condamné le 4 juin, dans l’Aisne, par un tribunal d’une unité de la Wehrmacht et fusillé le lendemain (Y. Le Maner, E. Dejonghe, 1999:187). A , le premier fusillé recensé est Jacques Bonsergent, le 23 décembre, après avoir été arrêté pour une attitude anti-allemande (J-P. Besse, Th. Pouty, 2006:138-139). **
6 août 1940 : deux personnes arrêtées dans la Manche et jugées par le Conseil de guerre d’une division d’infanterie de la Wehrmacht dans la région de Saint-Lô sont déportées à la prison de Cologne. Il s’agit des deux premiers déportés de la zone occupée, arrêtés par mesure de répression (en l’état actuel de la recherche, FMD, Livre-Mémorial , 2004, t.1:249). *
27 août 1940 : le décret-loi de 1939, dit Marchandeau, faisant de l’injure raciale un délit est aboli. Le 22 juillet, le gouvernement de Vichy avait promulgué une loi révisant les naturalisations (C. Andrieu, 2000). ***
12 septembre 1940 : « le commandant militaire allemand en France prend des dispositions en zone occupée légitimant la prise et l’exécution d’otages » (S. Klarsfeld, 1979:19). Les notables forment alors la cible première des autorités allemandes. ***
27 septembre 1940 : en zone occupée, une ordonnance allemande définit le « Juif » (sur la base de la religion) et entame un recensement. La politique anti-juive nazie se met en place, visant l’exclusion des personnes et la spoliation de leurs biens (notamment par l’ordonnance du 18 octobre). ***
3 octobre 1940 : Vichy adopte le statut des Juifs, avec une définition fondée sur la « race ». Le lendemain, une autre loi permet l’internement dans des « camps spéciaux » ou en « résidence forcée » des ressortissants étrangers de race juive. Pour le reste, en matière d’internement administratif, Vichy s’appuie également sur les décrets-lois de la IIIe République (ceux du 12 novembre 1938 et du 18 novembre 1939 notamment ; D. Peschanski, 2004). « Cette véritable loi des suspects est au coeur du dispositif de répression et de persécution de l’Etat français en zone Sud » (D. Peschanski, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, p. 25). ***
Octobre 1940 : en zone occupée, de nombreux militants communistes sont arrêtés par la police de Vichy (J-P. Azéma/A. Prost/J-P. Rioux, 1986). ***
11 novembre 1940 : la première manifestation parisienne d’envergure, qui rassemble jusqu’à 5 600 personnes place de l’Etoile, est réprimée par la police française qui procède à environ mille interpellations (D. Tartakowski, in Dictionnaire historique de la Résistance, 2006:601-602).
* * *
13 au 26 mai 1941 : rue Saint-Dominique, à , s’ouvre devant le tribunal du Gross le procès des membres du réseau de renseignements Nemrod, un des premiers concernant un groupe de résistance. Si tous sont condamnés à mort, trois sont finalement fusillés : Maurice Barlier, Jean Doornick et Honoré d’Estienne d’Orves (J-P. Besse, Th. Pouty, 2006:140). **
14 mai 1941 : la première des trois grandes rafles anti-juives de l’année 1941 est menée par la police française à , à la demande des autorités allemandes d’occupation. 3 700 Juifs, étrangers et français, sont arrêtés et dirigés vers deux camps du Loiret : Beaune-la-Rolande et Pithiviers (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
2 juin 1941 : Vichy procède à son tour au recensement des Juifs et de leurs biens, dans les deux zones. Ce fichage permettra les arrestations à venir. Le 22 juillet 1941, sur le modèle allemand, une autre loi française lance l’aryanisation économique (R. Poznanski, 1994). ***
ETÉ 1941 – AUTOMNE 1942 : RADICALISATION D’UNE RÉPRESSION MARQUÉE PAR LA QUESTION DES OTAGES ET APPLICATION DE LA « SOLUTION FINALE » EN FRANCE OCCUPÉE
Avec l’invasion de l’URSS et le tournant pris par le PCF qui s’engage dorénavant dans la lutte armée contre l’occupant, le MBF ne cesse d’accroître ses exigences sécuritaires. Il avait déjà commencé à le faire, avant même la vague d’attentats contre ses soldats, en radicalisant sa politique répressive judiciaire dès le printemps 1941 (G. Eismann, 2007:141). Malgré des succès réels et une efficacité certaine de la police française dans la lutte contre le communisme (J-M. Berlière, 2001 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004), le MBF fait prendre à son administration de « surveillance » un très net virage répressif. Les actions policières se multiplient, comme les centaines d’arrestations générées par l’action « Porto » qui se déroule d’octobre à décembre 1941, principalement contre des groupes « gaullistes » (FMD, Livre-Mémorial , 2004, pp. 316-317). Les tribunaux militaires accentuent leur sévérité, en prononçant davantage de condamnations à mort et de peines de réclusion suivies, surtout à partir de l’été 1941, de déportations dans les prisons du Reich (au moins 1 500 de juillet 1941 à fin novembre 1942 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004). Près de 500 condamnations à mort sont prononcées par les tribunaux du MBF entre août 1941 et mai 1942 et trois quarts sont exécutées (contre un quart durant la période précédente ; G. Eismann, 2007:141-142).
En décembre 1941, considérant ce travail judiciaire insuffisamment sévère et dissuasif, Hitler demande toutefois à l’OKW de promulguer le décret Nacht und Nebel (NN), qui force les juges militaires en territoires occupés, face à certains actes, à condamner à mort les auteurs dans la semaine qui suit l’arrestation (J. de la Martinière, 1989). A défaut, ils devront se dessaisir de leur dossier au profit d’une justice civile ou militaire du Reich, les prévenus devant dès lors être déportés avant jugement. Pour renforcer l’effet d’intimidation, le décret prévoit que ces personnes disparaîtront dans la « nuit et le brouillard », aucune réponse aux demandes de renseignements ne devant parvenir à leurs familles. Les premières déportations de détenus NN au départ de vers le camp spécial d’Hinzert, situé près du tribunal de Cologne, compétent pour les prévenus du ressort du MBF, ont lieu en mai 1942, après la publication d’une seconde ordonnance d’application du décret, décisive, à la mi-avril 1942. Fin novembre 1942, un peu plus de 650 détenus NN avaient été déportés au camp d’Hinzert depuis (FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; G. Quesnée, 2004).
Mais, les attentats se multipliant contre ses soldats et ses installations, le MBF s’engage dans des mesures de représailles collectives, en procédant à des exécutions d’otages qu’il justifie devant la population française. A l’automne 1941, un « code des otages » rappelle et formule les règles devant gérer les fusillades et le choix des victimes. Cette période est l’occasion d’une nouvelle radicalisation de la politique répressive des autorités allemandes. Mais dès décembre 1941, alors qu’Hitler juge insuffisant le nombre d’otages fusillés, le MBF demande également à Berlin d’y ajouter des déportations massives de représailles, considérées plus dissuasives (S. Klarsfeld, 1979 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000 ; R. Delacor, 2000 ; A. Meyer, 2002 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004 ; G. Eismann, 2005).
Si les communistes sont inscrits en priorité sur les listes d’otages, les Juifs sont rapidement ajoutés dans la définition des victimes, surtout à partir de l’automne 1941 : les autorités allemandes, militaires compris, visent donc « l’ennemi judéo-bolchevique » (S. Klarsfeld, 1979 ; U. Herbert, 1998 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000 ; A. Meyer, 2002 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004). L’exécution de 95 otages le 15 décembre 1941 le montre : si les trois quarts étaient proches des milieux communistes, plus de la moitié étaient juifs. Cette définition idéologique des otages fusillés rompt avec celle, plus traditionnelle, jusque-là adoptée en France occupée et qui visait les notables de la société française.
Dès lors, ce choix dans la désignation de l’ennemi prioritaire est partagé à la fois par les autorités militaires (le MBF comme l’OKW à Berlin), policières (la Sipo-SD), ou diplomatiques (l’Ambassade allemande à ). Cela ouvre la voie à une instrumentalisation par le service des affaires juives de cette politique de représailles, qui amène des déportations « de représailles » : son représentant à , Dannecker, ne manque pas l’occasion de lancer pour la France occupée « la solution finale de la question juive » alors en préparation au RSHA (S. Klarsfeld, 1983-2001). Le 4 mars 1942, lors d’une réunion à Berlin des responsables des services des affaires juives en France, Belgique et Pays-Bas, autour d’Eichmann, il avance le chiffre de 5 000 déportés, en plus des 1 000 dont le départ était déjà prévu fin mars (S. Klarsfeld, 1983-2001:44). Un programme ambitieux, alors que la « traduction dans les faits des principes retenus » lors de la conférence de Wannsee, tenue le 20 janvier 1942, ne devait pourtant se faire que sur un « rythme très lent » avait pourtant précisé Eichmann] à ses représentants. Rien ne laissait « entrevoir une accélération des déportations [de Juifs] pour l’année 1942 » et « c’est seulement sur l’insistance de Dannecker, arguant de nécessités locales, qu’Eichmann consentit à proposer à Heydrich la déportation de 5 000 Juifs au cours de l’année 1942, quand aucun programme de déportation à brève échéance ne fut évoqué, ni pour la Belgique ni pour les Pays-Bas. » (F. Brayard, 2004:109).
En effet, à la conférence interministérielle de Wannsee, Heydrich avait expliqué aux différents acteurs de la « solution finale » qu’elle était devenue une « politique d’Etat », et en évoquant le « traitement approprié » à réserver, au terme du processus, aux Juifs ayant survécu, il avait signé « le caractère à présent génocidaire du projet nazi » (F. Brayard, 2004:400, 406). Depuis la mi-août, les Einsatzgruppen avaient exécuté plus de 450 000 Juifs en URSS (G. Bensoussan, 1996:48). Mais le processus présenté à Wannsee devait aussi être long, la « solution finale » ne pouvant être lancée dans l’immédiat « dans son étendue maximale » et « dans sa forme définitive » (F. Brayard, 2004:405). Les Juifs, et d’abord ceux du Reich et du protectorat de Bohême-Moravie, devaient d’abord être transplantés vers des ghettos de transit, avant un transfert plus à l’Est, sur des terres encore à conquérir. Là, séparés par sexe, ils seraient mis au travail forcé, dans une seconde phase « parfaitement assimilable à une politique « d’extermination par le travail », avant même que l’expression fût inventée » (F. Brayard, 2004:418). Le génocide envisagé à Wannsee, complexe et graduel, non exempt d’expériences diverses, devait donc d’abord se produire par les terribles conditions de vie endurées par les Juifs, et pour les plus résistants ensuite, par le meurtre. A la fin du mois de janvier 1942, Himmler lança un vaste programme de déportation de 150 000 travailleurs juifs. Lors de la réunion déjà évoquée du 4 mars, Eichmann précisa à Dannecker que les déportés choisis « devaient être des hommes juifs de moins de quarante-cinq ans, aptes au travail » (F. Brayard, 2004, pp. 416-417). Mais le responsable de la question juive en zone occupée répondit aussi aux critères de déportation définis par le MBF et sous couvert donc d’une politique de représailles, obtient le départ prioritaire d’otages juifs vers le camp d’Auschwitz dès le 27 mars et le 5 juin 1942 (convois 1 et 2). « Ainsi, si les déportations au départ de la France entraient, pour certaines des autorités allemandes sur place, dans le cadre de la politique de répression, elles relevaient, vues du RSHA, à la fois de la « solution finale » et de la tentative de Himmler de construire un gigantesque appareil industriel avec la main-d’oeuvre juive » (F. Brayard, 2004:417). En matière de déportation, politique répressive et « solution finale » se confondent alors en France occupée (S. Klarsfeld, 1983-2001 ; M. Steinberg, Annales E.S.C., 1993 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000).
Mais cette instrumentalisation ou cette collusion d’intérêts n’empêche pas l’une ou l’autre de poursuivre des destins différents. En décembre 1941, le MBF avait annoncé des déportations de représailles, minutieusement préparées à partir d’avril 1942 : le convoi d’otages du 6 juillet 1942 quitte ainsi Compiègne avec 1 175 hommes, essentiellement communistes et cégétistes (C. Cardon-Hamet, 1997-2000). De son côté, avec la prise en main de la répression par la Sipo-SD en juin 1942, Dannecker peut poursuivre son programme en se dégageant progressivement des critères définis jusque-là par le MBF pour le choix des otages. Si les convois 3, 4 et 5 partent en juin toujours officiellement sous le couvert d’une politique de représailles, leur composition s’exonère de plus en plus de la définition de « l’otage juif déportable » : sont ainsi déportés des femmes et des « inaptes » au travail, notamment des personnes âgées (S. Klarsfeld, 1983-2001 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000). Il s’agit surtout pour Dannecker de terminer le programme annoncé en mars 1942 à Berlin. Toutefois, pour la suite, lors de sa venue à en mai, Heydrich n’avait pas laissé « entrevoir que la déportation des Juifs au départ de la France pourrait s’accélérer au cours des mois suivants » (F. Brayard, 2004:417).
Mais, au sein des cercles dirigeants nazis, à partir d’avril 1942, avec une nette accélération en mai-juin, dans un horizon restreint et un contexte exacerbé par les reculs militaires, la décision est prise d’abandonner le « dispositif défini à Wannsee » et de passer « d’un projet politique d’extinction à un programme de meurtre » et d’extermination totale et immédiate (F. Brayard, 2004:436). Les sélections à l’arrivée à Auschwitz, avec des gazages immédiats pour tous ceux qui ne sont pas retenus pour le travail, débutent dans le cas des convois partis de France avec celui du 19 juillet, le n° 7.
