Lucienne Nayet

 

NAYET

 

 

Lucienne Nayet n'a pas eu d'enfance. Née juive pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s'est cachée jusqu'à l'âge de 4 ans. Mardi, elle a témoigné au collège Max-Jacob avec Anne Friant, fille de résistant. 

Lucienne Nayet est troublée en ce mardi matin. Venue témoigner de son « enfance brisée » par la Seconde Guerre mondiale au collège Max-Jacob, on l'a prévenue, peu avant son arrivée, qu'un obscur site avait publié un article plein de haine antisémite à son égard. L'illustration, un photomontage d'un cliché paru, il y a quelques jours, dans le quotidien La Dépêche, à l'occasion de son intervention dans un collège de Lourdes, lui a cousu une étoile jaune sur la poitrine. Profondément affectée, celle qui est présidente du Réseau des musées de la Résistance nationale a trouvé une motivation supplémentaire pour témoigner devant les élèves de troisième : « Cela prouve qu'il faut continuer à être vigilant. Il faut se méfier de ceux qui accusent les étrangers de tous les maux. C'est comme cela que ça a commencé ».
Déclarée mort-née


« Ça », c'est la Seconde Guerre mondiale et l'extermination des juifs planifiée par les Nazis. Lucienne Nayet est née à Paris, en août 1941, de parents juifs étrangers qui ont fui la Pologne pour le XXe arrondissement de Paris en 1930. « Ma mère a accouché dans l'hôpital Rothschild, le seul qui autorisait encore les médecins juifs à travailler ». Grâce à un réseau de Résistance, elle passe les six premiers mois de sa vie dans la morgue de l'hôpital, aux côtés de dizaines d'autres enfants déclarés mort-nés pour les cacher aux Nazis. Sa mère a le droit à un séjour de convalescence et son père n'est déjà plus là. Elle ne le connaîtra jamais.

 « Il a été raflé trois mois avant ma naissance. De Pithiviers à Auschwitz, il est parti en fumée ».

Développer son jugement


Son début de vie se poursuit dans la clandestinité, à Pouzauges, où sa soeur de 8 ans est hébergée dans une famille de fermiers. « Ils ne pouvaient pas nous garder ma mère et moi. Alors un curé nous a cachées dans un appartement de 15 m², jusqu'à la fin de la guerre ». Le témoignage touche, une élève interroge : « Vous êtes restées pendant plus de trois ans sans sortir d'un petit logement où il ne fallait pas faire de bruit. Mais un bébé ça pleure, comment fait-on pour dissimuler ça ? ». L'ancienne apatride, aujourd'hui habitante de Locquénolé, près de Morlaix, n'a pas la réponse. Sa mère n'a jamais voulu en parler. « Pour éviter de nous faire souffrir sans doute. J'ai reconstitué mon histoire toute seule, en retournant à Pouzauges, quand elle est décédée, à la fin des années 80 ». C'est comme ça qu'Anne Friant l'a rencontrée. Grâce à un article de presse qui racontait les recherches de la « Petite Lulu », comme on l'appelait à Pouzauges. Anne Friant aussi est née pendant la guerre, en 1943, à Brest. Son père, un résistant de la première heure, a toujours échappé aux Nazis. Il est mort en 2012 et Anne Friant l'a toujours admiré. Elle est, depuis, devenue la présidente de l'Anacr 29. « Il est indispensable de se souvenir, d'apprendre, de développer son esprit critique », a-t-elle insisté, hier, devant le jeune auditoire. « Et ne plus se laisser embobiner ».

Le télégramme 21 02 2018