Témoignage de Jacques Lecompte-Boinet
Voici des extraits du compte rendu que fit de la réunion du 27 mai 1943,Jacques Lecompte-Boinet, alias Mathieu l’un des fondateurs du mouvement « Ceux de la Résistance » ( CDLR) qu’il représentait au sein duConseil National de la Résistance,
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A deux heures et demie, Bidault ayant terminé, d'accord avec nous, la rédaction du texte, nous prenons place autour de la table de la salle à manger éclairée au centre par une suspension de style 1900, les rideaux étant clos par mesure de sécurité.
---------Moulin qui préside commence par rappeler les buts de la France Combattante :
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1) Faire la guerre ; 2) Rendre la parole au peuple français ; 3) Rétablir les libertés républicaines ... ; 4) Travailler avec les alliés à l'établissement d'une collaboration internationale réelle.....
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[Puis] dans un silence où chacun n'entend que les battements de son coeur, [il lit ] le texte du message spécialement adressé au Conseil par le général de Gaulle. Un silence émouvant accueille ces paroles. Bidault donne ensuite lecture de sa motion. Rédigée suivant les instructions de Londres en accord avec Moulin, elle affirme qu'il faut ,au plustôt, à la France «un gouvernement unique et fort, qui coordonne et ordonne», et qui soit confié au général de Gaulle, le général Giraud assumant le commandement de l'armée française ressuscitée .
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Tout le monde n'est pas d'accord sur l'opportunité de remettre la gérance des intérêts de la nation à de Gaulle, [notamment les communistes, en la personne de Villon qui, selon Lecompte-Boinet présenterait les quelques observations suivantes] :
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« Cette formule, dit-il, ne tient pas compte de la réalité. La réalité, c'est que de Gaulle est incapable de prendre effectivement le pouvoir entre ses mains puisqu'il est à Londres et Giraud à Alger. Vouloir subordonner un des généraux à l'autre et Giraud à de Gaulle est une utopie d'autant plus grande que seul le subordonné aurait le pouvoir effectif sur les départements français actuellement libérés. Nous sommes des réalistes et nous ne pouvons pas ne pas dire que ce parti est quelque peu chimérique. »
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Cette hostilité à l'égard de De Gaulle provoque des protestations assez véhémentes, au point que Moulin doit opportunément rappeler nos collègues à une plus stricte observation des règles de sécurité, les engageant au moins à parler un peu plus bas ....
-------- Cette observation paraît avoir un effet salutaire et la formule Bidault reçoit finalement l'approbation unanime, tout le monde étant d'accord pour confier la gérance des intérêts de la nation au général de Gaulle, à charge pour celui-ci de donner le commandement militaire au général Giraud ....
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Nous avons tous le sentiment d'avoir accompli un acte d'une très grande portée .... Et, très ému, je dis à Coquoin (2), avec lequel je descends l'escalier :
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« Après avoir vécu une telle journée, on est regonflé pour longtemps. Oui, me répond-il, c'est l'unanimité nationale enfin réalisée.»
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(1) l’appartement appartenait à René Corbin, ancien collaborateur, comme Jean Moulin, de Pierre Cot, et qui était alors trésorier -payeur général du Loiret. ( 2) Roger Coquoin alias Lenormand, né en 1897, chef du laboratoire de Chimie de l’académie de médecine, entre en relation avec Honoré d’Estienne d’Orves en 1941, puis avec Maurice Ripoche en 1942, chef de Ceux de la Libération, auquel il succédait après l’arrestation de ce dernier, en mars 1943. Il fut abattu par les Allemands le 29 décembre 1943.
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Journal ( 1939-1966) de Jacques Lecompte-Boinet
( 1905-1974) Fonds Jacques Lecompte-Boinet
Jacques Lecompte-Boinet, ancien élève de l’Ecole des sciences politiques,
employé à la préfecture de la Seine de 1933 à 1943,
entra dès 1940 dans la résistance dans les groupes paramilitaires du capitaine
Guesdon correspondant du mouvement Combat en zone Nord.
Il prit la tête du réseau en février 1942, puis,
suite à la vague d’arrestations qui frappa celui-ci au cours de l’année 1942,
il fonda, début 1943. avec Maurice Ingrand, l’Organisation Nationale de la résistance ( O.N.R)
qui devenait Ceux de la Résistance
Passé à Londres en octobre 1943, puis à Alger, il devint ministre des travaux publics en août 1944.