Le 11 juin 1942, une nouvelle réunion capitale a lieu à Berlin, dans les bureaux du service des affaires juives d’Eichmann. Ce dernier y a de nouveau convoqué ses représentants en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Cette réunion doit mettre en route rapidement l’extermination des Juifs d’Europe occidentale, avec un sort fatal et immédiat pour la plupart de ceux ainsi déportés : à partir de l’été 1942, ces chargés des affaires juives font partir, avec des contrastes remarquables parfois dans les modalités, des convois des camps de rassemblement de Drancy en France, de Malines en Belgique et de Westerbork aux Pays-Bas.
Toutefois, dans un premier temps, ce 11 juin, Eichmann s’appuie en le relançant sur le programme de déportation des 150 000 travailleurs juifs décidé en janvier par Himmler, un « volant » limité d’inaptes étant cependant possible. En France, Dannecker en élabore les modalités alors que les services auxquels il appartient viennent de prendre en main la direction de la répression et des questions policières en zone occupée. En effet, la question des otages a laissé des traces, chaque décision ayant donnée lieu à de multiples discussions entre les différents appareils répressifs allemands et avec les autorités françaises, aux échelons les plus élevés. Une crise finit par éclater entre le Commandant militaire en France occupée, Otto von Stülpnagel, et Berlin : il est remplacé en février 1942 et, le 9 mars, Hitler décide de nommer dans le ressort du MBF un chef supérieur de la SS et de la police (HSSPF), à qui il confie dorénavant la direction de la répression – et donc aussi de la « politique des otages ». Karl Oberg prend ses fonctions fin mai. Avec son numéro deux, Helmut Knochen, il relance la politique de collaboration avec la police française : les accords « Oberg-Bousquet » conclus fin juillet et présentés le 8 août, « officialisaient une étroite collaboration des polices en matière répressive » (D. Peschanski, 2004:321-332). Pour une Sipo-SD aux effectifs réduits, face à une montée de la Résistance, l’enjeu était de taille pour espérer une certaine efficacité répressive. Tout en cherchant constamment à préserver cette exigence première de sécurité, qui garantit en outre une bonne exploitation des ressources économiques françaises, Oberg et Knochen obtiennent également au cours de ces négociations la collaboration de Vichy dans l’arrestation et la déportation des Juifs de France, leurs interlocuteurs français acceptant de livrer les Juifs apatrides et étrangers, jugés indésirables. « Afin de franchir le pas décisif des déportations massives, les services allemands ont accommodé le dispositif anti-juif aux dispositions de la société dont ils évacuaient les Juifs » : Maxime Steinberg souligne ainsi l’« entame xénophobe » de ce programme de déportations décidé en juin 1942 (M. Steinberg, Annales E.S.C. , 1993:585-586). Il rappelle également que « les réticences françaises à la déportation des citoyens juifs eurent encore une autre répercussion, bien plus lourde de conséquences pour toute la déportation occidentale. Elles permirent de lever l’obstacle de la mise au travail qui hypothéquait encore la « solution finale » à l’Ouest au mois de juillet 1942. » En effet, Laval « suggéra aux officiers SS une compensation afin de leur fournir néanmoins le contingent prévu », proposant que soient aussi inclus les enfants juifs de moins de 16 ans. « Le 11 juin, à l’Office Central de la Sécurité du Reich, il n’avait encore été question que d’une mise au travail à Auschwitz de Juifs âgés de 16 à 40 ans » (M. Steinberg, Annales E.S.C., 1993), avec toutefois par convoi une marge de manoeuvre de 10 % d’inaptes au travail. « Cette déportation est donc placée par Himmler sous le signe du travail. » (S. Klarsfeld, 1983-2001:69). Sur les neuf convois qui quittent Drancy du 19 juillet au 3 août, 12,2 % des personnes ainsi déportées furent gazées dès l’arrivée parce qu’inaptes, ce qui demeurait dans la norme autorisée. Fin août 1942, cette « hypothèque du «travail» est levée : le télex réglementaire du service des Affaires juives de , informant les différents services berlinois du départ du convoi n° 19 du 14 août, précise ainsi que « pour la première fois il y a des enfants » (de moins de 12 ans ; S. Klarsfeld, 1978-2001:731 ; M. Steinberg, Annales E.S.C. , 1993).
Le plan irréaliste de Dannecker (100 000 Juifs à déporter) est revu après la réunion du 11 juin par Knochen (autour de 40 000), avec Eichmann (S. Klarsfeld, 1983-2001:75). Le programme de déportations de la « solution finale » est ainsi tenu alors qu’il n’était pourtant pas jugé prioritaire par les chefs de la police nazie en France, avant tout préoccupés de la réussite de leurs objectifs politiques et sécuritaires. 38 convois de Juifs de France partent vers Auschwitz de la mi-juillet à la mi-novembre 1942 (S. Klarsfeld, 1978-2001).
La prise en main de la répression par le HSSPF ne modifie d’abord pas la politique des otages. Les exécutions sont toutefois regroupées, pour augmenter leurs effets d’intimidation dans l’opinion française et laisser le temps aux policiers allemands et français de procéder à la recherche des coupables. 88 otages sont fusillés le 11 août 1942 et 116 le 21 septembre. Mais ces représailles n’arrêtent pas les attentats contre les forces d’occupation. Condamnées par la population, elles risquent par ailleurs de gêner la réquisition des travailleurs prévue par la nouvelle loi française du 4 septembre 1942 et dont le Reich a un besoin de plus en plus urgent. La fusillade envisagée pour le 15 octobre est ainsi repoussée puis ajournée, indiquant la suspension de la « politique des otages » (S. Klarsfeld, 1979 ; S. Choumoff, Le monde juif, 1982 ; Th. Fontaine, 2007).
Ainsi, en quelques mois, de juin à décembre 1942, la Sipo-SD au pouvoir en France occupée reprend les dossiers en cours et les fait évoluer. Pendant que les tribunaux militaires du MBF continuent de sévir (près de 460 condamnations à mort suite à des actes de résistance de juin 1942 à janvier 1943, 80 % exécutées, G. Eismann, 2007:152) elle assure d’abord la réussite du programme de la « solution finale » en déportant environ 37 000 Juifs de France de la mi-juillet à la mi-novembre 1942. Et cela sans rompre avec Vichy : en septembre, alors que le contingent de Juifs à déporter s’épuise et que Röthke demande des rafles d’envergure de Juifs français, Knochen explique à Eichmann qu’il ne veut pas risquer « de graves conséquences politiques ». Il a ainsi obtenu l’accord d’Himmler sur cette position : « c’est pourquoi il ne sera pas possible de faire évacuer des contingents élevés de Juifs » conclut-il (S. Klarsfeld, 1983-2001:195). Les conclusions de la crise des otages sont également tirées, la Sipo-SD prenant un virage répressif qui débouchera sur l’organisation régulière de déportations massives à caractère « préventif » et systématique. C’est bien à la fin de l’année 1942, davantage qu’en juin 1942 lors de la prise de pouvoir de la Sipo-SD, que l’on constate un véritable virage dans les politiques répressives suivies par les autorités allemandes en France occupée. L’occupation de la zone libre à partir de novembre 1942 accroît encore la portée de cette césure : répression et persécution vont dorénavant pouvoir se développer sur l’ensemble du territoire, aggravant le bilan humain.
22 juin 1941 : le jour de l’attaque contre l’Union soviétique, dans les pays occupés, sont prises des mesures préventives contre les militants communistes. En France, l’Aktion Theodorich conduit à l’arrestation et à l’internement au camp de Royallieu, à Compiègne, de près de 1 300 personnes. Ce camp, administré par le MBF, est dorénavant réservé à la détention des « ennemis actifs » du Reich (C. Cardon-Hamet, 1997-2000:59). ***
20 août 1941 : la seconde opération d’arrestations massives de Juifs a lieu du 20 au 23 août. Elle a été décidée par les autorités militaires allemandes comme une mesure de représailles après des actes dirigés contre la puissance occupante. Elle a été « suggérée par Dannecker qui poursuit ainsi son programme de création et de remplissage de camps spéciaux de Juifs en zone occupée. L’exécution de la mesure incombe à la police municipale parisienne assistée de Feldgendarmes » (S. Klarsfeld, 1983-2001:28). Plus de 4 200 Juifs (des hommes, dont 1 500 Français) sont arrêtés et conduits dans le nouveau camp de Drancy, en banlieue parisienne (R. Poznanski, 1994:321-330). ***
21 août 1941 : Pierre Georges, le futur colonel Fabien, tue l’aspirant de marine allemand Moser au métro Barbès, à . Aussitôt, l’administration militaire annonce que les Français détenus pour le compte des Allemands sont considérés comme des otages, susceptibles donc d’être fusillés (D. Peschanski, in Dictionnaire historique de la Résistance, 2006:607-608 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004). ***
22 août 1941 : sur pression et avec l’accord des autorités allemandes, le gouvernement de Vichy créé une juridiction spéciale pour juger les « menées antinationales », en particulier l’activité « communiste et anarchiste ». Essentiellement dirigée contre les communistes, cette loi est antidatée au 14 août pour que ces sections spéciales disposent d’une compétence rétroactive. Une « Section spéciale » de la Cour d’appel de condamne ainsi à mort dès le 27 août Emile Bastard, André Bréchet et Abraham Trzebucki, qui sont guillotinés le 28. Les lois du 18 novembre 1942 et du 5 juin 1943 élargissent les cibles visées par ces sections spéciales à l’ensemble des actes de résistance notamment (A. Bancaud, 2002). ***
6 septembre 1941 : le MBF fait fusiller les trois premiers otages français après que le sergent Ernst Hoffmann eut été légèrement blessé par un coup de feu, le 3 septembre 1941 (S. Klarsfeld, 1979). ***
7 septembre 1941 : Vichy, qui s’était engagé à exécuter six communistes après les premiers attentats, promulgue une nouvelle loi créant un Tribunal d’Etat pour juger tous les actes contre « la sécurité du peuple », sans possibilité d’appel. Le 13 septembre, Jean Catelas, député d’Amiens, Adolphe Guyot et Jacques Woog, sont condamnés à mort et guillotinés le 24 septembre (A. Bancaud, 2002). ***
16 septembre 1941 : le MBF fait exécuter 10 otages en représailles des trois attentats des 6, 10 et 12 septembre contre des membres de la Wehrmacht. Hitler juge ces mesures trop clémentes et, à la suite d’une réunion tenue le 30 août à Berlin avec les principaux responsables militaires et policiers du Reich, il demande un décret répressif à Keitel. Signé le 16 septembre, il porte sur les « Mouvements séditieux communistes dans les territoires occupés ». Il ordonne l’exécution de 50 à 100 communistes pour la mort d’un soldat allemand, et demande aux tribunaux militaires de condamner à la peine capitale les auteurs d’action de résistance (S. Klarsfeld, 1979 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000). ***
20 septembre 1941 : après l’attentat quatre jours plus tôt contre un capitaine de la Wehrmacht, à , le MBF fait exécuter 12 otages. Otto von Stülpnagel choisit, pour faire réussir sa politique de maintien de l’ordre, de ne pas appliquer systématiquement les ordres draconiens du Führer (S. Klarsfeld, 1979 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000 ; G. Eismann, 2005). ***
28 septembre 1941 : Von Stülpnagel édicte une longue ordonnance, connue sous le nom de « Code des otages », qui unifie et complète les différentes dispositions prises par le MBF en matière de représailles (C. Cardon-Hamet, 1997-2000 ; G. Eismann, 2005). ***
Entre le 20 septembre et le 20 octobre 1941 , « de nouveaux sabotages et de nouveaux attentats se produisent sans qu’il y ait mort d’homme. Aucun otage n’est exécuté. Par contre, les Allemands multiplient les arrestations d’éléments suspects de « propagande anti-allemande », essentiellement des communistes : entre le 6 et le 10 octobre, 1 600 personnes sont interpellées à , avec l’aide de la police française. Des opérations similaires ont lieu entre le 19 et le 21 octobre dans plusieurs départements de la zone occupée » (C. Cardon-Hamet, 1997-2000:86-87). ***
20-24 octobre 1941 : le 20 au matin, le lieutenant-colonel Hotz, le Feldkommandant de Nantes, est abattu. Le lendemain, c’est au tour d’un conseiller d’administration militaire, Hans Reimers, d’être tué à Bordeaux. Pour le premier mort, les autorités allemandes procèdent le 22 octobre à l’exécution de 48 otages, essentiellement issus du camp de Châteaubriant ; pour le second, ils fusillent deux jours plus tard 50 autres otages à Souges, près de Bordeaux (C. Cardon-Hamet, 1997-2000 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004 ; G. Eismann, 2005). ***
28 novembre 1941 – 5 décembre : alors que les attentats et les sabotages contre la puissance occupante qui s’étaient poursuivis depuis un mois n’avaient pas fait de victime, cette fois, trois soldats allemands sont tués et cinq autres blessés dans l’explosion d’un bar parisien (J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004). Deux jours plus tard, un soldat est abattu dans les rues de Brest. En représailles, « le 5 décembre, Otto von Stülpnagel propose, dans un télégramme qu’il adresse à Berlin, l’exécution de 100 otages, une amende d’un milliard de francs imposée aux Juifs de et l’internement puis la déportation de 1 000 Juifs et 500 jeunes communistes dans l’Est de l’Europe » (C. Cardon-Hamet, 1997-2000:104). Les services du MBF préparent ainsi une rafle d’envergure de Juifs parisiens et recensent les communistes internés (G. Eismann, 2005). ***
7 décembre 1941 : à la demande du Führer, toujours mécontent de la politique de répression menée à l’Ouest, Keitel fait promulguer le décret Nacht und Nebel , suite logique de son précédent texte du 16 septembre. La déportation d’auteurs d’actes que les tribunaux militaires ne peuvent rapidement condamner à mort et exécuter doit désormais s’effectuer dans le plus grand secret, pour intimider davantage la population française (K. Jonca, A. Konieczny, 1981 ; J. de la Martinière, 1989). **
10 décembre 1941 : les 102 premiers arrêtés de l’importante opération « Porto » sont déportés vers les prisons de Düsseldorf et d’Essen, où leur affaire doit être instruite. Il s’agit du premier grand convoi dirigé vers le Reich de prévenus encore non jugés. 89 autres déportés partent cinq jours plus tard, dans la même direction (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 1:316-317). *
12 décembre 1941 : la troisième rafle anti-juive est menée dans le cadre des mesures de représailles collectives prises par le MBF le 5 décembre. 743 Juifs, presque tous Français, souvent de milieux aisés, sont arrêtés à par des Feldgendarmes et des membres de la Sipo-SD, assistés de policiers français. 300 internés choisis à Drancy et arrêtés en août viennent compléter l’effectif, pour atteindre l’objectif fixé de 1 000 Juifs déportables. Dans la nuit du 12 au 13 décembre, ils sont conduits au camp de Compiègne (S. Klarsfeld, 1983-2001 ; voir également le témoignage de J-J. Bernard, Le camp de la mort lente , réédité en 2005). ***
15 décembre 1941 : 95 otages, en grande majorité communistes, sont fusillés selon les représailles prévues ; plus de 50 sont des Juifs provenant du camp de Drancy. Les autres ont été extraits du fort de Romainville, du camp de Compiègne, des prisons de Fresnes, de Fontevrault, de la Santé ou du camp de Châteaubriant. Parmi eux, Gabriel Péri, ex-député d’Argenteuil, rédacteur de L’Humanité , et Lucien Sampaix, ancien secrétaire général de L’Humanité (S. Klarsfeld, 1979 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000 ; G. Eismann, 2005). ***
24-27 décembre 1941 : les services de la Sipo-SD, le 24, puis le MBF, le 27, sont prévenus par Müller, le chef de la Gestapo du Reich, « qu’il est tout à fait déplacé d’héberger dans un même ghetto de transit à l’Est, Juifs et communistes français » (C. Cardon-Hamet, 1997-2000:113). Des transports ferroviaires font également défaut. Les déportations de représailles prévues et annoncées par le MBF sont dès lors repoussées. Les mille Juifs internés à Compiègne restent donc dans une partie du camp, isolés, dans des conditions très rigoureuses, souffrant de la faim et du froid, dont plusieurs succomberont (se reporter notamment au témoignage de J.J. Bernard, Le camp de la mort lente, réédité en 2005). Un décret du 30 décembre 1941 transforme Compiègne en « camp de détention de police allemand ». ***
Janvier – février 1942 : alors que le désaccord s’amplifie entre le MBF et Berlin au sujet de la gestion de la crise des otages, conduisant le 16 février au départ d’Otto von Stülpnagel, remplacé par son cousin Karl-Heinrich von Stülpnagel, les exécutions se poursuivent après les attentats commis contre des soldats allemands (9 en janvier, 45 en février). 46 nouveaux otages sont fusillés en mars (S. Klarsfeld, 1979). ***
19 février 1942 : s’ouvre à Riom, aux yeux de ses promoteurs à Vichy, le procès de la IIIe République, du Front populaire et de la défaite de juin 1940. « Comparaissent les anciens présidents du conseil Edouard Daladier et Léon Blum, Guy de la Chambre, ministre de l’Air de 1938 à 1940, le général Gamelin, chef d’état-major général de l’armée depuis 1935, et Robert Jacomet, ancien secrétaire général du ministère de la Défense nationale ». La défense des accusés est telle qu’elle sonne comme un réquisitoire contre la position de Vichy. Hitler lui-même demande la suspension du procès qui est interrompu le 11 avril 1942 (G. Morin, in Dictionnaire historique de la Résistance, 2006:610-611). ***
4 mars 1942 : s’ouvre à la Chambre des députés le procès « médiatisé » de jeunes francs-tireurs communistes du 11e arrondissement devant un tribunal militaire allemand : sept sont condamnés à mort le 9 mars. Les 15 et 16 avril, à la maison de la Chimie, le MBF organise un second procès de ce type, « à grand spectacle », destiné à stigmatiser les « criminels asociaux » : 23 membres de l’Organisation spéciale et des « Bataillons de la Jeunesse » du PCF sont fusillés, le 17 avril 1942, au Mont-Valérien (E. Alary, 2000 ; A. Meyer, 2002:103-122 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2004). ***
9 mars 1942 : Hitler décide l’installation d’un chef suprême des SS et de la police (HSSPF) dans la juridiction du MBF. Karl Oberg, qui est choisi en avril, est le représentant personnel d’Himmler en France. Surtout, « les mesures d’expiation » sont dorénavant de sa compétence. ***
27 mars 1942 : le convoi n° 1 de la déportation des Juifs de France, constitué de wagons de voyageurs de 3e classe, quitte la gare de Compiègne. Dannecker en personne commande le détachement chargé de convoyer le transport. 1 112 déportés sont immatriculés à l’arrivée. Une partie a été arrêtée lors de la rafle parisienne du 20 août 1941, une autre lors de celle du 12 décembre. Il s’agit des otages juifs, aptes au travail, dont la déportation avait été prévue par le MBF en décembre 1941, en représailles des attentats commis contre les forces d’occupation. Le premier convoi de la « solution finale » est donc aussi la première déportation de représailles menée depuis la zone occupée. Près de 92 % des déportés de ce transport décèdent avant la fin août 1942, du fait des conditions extrêmes qui règnent à Auschwitz (S. Klarsfeld, 1983-2001:47). ***
16 avril 1942 : le train Maastricht-Cherbourg déraille près de Moult-Argences, dans le Calvados : 28 marins allemands, permissionnaires, sont tués et 19 autres blessés. Hitler ordonne des exécutions exceptionnelles et la déportation de 1 000 communistes. Depuis quelques jours, après une série d’autres attentats, il avait déjà pris la décision d’ajouter systématiquement aux exécutions d’otages des déportations de représailles de communistes, de Juifs et « d’éléments asociaux ». Le 30 avril, 24 otages sont fusillés à la suite de l’attentat de Moult. Mais, durant la nuit suivante, le train Maastricht-Cherbourg déraille une seconde fois : 10 soldats allemands sont tués et 22 autres blessés. Le 9 mai, 28 otages sont fusillés et 80 otages calvadosiens seront déportés dans le transport du 6 juillet 1942. Les préparatifs de ce convoi de représailles débutent à partir du 20 avril (C. Cardon-Hamet, 1997-2000). ***
18 avril 1942 : Lava revient au pouvoir sous la pression de la diplomatie allemande qui cherche à relancer la politique de Collaboration. En plus d’un rôle central à la tête de l’exécutif, avec un Pétain dorénavant en retrait, il détient les portefeuilles de l’Intérieur, de l’Information et des Affaires étrangères. Son action va consister à chercher à assurer à la France une place de choix aux côtés de l’Allemagne, dans une Europe nouvelle en lutte contre le communisme (R. Paxton, 1973-2003). ***
28 mai 1942 : part de la gare de l’Est, à , le premier convoi uniquement composé de détenus Nacht und Nebel (43 hommes et 9 femmes) organisé depuis la zone occupée, selon la lettre du décret signé en décembre 1941. Les hommes sont conduits au camp spécial d’Hinzert, situé près du tribunal de Cologne ; les femmes à Aix-la-Chapelle. Tous doivent normalement comparaître devant un tribunal du Reich (J. de La Martinière, 1981 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 1:370-371). **
29 mai 1942 : huitième ordonnance allemande relative à des mesures contre les Juifs. Elle impose en zone occupée le port de l’étoile jaune en public pour tout Juif de plus de six ans révolus. Elle entre en vigueur le 7 juin (A. Kaspi, 1991 ; R. Poznanski, 1994). ***
1er juin 1942 : déjà installé à depuis le début du mois de mai (par Heydrich en personne), Oberg prend officiellement ses fonctions. ***
5 juin 1942 : le départ de Compiègne du convoi n° 2 de la déportation des Juifs de France est entériné début mai à Berlin : le télégramme du service chargé des déportations au RSHA, qui informe Knochen, précise que ce transport part au titre de « la déportation de communistes, Juifs et éléments asociaux vers l’Est à titre de représailles » (C. Cardon-Hamet, 1997-2000:138). Dannecker, qui a réussi à imposer le départ préalable des Juifs, compose une liste de 1 000 hommes, majoritairement polonais, de 18 à 54 ans, arrêtés au cours des opérations du 14 mai et du 20 août 1941 et transférés comme otages de Drancy, Beaune-la-Rolande et Pithiviers à Compiègne fin avril-début mai. Certains ne sont pas aptes au travail, en contradiction avec les ordonnances sur les otages. Près de 80 % des déportés de ce convoi décèdent à Auschwitz en dix semaines (S. Klarsfeld, 1978-2001, G. Eismann, 2005). ***
11 juin 1942 : réunion à Berlin, autour d’Eichmann, des représentants des services des affaires juives de France, de Belgique et des Pays-Bas. Le programme de déportation systématique de l’ensemble des Juifs d’Europe débute, à un rythme soutenu : Dannecker propose un contingent de 100 000 Juifs français, qui est revu à la baisse, à son retour à , par Knochen autour de 40 000 personnes (S. Klarsfeld, 1983-2001 ; F. Brayard, 2004). ***
22, 25 et 28 juin 1942 : les mesures de déportation de représailles prises par Hitler en avril sont maintenues par la Sipo-SD, qui dirige désormais la politique de répression en zone occupée. Dannecker cherche lui toujours à appliquer son programme d’évacuation des Juifs parisiens arrêtés en 1941. Une nouvelle fois, les trois convois de mille Juifs chacun, organisés en juin 1942, partent sous le sceau de représailles vers Auschwitz. Mais, le MBF n’étant plus compétent, les convois sont organisés cette fois directement depuis les camps d’internement de Drancy le 22 juin, de Pithiviers le 25 et de Beaune-la-Rolande le 28. Les instructions de l’administration militaire pour la constitution des convois de représailles ne contraignent plus désormais Dannecker, qui fait ainsi partir pour la première fois des femmes (66 dès le 22 juin). Les déportés du convoi du 22 juin, dont plus de 430 Français, décèdent à 80 % en sept semaines et demie. 45 % et 30 % des Juifs des deux convois suivants meurent en sept semaines. Quant au convoi de représailles constitué d’otages communistes, annoncé en décembre 1941, sa préparation s’achève fin juin (S. Klarsfeld, 1983-2001 ; C. Cardon-Hamet, 1997-2000). ***
2 juillet 1942 : lors d’une conférence décisive, en vue des accords policiers franco-allemands, tenue à entre Bousquet, Oberg et Knochen, le Secrétaire général à la police et représentant du gouvernement de Vichy propose de ne pas arrêter de Juifs français, mais promet son concours et donc celui de la police française, pour arrêter les Juifs étrangers « partout », c’est-à-dire également en zone libre. Le critère national devient premier, y compris grâce à cet accord de Vichy au sud de la ligne de démarcation. Ce 2 juillet, Bousquet a de fait promis la livraison de 10 000 Juifs étrangers internés en zone libre et l’arrestation de 20 000 autres en région parisienne (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
6 juillet 1942 : départ des otages communistes dont la déportation avait été envisagée depuis décembre 1941 et préparée depuis avril 1942. C’est le premier convoi massif de déportés arrêtés par mesure de répression qui part de la zone occupée. Ils sont probablement 1 175 à monter en gare de Compiègne dans le transport qui prend la direction d’Auschwitz, où une moitié est rapidement envoyée travailler sur les chantiers du camp de Birkenau. Au bout de neuf mois, ils ne sont plus que 160 du fait des terribles conditions qui règnent à Auschwitz (C. Cardon-Hamet, 2005). ***
10 juillet 1942 : Oberg prend un décret qui élargit la désignation des otages aux membres de la famille des « terroristes en fuite » (S. Klarsfeld, 1979). ***
16-17 juillet 1942 : la plus grande rafle menée contre des Juifs en France, dite « rafle du Vel’ d’Hiv’ », se déroule en région parisienne contre des Juifs étrangers – d’autres rafles similaires sont organisées en zone occupée, notamment dans les régions de Dijon et d’Orléans. Ce sont les policiers français qui opèrent. Si les Allemands tablaient sur l’arrestation de plus de 27 000 personnes, « seules » 13 152 sont arrêtées (selon le résultat définitif de la rafle établi par la Préfecture de Police, S. Klarsfeld, 1983-2001:136), dont plus de 4 000 enfants. Face à ce résultat insuffisant, les représentants de la police française, qui cherchent à éviter que les Allemands ne se rabattent sur des Juifs français et qui les aident donc à tenir les contingents prévus sur la base des accords du 2 juillet, poussent à la déportation des enfants. Double « avantage » : des problèmes d’internement en moins, et la séparation des familles évitée en théorie. En attendant, à la suite de la rafle, les femmes et les enfants sont envoyés au Vélodrome d’hiver, une enceinte sportive dans le 15e arrondissement de , où ils restent plusieurs jours avant d’être d’abord envoyés dans les camps du Loiret (Lévy-Tillard, 1967 ; S. Klarsfeld, 1983-2001 ; M. Rajsfus, 2002). ***
17 juillet 1942 : Dannecker obtient le départ d’un nouveau convoi qui quitte Pithiviers pour Auschwitz. Si la bibliographie (notamment M. Steinberg, C. Cardon-Hamet) le relie au programme de déportation de 6 000 Juifs décidé en mars 1942, on peut noter que son code de départ (DA-901-1) laisse également penser que ce convoi n° 6 fait débuter le nouveau programme de déportation initié par la réunion du 11 juin. A Berlin, le ministère des Transports avait autorisé son lancement à partir du 13 juillet (S. Klarsfeld, 2001). **
19 juillet 1942 : nouveau départ de la gare du Bourget vers Auschwitz d’un convoi toujours composé d’environ 1 000 Juifs. Il s’agit encore surtout des raflés de 1941 en région parisienne. Pour la première fois, 375 Juifs en provenance de France, « sans doute les plus âgés » (S. Klarsfeld, 1978-2001:540), ont été gazés à leur arrivée au camp, après une sélection. ***
20 juillet 1942 : le convoi n° 8 de la déportation des Juifs de France part d’Angers pour Auschwitz. C’est le seul des convois de province initialement prévus par Dannecker, avant les accords sur les Juifs français et étrangers passés entre Oberg et Bousquet, qui est maintenu. Un peu plus de 800 Juifs sont ainsi déportés, dont 200 Français qui venaient d’être raflés par le Kommandeur de la Sipo-SD d’Angers, au mépris de ce qui avait été décidé (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
22 juillet 1942 : 996 Juifs, dont 385 femmes, partent de Drancy pour Auschwitz. C’est le convoi n° 9 de la déportation des Juifs de France et le premier convoi composé des personnes arrêtées au cours des rafles des 16 et 17 juillet à . Toutes sont immatriculées à l’arrivée. Le même jour, cardinaux et archevêques de France réunis à autour du cardinal Suhard, signent un texte qui rompt le silence et dénonce « les arrestations massives d’Israélites » (S. Klarsfeld, 1983-2001:139). ***
31 juillet 1942 : le 13e convoi de Juifs quitte Pithiviers. « Il s’agit du premier convoi des camps du Loiret comportant des pères et des mères arrêtés lors de la rafle du Vélodrome d’Hiver » (S. Klarsfeld, 1978-2001:626). Parmi les 1 052 Juifs au départ, 147 mères qui partent avec leurs enfants (139) de 15 à 20 ans, mais « laissent derrière elles les moins de 15 ans. Les gendarmes ont dû battre les mères pour les séparer des petits et pour les enfermer dans les wagons » (S. Klarsfeld, 1983-2001:147). Le convoi suivant, le n° 14, qui part de Pithiviers le 3 août est presque exclusivement composé de femmes (982 sur 1 034) qui ont été séparées de leurs enfants : 452 sont gazées dès leur arrivée. Les autres ont peut-être vu arriver leurs enfants, trois semaines plus tard (entre le 17 et le 31 août, en sept convois), tous aussitôt dirigés vers les chambres à gaz de Birkenau (S. Klarsfeld, 1983-2001:149-150). ***
7 août 1942 : le convoi n° 16 quitte Pithiviers pour Auschwitz. C’est le dernier de la série des convois composés principalement des Juifs adultes arrêtés les 16 et 17 juillet à , ici surtout des femmes. Il comprend également 258 enfants de 13 à 15 ans. Les trois quarts des membres de ce convoi sont immédiatement gazés, dont les enfants (S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
10 août 1942 : le convoi n° 17 quitte Drancy pour Auschwitz, déportant environ 1 000 Juifs, presque tous de nationalité allemande, dont plus de la moitié de femmes. « Il s’agit du premier convoi de déportés en provenance de la zone libre et livrés par Vichy aux nazis », selon les accords Bousquet-Oberg. Les déportés étaient arrivés le 6 août à Drancy, « du camp de Gurs, où de nombreux Juifs allemands avaient été internés en octobre 1940 ». Trois quarts d’entre eux sont immédiatement gazés. (S. Klarsfeld, 1978-2001:699). Les convois de zone libre se succèdent vers Drancy durant le mois d’août (E. Conan, 1991). ***
11 août 1942 : à la suite du jet de deux grenades contre des soldats de la Luftwaffe, au stade Jean Bouin à , le 5 août, par trois membres de la MOI (Main-d’oeuvre immigrée) – l’attentat fait huit morts, c’est le plus meurtrier commis à durant l’Occupation –, la Sipo-SD fait exécuter 88 otages au Mont-Valérien (S. Klarsfeld, 1979 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2007). ***
14 août 1942 : dans le convoi n° 19, qui part de Drancy pour Auschwitz, emportant 1 015 Juifs, dont une majorité d’Allemands en provenance de quatre camps français de la zone libre (les Milles, Recebedou, Noé et Rivesaltes), le télex réglementaire du service des affaires juives indique que « pour la première fois il y a des enfants » (au sens de moins de 12 ans ; S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
17 – 31 août 1942 : série de sept convois Drancy-Auschwitz, qui déportent massivement les enfants arrêtés lors de la rafle de juillet 1942, mélangés avec des adultes pour eux inconnus. On compte 530 enfants de moins de 16 ans (certains de deux ans), dont 339 de moins de 10 ans dans le convoi n° 20 du 17 août. Ils sont 373 enfants de moins de 13 ans dans le convoi suivant du 19 août ; 544 de moins de 14 ans deux jours plus tard, dans le convoi n° 22 (dont 11 enfants de moins de 2 ans) ; ou encore 465 de moins de 12 ans dans le transport du 24 août, dont 131 de moins de 6 ans (S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
26 août 1942 : sur trois jours, plus de 6 500 Juifs sont arrêtés par la police française en zone libre (moins que ce qu’envisageait le service des affaires juives) et rapidement transférés vers Drancy. Les réactions de la population française sont très négatives : face à cette vive émotion, le 30 août, l’évêque de Montauban, Mgr Théas, fait lire une lettre très critique en chaire dans tout son diocèse. Si on ajoute à ces personnes arrêtées les Juifs livrés en août depuis les camps de zone libre, Vichy, « en moins d’un mois », a fourni aux Allemands près de 10 000 Juifs étrangers principalement (S. Klarsfeld, 1983-2001:174 ; P. Laborie, Annales, E.S.C., 1993; R. Poznanski, 1994:401-419). ***
Ce même 26 août, un nouveau convoi, le 24e, quitte Drancy pour Auschwitz : c’est « le premier d’une série qui va s’étaler jusqu’à la fin de l’année 1942 et qui verra une double sélection : la première a lieu, en général, à Kosel, non loin d’Auschwitz, où les Allemands font descendre la majorité des hommes valides qu’ils vont faire travailler dans des camps, tels Blechammer, Johannisdorf, Kochanowitz, Oderberg, Gogolin, Ottmuth, etc. Sans doute les SS à ont-ils signalé à l’inspection générale SS des camps, que Vichy leur envoie de zone libre une proportion importante et intéressante de jeunes travailleurs et a-t-on décidé à Berlin de les affecter temporairement à des camps susceptibles d’utiliser leur capacité laborieuse. Les survivants de cette catégorie en provenance de France et de Belgique, seront regroupés par les Allemands fin mars 1944 à Blechammer et seront enregistrés cette fois à Auschwitz » (S. Klarsfeld, 1978-2001:879-880). ***
30 août 1942 : les otages de la région parisienne sont désormais rassemblés par la Sipo-SD au fort de Romainville, où leur nombre ne devra pas excéder 200 (Th. Fontaine, 2005, 2007). ***
2 septembre 1942 : Laval rencontre Oberg à : s’il s’engage à livrer les Juifs apatrides restants, il demande à ce qu’on ne lui adresse plus, dans l’immédiat, d’exigences nouvelles en matière de politique anti-juive. Désormais, les réactions dans l’opinion publique pèsent (P. Laborie, 1990 et 1992). Les autorités policières nazies acceptent pour assurer la bonne marche de leur collaboration politique, toujours jugée comme prioritaire. Röthke, au service des affaires juives, doit trouver d’autres solutions pour assurer l’énorme programme des déportations qu’il envisage en septembre-octobre (autour de 52 000 personnes). Après avoir reçu un accord pour les faire arrêter, il organise dès le 16 septembre, par le convoi n° 33, la déportation des Juifs lettons, bulgares, yougoslaves ou néerlandais raflés deux jours plus tôt à . Le 23 septembre, avec le convoi n° 36, il met en marche massivement une déportation de Juifs français (au moins 540), malgré les accords passés avec Vichy. Le 24, après l’avis favorable du ministère des affaires étrangères, Röthke organise à , avec la police française, la rafle de près de 800 Juifs roumains et de leurs enfants français : ils sont déportés dans les convois n° 37 et 38 du 25 et 28 septembre et sont majoritairement gazés à Birkenau quelques jours seulement après leur arrestation (S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
21 septembre 1942 : En représailles de divers attentats commis depuis la mi-août, dont celui à la sortie du cinéma Rex (trois soldats allemands tués), la Sipo-SD fait exécuter 46 otages au Mont-Valérien et 70 autres, simultanément, à Souges, près de Bordeaux (S. Choumoff, Le monde juif, 1982 ; Th. Fontaine, 2005, 2007 ; J-M. Berlière, F. Liaigre, 2007). Le même jour, par le convoi n° 35 qui part de Pithiviers pour Auschwitz, plus de 500 Juifs français sont déportés, classés dans les « nationalités indéterminées » par le service des affaires juives. ***
25 septembre 1942 : Knochen refuse la rafle de Juifs français envisagée par le service des affaires juives pour composer les convois prévus en octobre. Cette position qui préserve les acquis politiques de la collaboration avec Vichy est validée par un télex d'Himmler à Oberg. Le programme des déportations d’octobre est annulé et, le 30 septembre 1942, le convoi n° 39 qui quitte la gare du Bourget-Drancy pour Auschwitz part avec « seulement » 211 déportés. Le contingent des Juifs disponibles pour la déportation n’est plus suffisant, mais pour des « raisons de prestige », Röthke a malgré tout décidé de faire partir ce convoi. Il s’agit surtout de personnes âgées, de plus de 55 ans, des Belges et des Hollandais : 56 sont sélectionnés pour le travail à l’arrivée, les autres sont gazés (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
9-10 octobre 1942 : des opérations sont menées par les différents Kommandos de la Sipo-SD en province pour arrêter les Juifs étrangers qui tombent dorénavant dans les catégories à déporter (Bulgares, Yougoslaves, Belges, etc.). Presque 2 000 personnes peuvent ainsi être transférées à Drancy, où 600 Juifs sont également disponibles. Des convois sont aussitôt prévus pour novembre (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
19 octobre 1942 : le 15 octobre, la section II Pol de la Sipo-SD avait proposé, en représailles des différents attentats effectués depuis le 21 septembre (une victime à la gare de l’Est et une autre au Maillot-Palace), date de la dernière exécution d’otages, de faire fusiller 114 détenus. Mais le 19, cette exécution est suspendue pour des raisons d’opportunité et de choix politiques (S. Klarsfeld, 1979). Il s’agit, notamment, de ne pas gêner le recrutement de la main-d’oeuvre devant partir travailler en Allemagne. Une première action « Sauckel », du nom du responsable du recrutement dans les territoires occupés par le Reich, est en effet lancée par une directive du 22 août 1942. Surtout, le gouvernement de Vichy, opposé aux exécutions massives, promulgue le 4 septembre 1942 une loi « d’utilisation et d’orientation de la main-d’oeuvre » (B. Garnier/J. Quellien/F. Passera, 2003). ***
4-11 novembre 1942 : reprise des déportations des Juifs de France. Deux convois, le 4 et le 6, déportent les Juifs arrêtés en province en octobre. Les Juifs grecs, dont l’arrestation venait d’être autorisée et qui sont raflés le 5 novembre, sont déportés le 9 et le 11, lors de deux nouveaux transports dirigés vers Auschwitz. Après ces départs, Knochen prévient Eichmann que les déportations ne pourront pas reprendre avant février 1943 (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
11 novembre 1942 : la zone libre est occupée par les armées allemandes en réplique au débarquement anglo-américain en Afrique du Nord trois jours plus tôt. Les Italiens occupent eux rapidement les départements alpins. Des Kommandos de la Sipo-SD s’installent dans cette nouvelle « zone d’opération » allemande. La marge de manoeuvre du gouvernement de Vichy se rétrécit de nouveau. ***
DÉCEMBRE 1942 – AOÛT 1943 : DÉBUT DES DÉPORTATIONS MASSIVES PAR MESURE DE RÉPRESSION ET POURSUITE DES CONVOIS DE LA « SOLUTION FINALE »
L’année 1942 s’est conclue sur l’arrêt des exécutions massives d’otages. Mais cette décision laisse ouverte la question du devenir de ces personnes. La Sipo-SD décide de les déporter en tant que Schutzhäftlinge (détenus de sécurité) vers un camp de concentration, mais de manière spécifique, en utilisant la garantie du secret offerte par le décret Nacht und Nebel . N’ayant pas l’intention de les juger, elle détourne de fait l’étiquette NN pour ainsi envoyer, à partir de mars 1943, des centaines de détenus dans le secret des camps de concentration du Reich. (Th. Fontaine, 2007). Pour autant, les départs de détenus NN appelés à être jugés devant un tribunal du Reich et déportés vers le camp spécial d’Hinzert se poursuivent jusqu’en septembre 1943. Les déportations vers des prisons du Reich de personnes déjà condamnées par un tribunal militaire témoignent, enfin, d’une répression judiciaire du MBF toujours aussi sévère (FMD, Livre-Mémorial, 2004; G. Eismann, 2005).
Cette fin d’année a aussi assuré officiellement à la Sipo-SD la possibilité d’interner administrativement des suspects, sans recours obligatoire à la procédure jusque-là normale et toujours effective d’un jugement devant un tribunal militaire (Eismann, 2007:149). Ne pouvant pas (face au surpeuplement des lieux d’internement) et ne souhaitant pas (face aux risques encourus en cas de second front de maintenir ainsi des prisonniers dans le dos des troupes allemandes) multiplier les internements en France occupée, la déportation de Schutzhaft (de sécurité, extra-judiciaire) devient ainsi l’horizon de la majorité des personnes arrêtées.
Mais, à ce choix répressif correspond également le virage opéré par le système concentrationnaire nazi depuis le printemps 1942. « Contrairement à leurs plans, les nazis comprennent, à partir de 1942, que la guerre sera longue, et qu’ils devront la mener dans une situation d’infériorité démographique et économique » (Y. Le Maner, 2005:127). Les détenus des camps de concentration vont dorénavant travailler au profit de l’économie de guerre du Reich (on trouvera de nombreux exemples dans M. Fabreguet, 1999 ; R. Steegmann, 2005 ; B. Streibel, 2005). Les zones occupées deviennent des viviers de main-d’oeuvre, à une période où la grande majorité des Allemands sont mobilisés sur le front. Un décret d’Himmler du 14 décembre 1942, qui demande aux différents organismes policiers du Reich et en territoires occupés l’envoi dans les camps (d’abord jusqu’à fin janvier, puis jusqu’en juin) de 35 000 « détenus aptes au travail », conduits en France aux départs de six convois de janvier à juin 1943, de près de 7 000 déportés au total (Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire de Nuremberg, 1949 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; E. Rimbot, 2006).
Dans le même temps, et après l’absence d’organisation de convois entre la mi-novembre 1942 et début février 1943, la déportation des Juifs de France reprend. Elle est toutefois sérieusement « contrecarrée par l’attitude résolument projuive des Autorités italiennes, ainsi que par les réticences de Vichy sans qui les arrestations massives sont impossibles » (S. Klarsfeld, 1983-2001:209). En effet, les Italiens occupent dorénavant huit départements de la zone Sud : or, les différends apparaissent vite profonds sur la question juive, tant avec les autorités allemandes qu’avec le gouvernement de Vichy. Des milliers de Juifs fuient ainsi les zones occupées par les Allemands pour rejoindre la zone italienne et ainsi se mettre provisoirement à l’abri. Par ailleurs, l’autre possibilité pour Röthke d’obtenir l’arrestation de Juifs, celle entrevue avec la loi de dénaturalisation de milliers de Juifs français qui les rendrait « déportables », ne cesse d’être repoussée par le gouvernement de Vichy, dorénavant à l’écoute de son opinion publique et des nettes critiques de la hiérarchie catholique (S. Klarsfeld, 1983-2001 ; A. Cohen, 1993). Or, en accord avec leur ligne politique initiale, Oberg et Knochen sont toujours décidés à ne pas sacrifier l’ordre en France et leur nécessaire collaboration avec le gouvernement Laval au profit d’avancées extrémistes sur la question juive, qui seraient refusées par le gouvernement français. Le 12 février 1943, dans une note envoyée à Müller, le chef de la Gestapo du Reich, Knochen s’oppose de nouveau à la déportation des Juifs français. Il rappelle les « réalités complexes du contexte politique qui entoure la question juive en France » (S. Klarsfeld, 1983-2001:228). En juillet, lorsqu’il devient évident que le gouvernement de Vichy ne procèdera pas à des dénaturalisations en masse, Knochen freine de nouveau son service des affaires juives qui cherche à organiser, avec les seules forces policières allemandes, une rafle contre les Juifs français. Le service des affaires juives, durant ce premier semestre de l’année 1943, continue donc à arrêter les Juifs étrangers et apatrides, à surtout, grâce à l’aide des services de police français ; tout en demandant aux différents Kommandos de la Sipo-SD en province d’envoyer également un maximum de personnes. S’y ajoutent aussi les Juifs arrêtés dans le cadre d’opérations de représailles, qui ne sont donc pas propres à la seule année 1941.
13 janvier 1943 : sur demande des autorités allemandes, en application de nouvelles mesures de représailles à la suite du meurtre la veille d’un officier de la Wehrmacht en gare de Rouen, le préfet Parmentier prescrit des arrestations massives de Juifs français. Le 16 janvier, 222 personnes sont transférées à Drancy, dont 170 Français (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
22-27 janvier 1943 : à la demande d’Himmler, les Allemands procèdent à une vaste opération militaro-policière de destruction du quartier du Vieux Port à Marseille. Toute la population qui y habite est « filtrée ». Des centaines de personnes sont arrêtées et transférées à Compiègne, en vue de leur déportation. Parmi elles, environ 800 Juifs (C. Oppetit, 1993 ; Ryan, 1996 ; A. Meyer, 2002:143-158). ***
15-28 janvier 1943 : à Nantes, dans le procès dit des « 42 », le tribunal militaire de la Feldkommandantur 518, prononce 37 condamnations à mort contre des FTPF de la région, arrêtés principalement depuis l’été 1942 par les autorités françaises. Ils sont traités comme des « criminels », les juges allemands mettant notamment en avant le meurtre, en plein palais de Justice, du juge d’instruction français d’abord chargé de leurs dossiers (F. Liaigre, 2007 ; ainsi que l’intervention à paraître de S. Defois au séminaire de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, Autour des guerres mondiales. Ordre civil et ordre militaire : les limites de la justice militaire, 1914-1955, « Le procès des 42, Nantes, janvier 1943. Propagande et criminalisation de la résistance communiste »). C’est sans doute, en nombre de condamnations à mort prononcées, le procès le plus meurtrier de toute l’Occupation. **
24 janvier 1943 : plus de 1 500 hommes et 230 femmes partent de Compiègne en direction du Reich, formant, pour la zone occupée, le second transport massif de déportés arrêtés par mesure de répression après celui du 6 juillet 1942. Les wagons sont séparés à Halle, une fois la frontière franchie. Les hommes sont déportés au camp de Sachsenhausen, près de Berlin, où ils travaillent pour la majorité dans le Kommando de l’usine Heinkel, pour l’effort de guerre allemand (E. Rimbot, 2006). Les femmes sont dirigées vers Auschwitz – c’est le convoi de Danielle Casanova et de Marie-Claude Vaillant-Couturier –, où les conditions sont alors terribles, à cause notamment d’une épidémie de typhus. Le 10 avril, elles ne sont déjà plus que 70. Dans tous les wagons formés à Compiègne, on retrouve une majorité de communistes, souvent arrêtés dans le cadre de la politique des otages. Mais ce convoi s’inscrit également – de façon certaine pour les hommes tout du moins – dans le cadre des déportations décidées par le décret d’Himmlerde décembre 1942, en vue d’alimenter les camps en main-d’oeuvre d’esclaves. C’est pour cette raison sans doute que les Allemands y font monter de force quelques dizaines de Tsiganes, les seuls à être déportés depuis la zone occupée (C. Delbo, 1965 ; D. Peschanski, 2004 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; Th. Fontaine, 2005 ; E. Rimbot, 2006). **
9-13 février 1943 : l’interruption des transports de Juifs de France a duré pendant près de trois mois. Mais trois convois ont été prévus début février. Le premier (le n° 46, mais la numérotation des transports par les services allemands contient des erreurs ; ce n’est donc pas le 46e convoi) part le 9 février, toujours avec un contingent d’environ 1 000 déportés. Le nombre de Juifs internés ne laissait pas de grandes marges de manoeuvre au service des affaires juives : dans le second convoi du 11 février, 170 déportés ont plus de 60 ans, à peine sortis des asiles où ils étaient internés (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
13 février 1943 : deux officiers de la Luftwaffe sont tués au cours du Carrousel, à . « Comme première mesure de représailles élaborée en commun par le Commandement militaire, par l’ambassade et par la Sipo-SD, il est prévu de déporter 2 000 Juifs » (S. Klarsfeld, 1983-2001:228). Des rafles de Juifs sont aussitôt prévues en zone Sud, avec l’aide de Vichy, contre des étrangers, hommes, de 16 à 65 ans. ***
2 mars 1943 : un nouveau convoi (le n° 49) part de Drancy vers Auschwitz. Là encore, le contingent de déportés à réunir a posé des problèmes : il s’agit d’une majorité de Juifs âgés, sortis de l’hospice Rothschild ou arrêtés lors de la dernière rafle parisienne du 11 février (1 500 Juifs ont été pris, grâce aux services de la Préfecture de Police). Plus de 300 ont plus de 70 ans, 395 sont sexagénaires (S. Klarsfeld, 1983-2001). ***
4-6 mars 1943 : en deux convois, près de 2 000 Juifs à peine arrivés de zone Sud, à la suite des mesures de représailles prises le 15 février, sont déportés vers le camp de Sobibor. C’est la première fois qu’un transport de France prend la direction de ce centre de mise à mort. A l’arrivée, la quasi-totalité des déportés est immédiatement gazée (S. Klarsfeld, 1978-2001). **
23-25 mars 1943 : pour la troisième et la quatrième fois (la dernière) au départ de France, deux autres convois prennent la direction de Sobibor. Il s’agit surtout des Juifs raflés à Marseille au début du mois de janvier. Sur les 2 000 Juifs déportés, seuls une quinzaine du second convoi sont sélectionnés pour le travail à l’arrivée. Le 25 mars, Knochen répond à Eichmann, au sujet du calendrier des déportations à venir, qu’en attendant la loi du gouvernement de Vichy abolissant la naturalisation des Juifs devenus Français à partir de 1932, « dans l’immédiat, des convois spéciaux pour le transport des Juifs ne seront pas nécessaires » (S. Klarsfeld, 1983-2001:244). A partir de maintenant, le service des affaires juives mise surtout sur les rafles qui suivront cette loi du gouvernement de Vichy. Aucun transport n’est organisé de la fin mars à la fin juin 1943. ***
25, 27 mars et 1er avril 1943 : trois convois, emmenant au total 166 hommes, partent de la gare de l’Est, à , en direction de Trèves puis du camp de concentration de Mauthausen. Il s’agit d’anciens otages devant être fusillés, transformés en détenus de « sécurité », classés NN par les services de la Gestapo, pour garantir notamment le secret du départ. Les exécutions d’otages ayant été suspendues et le nombre d’otages présents dans la réserve « officielle » constituée au fort de Romainville ne devant pas excéder 200, leur départ avait été prévu depuis décembre 1942. A partir de cette date, d’autres convois d’anciens otages, de détenus jugés très dangereux (hommes et femmes), classés NN, seront déportés par la Gestapo directement vers un camp de concentration dans ce type de petits transports : dès juillet vers Natzweiler et Ravensbrück ; à partir d’août vers Buchenwald et Mauthausen surtout, via le camp de triage de Sarrebruck (FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; Th. Fontaine, 2007). ***
Avril 1943 : Les troupes allemandes évacuent la Tunisie. Les personnes détenues à la prison de Tunis sont déportées par avion vers l’Italie puis vers l’Allemagne. Une partie d’entre elles sont ensuite internées au camp de Sachsenhausen (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 1:862-863). **
2 avril 1943 : Les accords Bousquet-Oberg, en renégociation depuis février, sont étendus à la zone Sud (D. Peschanski, 2004). ***
16 avril – 8 mai 1943 : Quatre convois de déportés arrêtés par mesure de répression prennent la direction, pour les deux premiers du camp de Mauthausen, pour les deux suivants du camp de Sachsenhausen, en vertu du décret d’Himmler de décembre 1942 sur la main-d’oeuvre à diriger vers le système concentrationnaire nazi. Le troisième de ces transports, celui du 28 avril 1943, comprend également 220 femmes qui sont, elles, déportées vers le camp de Ravensbrück, celui réservé aux femmes (FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; E. Rimbot, 2006 ; Fontaine, 2007). **
21 juin 1943 : à Caluire, près de Lyon, la Gestapo de Klaus Barbie arrête Jean Moulin au cours d’une réunion clandestine, ainsi que d’autres importants dirigeants de la résistance en zone Sud (se reporter notamment à D. Cordier, La république des catacombes, 1999 ; J-P. Azéma, Jean Moulin, 2003 ; J. Bénac, Présumé Jean Moulin , 2006). ***
23 juin 1943 : les déportations des Juifs de France reprennent avec un nouveau convoi de 1002 Juifs dirigé à Auschwitz depuis Drancy (S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
26 juin 1943 : un nouveau et dernier convoi de déportés arrêtés par mesure de répression part de Compiègne en direction de Buchenwald pour alimenter le système concentrationnaire en détenus capables de travailler. La veille, un texte de Müller venait d’annoncer la fin de ce programme de déportations (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t.1:939-940). **
1er juillet 1943 : la Sipo-SD prend le contrôle complet du camp de Drancy. Röthke, qui s’attend à l’arrivée massive de Juifs français à peine dénaturalisés (grâce à la rafle d’envergure à laquelle il compte procéder dès que la loi sera promulguée par Vichy) craint de possibles problèmes à Drancy, où les autorités françaises devront parquer et organiser la déportation d’anciens compatriotes. « La parade est simple et marque un tournant dans l’histoire de Drancy : c’est la prise en main directe du camp et son contrôle total par la Gestapo elle-même. Les effectifs dont dispose Röthke sont insuffisants ; son équipe compte à peine une dizaine de personnes. Il faut faire appel à Eichmann : ce dernier détache un commando spécial qui se rend le 1er juin à . Ce commando est alors placé sous la direction du meilleur lieutenant d’Eichmann, le capitaine Aloïs Brunner, qui vient d’organiser la déportation des 43 000 Juifs de Salonique » (S. Klarsfeld, 1983-2001:263 ; D. Epelbaum, 1990). Ce dernier devient le chef du camp. ***
18 juillet 1943 : le convoi portant le n° 57 part pour la première fois de la gare de Bobigny vers Auschwitz. Le télex de ce transport de 1 000 Juifs est pour la première fois signé A. Brunner. Il témoigne de sa volonté de faire de la place à Drancy, avant l’arrivée des Juifs dénaturalisés. Le 12 juillet, le camp de Beaune-la-Rolande avait été liquidé et les détenus ramenés sur Drancy (Serge Klarsfeld, 1983-2001). ***
19 juillet 1943 : le rapport « Flora », rédigé par un agent de la Sipo-SD de Marseille, « dresse le bilan de l’une des opérations de répression de la Résistance les plus importantes menées par la Gestapo en zone sud » (J-M. Guillon, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, pp. 771-772). Les noms de plus de 200 personnes arrêtées ou identifiées sont inscrits : « les états-majors des Mouvements unis de Résistance (MUR) à Marseille, Toulon et Nice sont décapités. » Ce rapport témoigne de l’importance des enquêtes policières dans les pratiques répressives nazies (J. Bénac, Présumé Jean Moulin , 2006). ***
25 juillet 1943 : le régime de Mussolini tombe en Italie. Dans ce nouveau contexte, à Vichy, la loi de dénaturalisation qui avait déjà été repoussé à différentes reprises, est suspendue par Laval. Les perspectives d’arrestations et de déportations de Röthke s’écroulent, alors que, pour les réaliser, Knochen n’est toujours pas décidé à sacrifier sa collaboration politique avec Vichy. Malgré une promesse de Pétain d’étudier les dénaturalisations au cas par cas, la Gestapo sait, qu’en réalité, très peu de procédures interviendront (S. Klarsfeld, 1983-2001 ; A. Cohen, 1993). ***
13 août 1943 : le premier convoi de « personnalités-otages » quitte la gare de Compiègne, transite par le camp de Buchenwald (mais pas dans la partie réservée aux déportés), et arrive finalement à Plansee, près de Füssen, où un hôtel a été spécialement aménagé pour interner ces détenus particuliers. En effet, depuis que les Alliés ont mis le pied en Sicile, les autorités allemandes craignant de plus en plus un débarquement en Provence ont dressé des listes de personnalités civiles et militaires susceptibles de devenir des cadres de la Résistance. Ces 38 déportés du 13 août ont été arrêtés au cours d’arrestations préventives et ciblées entre le 9 et le 11 août, dans une quinzaine de départements. Le 31 août, 48 autres « personnalités-otages » partent de pour le château d’Eisenberg (FMD, Livre-Mémorial, 2004). *
SEPTEMBRE 1943 – ÉTÉ 1944 : DÉPORTATIONS SYSTÉMATIQUES DES RÉSISTANTS ET DES JUIFS, ESCALADE DES VIOLENCES CONTRE LA POPULATION CIVILE
La proclamation de l’armistice italien, le 8 septembre 1943, et l’occupation immédiate de la zone au-delà du Rhône par les troupes allemandes, déplacent les priorités nazies en matière de politique anti-juive (jusque-là centrées sur la loi de dénaturalisation française) et lancent une « chasse sauvage aux familles juives », notamment à Nice (S. Klarsfeld, 1985-2001:298).
Surtout, le critère de la nationalité française se lève progressivement dans la deuxième moitié du mois d’août 1943 (S. Klarsfeld, 1985-2001:315). Le convoi du 2 septembre témoigne de ce changement qui permet dorénavant de composer des convois avec des Juifs français : ils forment plus de la moitié de l’effectif de ce transport. Désormais, la Gestapo « ramasse autant de Juifs [qu’elle] est en mesure de le faire et (…) les expédie à Auschwitz. Pas de critiques de Berlin, plus d’illusions non plus. Eichmann sait que l’équipe Röthke-Brunner fait de son mieux sur un terrain de chasse difficile pour une équipe réduite » (S. Klarsfeld, 1978-2001:1648). Mais Oberg-Knochen ne poussent pas tout de suite dans leurs retranchements les dirigeants de Vichy, évitant tout conflit politique grave. Alors que les Sipo-SD en province ont ordre d’arrêter un maximum de Juifs et d’obtenir pour cela les listes des Français, les préfets refusent encore de leur fournir ces documents. Les opérations allemandes menées par exemple en Basse-Normandie obtiennent dès lors de faibles résultats. A Nice, où A. Brunner pouvait espérer arrêter près de 25 000 Juifs, sans l’aide des autorités françaises son bilan s’établit finalement à 1 800 internements (S. Klarsfeld, 1985-2001).
Ainsi, sur ce plan comme sur celui de la lutte contre la Résistance, Bousquetn’apparaît plus comme l’homme idéal pour les dirigeants nazis : en décembre 1943, sur pression d’Hitler en personne, Darnand entre au gouvernement et prend en charge le « Maintien de l’Ordre » et une Police de plus en plus rétive à collaborer. Vichy se radicalise : le 20 janvier 1944, la loi instaurant les cours martiales est signée (V. Sansico, 2002). Or, « dès que Darnand, chef de la Milice, prend en main toutes les forces de Police régulière au titre du Secrétariat général au Maintien de l’Ordre, le barrage tant bien que mal dressé par Bousquet] contre les arrestations de Juifs français se désagrège » (S. Klarsfeld, 1985-2001:327). Laval cède et les listes des Juifs français sont remises aux Allemands au début du mois de janvier 1944, à la suite d’une demande formulée à la préfecture de Bordeaux. Le 25 janvier, le directeur général de la Police nationale, Parmentier (qui avait prescrit en tant que préfet les arrestations de Juifs à Rouen en janvier 1943, en représailles d’un attentat), demande à « tous les préfets de zone Sud de communiquer à la Sipo-SD, au siège de chaque préfecture, la liste des Juifs étrangers et français. La même mesure est appliquée en zone Nord » (S. Klarsfeld, 1985-2001:332). Dès lors, régulièrement, selon les arrestations effectuées dans les deux zones, la Gestapo réussit à former des convois vers Auschwitz jusqu’en juillet 1944.
Le 3 septembre 1943, le lendemain du départ en nombre de Juifs français vers Auschwitz et après la fin d’un premier programme de convois opérés à la suite du décret d’Himmler du 14 décembre 1942, les déportations massives de personnes arrêtées par mesures de répression reprennent et s’accélèrent depuis le camp de Compiègne. Elles coïncident avec une accélération des groupes de résistance et, bien souvent, avec leurs chutes et leurs démantèlements par les services policiers allemands. De septembre 1943 à la fin du mois de janvier 1944, tous les déportés qui composent ces convois (plus de 9 500 au total) sont dirigés vers le camp de Buchenwald puis, pour une grande partie d’entre eux, vers le « Kommando » de Dora, où ils travaillent à l’installation de l’usine secrète de fabrication des futurs V2 (A. Sellier, 1998). Après les importants départs de janvier 1944, une réorganisation des centres de rassemblement des détenus à déporter est opérée : Compiègne devient le camp de départ des seuls hommes ; les femmes quittant dorénavant la France depuis le fort de Romainville (Th. Fontaine, 2005, 2007). Ce système bicéphale fonctionne jusqu’en août 1944 – comme Drancy qui reste le point de départ des Juifs vers Auschwitz – et ne s’arrête qu’avec l’évacuation de cette partie du territoire par l’administration allemande.
Les déportations de détenus NN se poursuivent également durant cette période, dorénavant très majoritairement vers des camps de concentration. Celles de personnes condamnées par des tribunaux militaires des zones occupées continuent même jusqu’en novembre 1944, à partir de différentes villes du territoire encore sous contrôle allemand.
L’automne 1943 marque un saut quantitatif important par le nombre croissant des victimes de la répression, qui sont en outre de plus en plus massivement déportées. L’activité des tribunaux militaires s’intensifie encore durant cette période, accompagnant l’escalade des violences en France occupée. Plus de 380 prévenus sont ainsi condamnés à mort durant la seconde moitié de l’année 1943, principalement pour des « actes de francs-tireurs ». Ils sont environ 600 de janvier à avril 1944 (G. Eismann, 2007:158-161).
Mais l’automne 1943 est aussi l’occasion, devant l’imminence de l’ouverture d’un second front à l’Ouest, de pouvoirs accrus redonnés au MBF en matière de maintien de l’ordre, même si en la matière il est « subordonné au haut commandement de l’armée » (P. Lieb, art. cité, 2007:174 ; G. Eismann, 2005). En effet, il s’agit d’éradiquer les maquis naissants et les groupes de résistance de plus en plus nombreux – notamment depuis la loi sur le Service du travail obligatoire (STO) du 16 février 1943 et ses nombreux réfractaires – qui pourraient prendre en tenaille les troupes allemandes en cas de débarquement allié. La « lutte contre les bandes » devient une tâche prioritaire, notamment dans les zones montagneuses et forestières, et dans ce combat, les méthodes policières des services de la Sipo-SD et leur collaboration avec les forces de l’ordre françaises, ne suffisent plus. Dès l’automne 1943, des opérations militaires d’envergure débutent, menées toutefois en partenariat avec la Sipo-SD chargée des aspects policiers et du devenir des personnes arrêtées. Quatre actions importantes sont menées de février à avril 1944 (A. Meyer, 2002:159-183). Ce type d’opérations entraîne un « changement de nature » des pratiques répressives des autorités allemandes : « elles usent désormais de méthodes empruntées au front de l’Est » (G. Eismann, 2007:156). « L’ordonnance Sperrle », notamment, permit nombre d’exactions. Après le débarquement de Normandie surtout, les massacres de populations civiles se multiplient (99 pendus à Tulle, 642 civils tués à Oradour-sur-Glane – dont des enfants –, etc.), marquant une nouvelle radicalisation des violences allemandes. Durant cette période, « la lutte contre la Résistance se transforma peu à peu en une véritable guerre contre les partisans », le haut commandement allemand recensant ainsi 7 900 « francs-tireurs » tués dans le mois qui suivit le 6 juin, dont en fait beaucoup de civils. (P. Lieb, art. cité, 2007:171, 181 et 184 pour la carte des principaux massacres).
Les forces de Vichy accompagnent cette radicalisation de la répression. « On en finit avec les états d’âme de René Bousquet. Il n’est plus question d’affirmer la souveraineté de Vichy sur l’ensemble du territoire national ni l’indépendance de la police française : au mieux les actions sont menées conjointement par la police allemande, les forces du maintien de l’ordre et la Milice ; au minimum les infos sont partagées. A tous les échelons, les contacts sont réguliers entre les services. Darnand se met – et met sa police – au service d’une guerre totale dans laquelle les Allemands sont engagés. La négociation est d’autant moins à l’ordre du jour qu’elle n’est pas souhaitée par le chef de la Milice » (D. Peschanski, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, p. 28). La Milice, légitimée par la nomination de son chef à la tête du « Secrétariat d’Etat au Maintien de l’ordre », commet en outre, après le débarquement, des assassinats politiques (Jean Zay, Georges Mandel, les époux Basch, etc.).
2 septembre 1943 : le convoi n° 59 qui quitte la gare de Bobigny pour Auschwitz contient une moitié de Français. La Gestapo a pris la décision de déporter aussi les Juifs français (Serge Klarsfeld, 1978-2001). ***
3 septembre 1943 : un nouveau convoi massif de déportés arrêtés par mesure de répression quitte le camp de Compiègne pour celui de Buchenwald. Il s’agit du premier depuis la fin du programme lancé en décembre 1942 à la demande d’Himmler. Les déportés qui le composent, près de 1 000 hommes, pour beaucoup arrêtés en tentant de passer les Pyrénées, partent majoritairement dans le nouveau Kommando de Dora qui se met alors en place et qui est destiné à accueillir les chaînes de production des armes secrètes, les futurs V2 (A. Sellier, 1998 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
9 septembre 1943 : un dernier transport de détenus NN devant être jugés dans le Reich prend la direction d’Hinzert. Désormais, c’est Natzweiler et Sarrebruck qui sont, très régulièrement, les deux destinations des convois Nacht und Nebel (FMD, Livre-Mémorial , 2004). **
10 septembre 1943 : A. Brunner arrive à Nice. Avec un petit kommando, il sillonne les rues de la ville et effectue des contrôles « au faciès », sans exception de nationalités (R. Poznanski, 1994:568-571). Les Juifs trouvent refuge chez des habitants ou bien tentent de quitter la ville, mais les gares sont bouclées. Plus largement, un vaste ratissage de l’ex zone italienne est organisé, d’Est en Ouest « pour éviter une fuite des Juifs » et deux camps près de Marseille et Lyon doivent assurer le transit avant Drancy. « Plusieurs documents décrivent le caractère féroce de ces rafles de Nice, qui furent les plus terribles menées en Europe de l’Ouest. » (S. Klarsfeld, 1985-2001:302-303). Mais, cette fois, il s’agit d’une rafle menée par les seuls Allemands, face à une « population hostile », traquant près de 25 000 Juifs sans doute, qui se termine à la mi-décembre par un « bilan très médiocre », d’environ 1 800 personnes arrêtées (S. Klarsfeld, 1985-2001:310). ***
Ce même 10 septembre, un nouveau convoi de 54 « personnalités-otages » rejoint le château d’Eisenberg, dans le Reich (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 1:1106). *
17 septembre 1943 : un nouveau convoi massif de près de 1 000 déportés arrêtés par mesure de répression prend la direction du camp de Buchenwald. Comme celui du 3 septembre, il s’agit d’envoyer des hommes capables de creuser les galeries souterraines de Dora : les conditions sont terribles et beaucoup décèdent dans les semaines et les mois qui suivent (A. Sellier, 1998 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
2 octobre 1943 : le 28 septembre 1943, rue Pétrarque, à , Julius Ritter, le président allemand du service de la main-d’oeuvre en France et représentant direct de Fritz Sauckel – nommé par Hitler « plénipotentiaire au recrutement et à l’emploi de la main-d’oeuvre » – est abattu par une équipe spéciale des FTP-MOI, dont le chef militaire est Missak Manouchian. Alors même que les représailles d’otages sont arrêtées depuis l’automne 1942, à titre exceptionnel, 50 otages extraits du fort de Romainville sont fusillés au Mont-Valérien (S. Courtois, D. Peschanski, A. Rayski, 1989 ; Th. Fontaine, 2005). ***
7 et 28 octobre, 20 novembre, 7 et 17 décembre 1943 : cinq nouveaux convois de Juifs de France quittent la gare de Bobigny pour Auschwitz. Une partie est toujours gazée dès l’arrivée (S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
28 octobre, 14 décembre 1943 : deux nouveaux convois de déportés arrêtés par mesure de répression – composés de plus en plus majoritairement de Résistants arrêtés – partent pour Buchenwald, ses Kommandos de travail et le camp de Dora (FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
20 décembre 1943 : le jour même du remaniement ministériel qui porte Darnand au Secrétariat général au Maintien de l’Ordre, le Kommandeur de la Sipo-SD de Bordeaux demande au préfet la liste des Juifs du département, y compris les Français. Ce dernier cède, alors que la nouvelle équipe dirigeante n’est pas encore en place. Plus d’une centaine de Juifs sont arrêtés dans la nuit, dont une cinquantaine d’enfants et près de 80 Juifs français (S. Klarsfeld, 1985-2001). ***
Décembre 1943 – janvier 1944 : en petits groupes de 30 à 40 personnes, près de 130 membres du réseau Alliance, arrêtés par les services du contre-espionnage allemand, sont déportés dans des prisons du Reich pour être jugés. Peu le sont en définitive et les autres sont exécutés dans la deuxième moitié de l’année 1944 (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 1:1347). **
10 janvier 1944 : la Sipo-SD de Bordeaux redemande à la préfecture des listes de Juifs, dans le but d’arrêter l’ensemble de ceux encore présents dans le département. Cette fois, Darnand et Laval sont informés : ils cèdent. Près de 500 Juifs, dont plus de 220 Français sont arrêtés par les Allemands. Fin janvier, une rafle similaire est organisée à Poitiers, avec le même résultat quantitatif. A , deux rafles, le 22 janvier et le 4 février, amènent l’arrestation de près de 1 000 personnes. Mais les Allemands ne brusquent pas la Préfecture de Police – ils n’obtiendront les listes espérées que le 2 août (S. Klarsfeld, 1985-2001). ***
20 janvier 1944 : le gouvernement français promulgue la loi qui créé les cours martiales contre les « activités terroristes ». Aucune instruction, pas d’avocat, peine de mort exécutoire immédiatement : Vichy se radicalise (V. Sansico, 2002). **
17, 22 et 27, 31 janvier 1944 : 5 500 déportés arrêtés par mesure de répression, dont près de 1 000 femmes (en une seule fois, dans le convoi le plus important parti de Compiègne pour Ravensbrück, celui de Geneviève de Gaulle), sont déportés vers Buchenwald et le camp des femmes situé près de Berlin. Compiègne est littéralement vidé de la plupart de ses détenus. Ces départs qui alimentent une nouvelle fois les Kommandos du système concentrationnaire, travaillant pour l’économie de guerre du Reich, correspondent également à une transformation du dispositif des camps d’internement en France. En décembre 1943, il a été décidé de faire du fort de Romainville le centre de rassemblement des femmes pour la déportation. Compiègne devient celui des seuls hommes (FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; Th. Fontaine, 2005, 2007). **
20 janvier 1944, 3 et 10 février 1944 : trois convois partent de la gare de Bobigny pour Auschwitz. Les raflés de Bordeaux sont déportés le 20 janvier, ceux de Poitiers et de les 3 et 10 février (S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
5-13 février 1944 : l’armée allemande lance l’action « Korporal » contre les maquis de l’Ain (P. Lieb, 2007). ***
12 février 1944 : le maréchal Hugo Sperrle, adjoint du haut commandant de l’Ouest, promulgue une ordonnance qui donne l’ordre à la troupe de « répliquer tout de suite en ouvrant le feu » en cas d’attaque « terroriste ». « Les maisons qui avaient abrité les partisans devaient être incendiées ». Il s’agit de « l’ordre de référence » des derniers mois de l’Occupation. Le 4 mars 1944, cette ordonnance est complétée « par un ordre du maréchal Wilhelm Keitel selon lequel les francs-tireurs capturés avec une arme à la main devaient être fusillés et non plus livrés aux tribunaux militaires ». Tous ceux qui n’étaient pas pris en flagrant délit devaient être condamnés à mort, lors de procès expéditifs, et rapidement exécutés (P. Lieb, art. cité, 2007:176-178). ***
19 février 1944 : procès expéditif dit du « groupe Manouchian ». Les autorités allemandes décident de transformer ce jugement des actions de la MOI en opération de propagande pour discréditer la Résistance ainsi incarnée dans cette armée de « terroristes juifs et immigrés à la solde de l’Angleterre et du bolchevisme russe » (S. Courtois, D. Peschanski, A. Rayski, 1989). La lutte « contre les bandes » se radicalise un peu plus encore. ***
2-3 mars 1944 : vaste rafle allemande de près de 800 Juifs dans l’Est de la France, notamment dans la Meuse et en Meurthe-et-Moselle (S. Klarsfeld, 1985-2001). ***
Début mars – mi-avril 1944 : avec l’augmentation régulière des déportations de résistants depuis le printemps 1943, qui se conjugue avec un rythme maintenu, mais amoindri comparé à celui tenu en 1942, des convois de Juifs de France, l’année 1944 est marquée par un nombre impressionnant de départs. La variété des procédures conduisant à ces déportations ressort également. Le calendrier du début du printemps 1944 l’illustre.
Deux convois de Juifs partent de Bobigny pour Auschwitz le 7 (de 1 500 personnes cette fois, arrivées à Drancy depuis le 10 février) et le 27 mars. Le 13 avril, le convoi n° 71 qui déporte près de 1500 Juifs comprend 148 enfants de moins de 12 ans, dont une partie de ceux arrêtés à Izieu par le chef de la Gestapo de Lyon, Klaus Barbie (S. Klarsfeld, 1984). Simone Jacob, devenue aujourd’hui Simone Veil, se trouve dans ce transport. Près de 2 000 Juifs sont également arrêtés en province par la Gestapo, en vue d’alimenter les futurs convois (S. Klarsfeld, 1985-2001). ***
Après une interruption en février, les convois au départ de Compiègne reprennent avec celui du 22 mars, de plus de 1 200 hommes dirigés vers le camp de Mauthausen. Ils sont près de 1 500 à partir le 6 avril, toujours vers l’Autriche. Le 18 avril, comme prévu par la réforme des centres de rassemblement en France, ce sont cette fois plus de 400 femmes qui partent de Romainville vers Ravenbrück (Th. Fontaine, 2007). Les convois de NN et de détenus condamnés par des tribunaux militaires continuent d’être formés au départ du Reich, dont quatre transports successifs de femmes NN pour la prison d’Aix-la-Chapelle. Le jour même du second convoi de Compiègne vers Mauthausen, 51 femmes NN quittent par exemple la gare du Nord pour cette prison, en transit de quelques jours avant Ravensbrück ; et 66 hommes également classés NN sont déportés à Natzweiler, dans le seul camp situé dans les frontières de la France de 1939. Au moins 8 détenus condamnés par un tribunal militaire allemand en zone occupée partent purger leur peine dans une prison du Reich. Le mois de mars 1944 voit aussi les premiers départs particuliers vers le camp alsacien de Schirmeck de membres du réseau Alliance : jusqu’en juin, 120 y sont ainsi internés au secret, et 106 d’entre eux sont exécutés le 1er septembre, d’une balle dans la nuque, dans le camp voisin de Natzweiler (FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
25 mars – 15 avril 1944 : alors que l’armée allemande investit le plateau des Glières à la fin du mois de mars, l’action « Brehmer » est menée contre les maquis de Dordogne et de Corrèze (A. Meyer, 2002 ; G. Penaud, 2004 ; P. Lieb, 2007). ***
7-18 avril 1944 : l’armée allemande mène une nouvelle action armée contre les maquis et les groupes de résistance de l’Ain et du Jura (A. Meyer, 2002 ; P. Lieb, 2007). ***
27 avril 1944 : plus de 1 600 déportés arrêtés par mesure de répression sont dirigés depuis Compiègne vers le complexe concentrationnaire d’Auschwitz. C’est le premier convoi massif de Résistants à prendre depuis janvier 1943 la direction du camp le plus important de la « solution finale » de la question juive. Mais, cette fois, la politique de représailles n’en est pas à l’origine. Il s’agit sans doute plus vraisemblablement du trop grand nombre de détenus alors présents à Buchenwald, camp où sont finalement dirigés après une quinzaine de jours les membres de ce convoi (H. Clogenson, P. Le Goupil, s.d.). Ils y arrivent le 14 mai, en même temps qu’un nouveau transport parti de Compiègne deux jours plus tôt, de plus de 2 000 hommes. La veille, plus de 560 femmes avaient été déportées à Ravensbrück (FMD, Livre-Mémorial, 2004). ***
15 mai 1944 : près de 880 hommes, exclusivement, dans la force de l’âge, sont déportés de la gare de Bobigny, comme à l’accoutumée (convoi n° 73), mais cette fois vers Kaunas (en Lituanie) et Tallin (en Estonie). « Cette présence exclusive d’hommes laisse à penser qu’il s’agit peut-être d’un convoi de représailles, comme celui du 4 mars et comme celui du 6 mars 1943, ou d’une exceptionnelle demande de travailleurs pour un secteur prioritaire. » (S. Klarsfeld, 1978-2001:1837 ; Collectif, Nous sommes 900 Français, 3 vol, 1999-2000). ***
20-21 mai 1944 : le 20, 1 200 Juifs, dont de nombreuses familles avec des enfants en bas âge, sont déportés à Auschwitz. Le lendemain, 2 000 hommes arrêtés par mesure de répression quittent Compiègne pour le camp de concentration de Neuengamme, situé près de Hambourg. C’est le premier convoi massif de Résistants à prendre cette direction (S. Klarsfeld, 1978-2001 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
Mai – juin 1944 : à l’approche et à la suite du débarquement allié de Normandie, les autorités allemandes procèdent à la déportation de 150 nouvelles « personnalités-otages », principalement des militaires français, vers les camps installés à Plansee, Eisenberg et Bad-Godesberg (FMD, Livre-Mémorial, 2004). *
6 juin 1944 : les Alliés débarquent en Normandie. L’occupation allemande entre dans sa dernière phase. Deux jours plus tôt, un nouveau convoi de plus de 2 000 déportés arrêtés par mesure de répression avait pris la direction du camp de Neuengamme. Le jour même, 61 femmes classées NN sont déportées au camp de Sarrebruck, avant de partir pour Ravensbrück (FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
8-9 et 10 juin 1944 : le 8 juin, l’OB West autorise désormais de viser des civils lors d’opérations militaires. Ainsi, alors que les troupes allemandes font mouvement pour rejoindre le front de Normandie, les massacres de populations civiles se multiplient. Le 9 juin, la 2e division blindée de SS « Das Reich » fait pendre 99 hommes à Tulle en représailles du meurtre de prisonniers allemands par des « francs-tireurs ». Le lendemain, des hommes de la 3e compagnie du régiment « Der Führer » de cette même division « Das Reich » détruisent le village d’Oradour-sur-Glane, en Haute-Vienne, et assassinent 642 hommes, femmes et enfants. Un cas extrême qui ne se reproduit ensuite pas à cette échelle (J-J. Fouché, 2001 ; A. Meyer, 2002:185-212 ; P. Lieb, art. cité, 2007:178-179). ***
10-11 juin 1944 : les troupes allemandes investissent le Mont-Mouchet, en Auvergne, où une importante concentration de maquisards s’était organisée. Plus de 125 résistants et une cinquantaine de civils sont tués (E. Martres, in Dictionnaire historique de la Résistance, pp. 739-740). ***
18 au 29 juin 1944 : le débarquement allié n’a pas mis fin aux déportations, bien au contraire. Le 18 juin, plus de 2 100 personnes, arrêtées par mesure de répression, quittent Compiègne pour le camp de Dachau. Une majorité, des militants communistes, venait d’être évacuée de la centrale d’Eysses (le 30 mai) en prévision d’un débarquement. Le 22 juin, la nouvelle configuration militaire oblige les Allemands à ne plus systématiquement faire transiter par Compiègne-Romainville les détenus en partance pour les camps du Reich : un convoi de 359 hommes part ainsi directement de Grenoble pour Buchenwald. Deux jours plus tard, 256 déportés quittent Besançon pour Dachau ; le 28 juin, 317 autres prennent aussi cette direction depuis Bordeaux. Enfin, le 29, 720 détenus de la prison St-Paul, à Lyon, administrée par les Français, sont déportés par les Allemands à Dachau (FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
28 juin 1944 : Philippe Henriot, nommé en même temps que Darnand au gouvernement, comme secrétaire d’Etat à l’Information et à la Propagande, chroniqueur célèbre de la radio de Vichy, est abattu par la Résistance. « Dans les jours qui suivent, un peu partout en France, les miliciens, incités par leurs chefs à frapper ceux qui, de près ou de loin, ont préparé le crime », enlèvent et tuent non seulement des résistants, mais aussi des Juifs ou des personnalités simplement assimilées au « gaullisme » (B. Leroux, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, p. 636). Georges Mandel, « personnalité-otage » déporté en Allemagne mais qui venait d’être ramené en France, est livré par les Allemands à un commando de la Milice qui l’exécute en forêt de Fontainebleau. ***
29 juin 1944 : le tribunal militaire allemand de Nantes condamne à mort 30 résistants du maquis du bois de Saffre, 27 sont fusillés le jour même (J-P Besse, Th. Pouty, 2006). **
30 juin 1944 : un nouveau convoi quitte la gare de Bobigny pour Auschwitz, avec 1150 déportés juifs, dont 160 enfants. C’est le seul convoi de la « solution finale » du mois de juin car, avec le débarquement, les arrivées de province à Drancy ont été moins nombreuses et le service des affaires juives n’a pu composer qu’un transport (S. Klarsfeld, 1978-2001). ***
2 juillet 1944 : comme le 18 juin, plus de 2 100 hommes sont de nouveau déportés depuis la gare de Compiègne pour Dachau. Ce convoi est resté dans les mémoires du fait de l’ampleur des victimes qui décèdent durant le voyage (au moins 530), principalement à Reims, du fait de la chaleur dans les wagons, du manque d’eau et de l’entassement (C. Bernadac, 1970, Le Train de la mort, , France-Empire ; FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 2:1081-1083). **
8 juillet 1944 : en parallèle des actions Sauckel pour le recrutement d’une main-d’oeuvre forcée, Keitel autorise que l’on procède à la déportation de l’ensemble de la population masculine des territoires « infestés par les bandes » (P. Lieb, art. cité, 2007:177). ***
15 et 28 juillet 1944 : les départs de Compiègne se poursuivent massivement. 1 500 personnes, dont plus de 320 « personnalités-otages » ainsi exceptionnellement déportées directement vers un camp de concentration du fait de l’urgence de la situation militaire, partent pour le camp de Neuengamme. Deux semaines plus tard, ils sont encore plus de 1 600 à rejoindre la région de Hambourg pour rapidement être mis au travail forcé au service de l’économie de guerre allemande (FMD, Livre-Mémorial, 2004, notamment t. 2:1202-1203 pour le cas des « personnalités-otages »). **
21 juillet 1944 : après des incursions allemandes en janvier et en mars, de la Milice en avril, le maquis du Vercors est attaqué lors d’une offensive générale des troupes d’occupation, incluant un assaut aéroporté, « qui fait d’elle l’opération la plus importante menée contre la Résistance en Europe de l’Ouest. Celle-ci, marquée par des atrocités contre la population (Vassieux, La Chapelle) et les résistants blessés (grotte de la Luire), disloque le maquis en trois jours ». Au total, 326 résistants sont tués, ainsi que 130 civils (G. Vergnon, in Dictionnaire historique de la Résistance, pp. 766-768). ***
30 juillet 1944 : un nouveau convoi part directement d’une grande ville de province pour les camps de concentration du Reich, sans transiter par Compiègne ou Romainville. Ils sont ainsi près de 1 200 à quitter Toulouse, après avoir été extraits des prisons de la ville ou des camps d’internement de la région. Une centaine de femmes et d’enfants de moins de 15 ans (dont deux bébés de six mois) rejoignent le camp de Ravensbrück. Les hommes et les adolescents sont immatriculés le 6 août au camp de Buchenwald. Si les Allemands n’ont pu opérer en France ce tri préalable entre les hommes et les femmes, du fait de l’avance alliée, ils n’ont pas pu non plus réaliser celui entre les Juifs et les arrêtés par mesure de répression, si bien que tous partent ensemble. Ces déportés juifs (plus de 160) sont ainsi également immatriculés à Buchenwald, mais la liste d’arrivée au camp mentionne cette spécificité et marque les noms de ces personnes d’une croix. Ils ne repartent pas ensuite pour Auschwitz (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 2:1358-1359). ***
31 juillet 1944 : le dernier grand convoi formé de détenus de Drancy quitte la gare de Bobigny pour Auschwitz, avec près de 1 300 Juifs. Des centaines viennent à peine d’être arrêtés dans la région parisienne. On compte 330 enfants de moins de 18 ans, dont beaucoup issus des foyers d’enfants juifs de l’UGIF (Union générale des Israélites de France), liquidé par A. Brunner à le 20 juillet (S. Klarsfeld, 1978-2001). Le même jour, les Alliés percent le front de Normandie à Avranches. ***
1er août 1944 : près de 90 hommes raflés dans la Creuse en juillet, du fait de l’action des maquis environnants, sont déportés d’abord vers des prisons du Reich, puis pour beaucoup vers Buchenwald (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 3:32-33). *
9 août 1944 : un dernier train important de détenus quitte le Sud-ouest de la France et Bordeaux pour le Reich. Il part en réalité de Toulouse en juillet, fait une halte à Bordeaux et repart vers Compiègne : mais du fait de l’avance alliée, il est stoppé et doit revenir à Bordeaux où les prisonniers sont détenus près d’un mois dans l’attente d’un nouveau départ qui intervient finalement le 9 août. Le convoi prend cette fois la direction du Sud-est, pour passer plus facilement la frontière : mais le débarquement de Provence ralentit considérablement sa marche et ces déportés (plus de 550 hommes et une soixantaine de femmes au moins selon les listes jusqu’à aujourd’hui reconstituées) mettent finalement près de trois semaines à rejoindre le camp de Dachau. Ce voyage en train, en camions, à pied, de nouveau en train, a marqué les civils qui en ont été les témoins et les mémoires qui évoquent aujourd’hui ce « train fantôme » (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 3:55-57). **
11 août 1944 : à l’instar de ce qui s’était passé à Toulouse le 30 juillet, un nouveau convoi de 600 personnes part directement de province, mélangeant hommes et femmes, juifs et résistants. De Lyon, il rejoint l’Alsace où, cette fois, les hommes arrêtés par mesure de répression (plus de 220) descendent pour être dirigés vers le camp de Natzweiler ; les femmes résistantes repartent elles pour le camp de Ravensbrück. Quant aux Juifs, des deux sexes, ils sont transférés à Auschwitz, sans avoir transité par Drancy (S. Klarsfeld, 1978-2001 ; FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 3:91-92). **
15 août 1944 : Les troupes franco-américaines débarquent en Provence (J-M. Guillon, in Dictionnaire historique de la Résistance, 2006, pp. 636-637). Le même jour, les Allemands forment le dernier convoi massif de déportation de la région parisienne. Plus de 2 200 déportés arrêtés par mesure de répression prennent le chemin du Reich à quelques jours de la libération de . Ils sont extraits de l’ensemble des prisons et camps de la région parisienne malgré les accords en négociation avec le consul de Suède et la Croix-Rouge. Plus de 1 650 hommes sont dirigés vers Buchenwald, alors que 550 femmes sont immatriculées à Ravensbrück (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 3:105-107).
Jusque-là, le dispositif organisant les départs de France des déportés arrêtés par mesure de répression, reposant sur les deux camps de Compiègne et de Romainville, avait fonctionné « normalement », même si certains transferts de détenus de province avaient été empêchés, amenant des départs directement depuis de grandes villes françaises. Jusqu’au convoi du 28 juillet qui quitte Compiègne pour Neuengamme et celui de femmes dirigé depuis Romainville vers Sarrebruck le 4 août, les évacuations dans l’urgence, résultant de l’avance alliée, ne semblent ainsi pas avoir véritablement débuté. Les procédures fixées sans doute avant même le débarquement pour former régulièrement des convois de déportation sont respectées, et cela quasiment une semaine encore avant la libération de . Ce n’est qu’avec le convoi prévu pour le 8 août qu’un changement est perceptible : composé de détenues de Romainville, il ne peut quitter la gare de l’Est à la suite de la grève des cheminots. L’évacuation étant devenue une urgence, il part finalement trois jours plus tard de la gare de Pantin où ont été également amenées des prisonnières de la prison de Fresnes, qui n’ont donc pas eu le temps de transiter par Romainville. Ce choix de Pantin est repris le 15 août (Th. Fontaine, 2007). ***
17 août 1944 : un dernier convoi part de Drancy avec 51 personnes, en partie des otages ainsi emmenés par Brunner qui procède à l’évacuation du camp (sur ce transport, J-F. Chaigneau, 1981, Le dernier wagon, , Julliard). ***
18 août 1944 : le camp de Drancy est libéré. 1386 internés s’y trouvaient encore (S. Klarsfeld, 2001:1897). Le jour même, un dernier convoi réussit à partir de Compiègne et à rejoindre le Reich. 1 250 hommes sont ainsi immatriculés à Buchenwald (FMD, Livre-Mémorial, 2004). Quelques jours plus tard, un autre transport est formé, mais il n’atteint pas l’Allemagne : les détenus sont abandonnés en route, à Péronne. Le camp de Compiègne est libéré début septembre, le fort de Romainville l’avait été le 21 août. **
LA FIN DE L’OCCUPATION
Le repli des troupes et des services allemands ne met pas fin aux déportations ou aux massacres, bien au contraire. La violence nazie se poursuit jusqu’au bout – des déportations se produisent encore depuis Colmar, en zone annexée, au début du mois de février 1945. Si les convois de la « solution finale » ont pris fin avec la libération de Drancy, les Juifs sont la cible des représailles allemandes lors de l’évacuation du territoire. Plus largement, c’est toute la population civile qui continue d’être la cible de massacres, de fusillades aveugles et de déportations vers le Reich. Si les tribunaux militaires cessent leur activité, les départs vers les camps nazis se poursuivent donc : le dispositif formé par les camps de Compiègne et de Romainville est remplacé par des formations de convois là où les Allemands le peuvent, au fur et à mesure de leur repli. L’imminence de la libération de n’avait pas empêché le départ du dernier grand convoi de la capitale ; celle du territoire dans son entier n’évite pas, jusqu’en novembre 1944, la déportation de centaines d’hommes depuis les villes de l’Est du pays.
19-31 août 1944 : les détenus à évacuer ne pouvant désormais rejoindre Compiègne, les autorités allemandes procèdent à de nombreux transferts au camp de Natzweiler, qui constitue alors un des transits avant le Reich et les autres camps du système concentrationnaire. Belfort en est un autre : le 29 août, un convoi de 720 hommes quitte la ville pour Neuengamme, alors que près de 200 femmes partent encore pour Sarrebruck puis Ravensbrück le 4 septembre. Des transports sont également organisés, selon les possibilités, vers des prisons rapidement accessibles en Allemagne : une cinquantaine de détenus, pas tous jugés par des tribunaux militaires, sont ainsi évacués de la prison de Besançon le 31 août pour celle de Fribourg-en-Brisgau. Le même jour, 60 autres partent pour Dachau depuis la Franche-Comté. Au moins 140 autres détenus partent vers des prisons du Reich en août 1944.
Mais surtout donc, dès le 19 août, 370 hommes arrivent à Natzweiler depuis l’ouest du territoire et les prisons de Brest, La Rochelle et La Roche-sur-Yon. Le 23, ils sont une centaine à rejoindre ce camp de concentration depuis Poitiers, Dijon et Nancy. Le 26 août, 280 hommes arrivent de Belfort et 130 autres de Chalon-sur-Saône et de Dijon. Le 30, c’est un important convoi parti de Clermont-Ferrand, qui a pris des prisonniers à Epinal et à Nancy, qui entre à Natzweiler avec 380 déportés. Le lendemain, 80 hommes arrêtés dans les opérations de Baccarat, en Meurthe-et-Moselle, sont encore immatriculés. La plupart de ces déportés amenés de toute la France repartent vers Dachau au début du mois de septembre.
L’autre camp alsacien, celui de Schirmeck, devient également un centre de rassemblement avant des départs vers le Reich. Au moins 90 détenus y arrivent en août depuis la zone occupée. Il prend surtout le relais de Natzweiler en septembre (FMD, Livre-Mémorial, 2004 ; Th. Fontaine, 2004). **
20-31 août 1944 : De nombreux massacres témoignent du déchaînement de la violence durant ces dernières semaines de l’Occupation. Leur déportation ne pouvant plus être organisée, les Juifs sont des cibles privilégiées de ces exactions : 110 et 109 victimes juives sont assassinées dans le Rhône par les Allemands, à Saint-Genis-Laval le 20 août et à Bron, le lendemain. Plus largement, des populations civiles sont massacrées dorénavant surtout dans l’Est du pays, où se concentrent les troupes allemandes en repli : le 28 août, 28 personnes sont tuées à Terre Noire à la frontière italienne ; le lendemain, « des soldats de la 3e division blindée de grenadiers qui venaient d’arriver d’Italie tuèrent 86 hommes à Couvonges, à Robert-Espagne et dans deux autres villages du département de la Meuse » ; alors que les 30 et 31 août, 34 civils sont par exemple exécutés dans le Nord-est à Tavaux et Plomion (P. Lieb, art. cité, 2007:178-179). Le 25 août, en Indre-et-Loire cette fois, à Maillé, des soldats allemands avaient assassiné 124 hommes, femmes et enfants dans un des plus importants massacres de cette période. ***
25 août 1944 : est libéré (C. Levisse-Touzé, in Dictionnaire historique de la Résistance, 2006:637-638 ; P. Buton, 2004). Le jour même, des personnes raflées en représailles d’une attaque de soldats allemands sont déportées du Perreux, en Seine-et-Marne, au sein d’un convoi de troupes en repli (FMD, Livre-Mémorial, 2004, t. 3:253-254). ***
Septembre-Novembre 1944 : prenant le relais en quelque sorte des arrivées à Natzweiler, le camp de Schirmeck reçoit un grand nombre de détenus, pour la plupart des maquisards et des personnes tout juste raflées dans les combats des Vosges. Ils sont 1 100 en septembre à transiter par l’Alsace avant d’être transférés dans le Reich ; encore 800 en octobre et environ 140 en novembre – alors que Strasbourg est libérée le 23. De même, d’autres départs sont organisés directement depuis Belfort en direction de Buchenwald : 180 hommes le 5 septembre, 60 autres le 3 octobre. Le 17 novembre, cinq jours avant la libération de la ville, un dernier convoi est formé à Belfort vers un Kommando du camp de Schirmeck, de l’autre côté de la frontière, avec une centaine de détenus (FMD, Livre-Mémorial, 2004). **
RÉPRESSION ET PERSÉCUTION EN FRANCE OCCUPÉE : BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
Cette bibliographie est centrée sur l’histoire spécifique de la répression et de la persécution en France. Pour certaines dates de la chronologie, nous avons déjà pu indiquer des ouvrages particuliers à consulter.
Mais nous n’avons pas retenu ici les très nombreuses références spécifiques à l’histoire de la Résistance : le lecteur pourra se reporter à la récente bibliographie proposée dans le Dictionnaire historique de la Résistance , cité.
Nous n’avons pas non plus indiqué, à quelques exceptions incontournables par les synthèses qu’ils proposent, les livres sur le système concentrationnaire nazi et la Shoah à l’échelle européenne.
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