IL Y A 70 ANS, LA CRÉATION DE LA MILICE en janvier 1943 parachevait la transformation de VICHY en Etat policier au service de l’ordre nazi

 

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Photo à droite:René BOUSQUET en manteau col de fourrure
Après son retour au pouvoir en
avril 1942, doté du titre nouveau de « chef du gouvernement » Pierre Laval obtint des prérogatives sans cesse accrues de la part de Pétain. Lavalcumulait de plus en plus de portefeuilles. Dès l’été 1942, il fut à la fois ministre de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de l’Information. La gendarmerie était directement placée sous son autorité depuis juin 1942. Enfin Laval plaça ses obligés à tous les postes-clés, comme il le fit avec René Bousquetau secrétariat général à la Police, avec mission de coordonner l’action des différents services de police chargés de la répression des menées « antinationales et terroristes » et de négocier les modalités de la collaboration avec les diverses polices nazies.
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Pour ces fins, furent créées des sections spécialisées autour des Brigades Régionales de Sûreté. Celles-ci auraient effectué
entre mai 1942 et mai 1943 l’arrestation de plus de 12 000 patriotes, environ 7000 en zone sud, et 5000 qu’ils livraient à l’Abwehr ou au SD, comme elles le firent avec les FTP-MOI de l’Affiche rouge.

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Le 26 novembre 1942, un acte constitutionnel de Pétainautorisa Lavalà signer seul tous les décrets et les lois. En 1943, il obtint même des pouvoirs constituants.
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Sorti très affaibli des suites du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, qui avait entraîné non seulement la perte de « l’ armée d'armistice » mais celle de l’apparence de « souveraineté » de l’Etat français sur la moitié du territoire métropolitain et sur l’Empire, Laval décida la création de la Milice.

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Le samedi 30 janvier 1943, était promulguée la loi n
63 créant la Milice Française, publiée au Journal Officiel du 31 janvier.
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Voici comment était définie cette force politico-policière chargée de défendre le Gouvernement de Vichy, autrement dit de pourchasser tous les «indésirables» gaullistes, francs maçons, juifs, communistes, et les résistants, qualifiés de «terroristes» :

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«Article premier: La Milice Française, qui groupe les Français résolus à prendre une part active au redressement politique, social, économique, intellectuel et moral de la France est reconnue d'utilité publique. Ses statuts annexés à la présente loi, sont approuvés.
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Article 2: Le Chef du Gouvernement est le Chef de la Milice Fran- çaise. La Milice Française est administrée et dirigée par un Secrétaire général nommé par la Chef du Gouvernement. Le Secrétaire général représente la Milice à l'égard des tiers
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Annexés à ces articles les statuts de la Milice indiquaient que pour en être membre il fallait être «volontaire, moralement prêt et physiquement apte, non seulement à soutenir l'Etat nouveau, par l'action, mais aussi à concourir au maintien de l'ordre intérieur.....être Français de naissance, ne pas être juif, n'adhérer à aucune société secrète et être agrée par le Chef départemental»

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La plupart de ces miliciens provenaient des mouvements fascisants de l’extrême droite, certains avaient adhéré au Service d’Ordre Légionnaire.
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A compter de juin 1943, sous l’impulsion de Joseph Darnand, secrétaire général de la nouvelle institution, allait être constituée une force paramilitaire : la Franc-garde, que ce dernier définissait comme suit :
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«... Sélectionnés parmi les miliciens, les jeunes hommes âgés de 18 à 45 ans constitueront un corps d'élite appelé la Franc-garde......Pour créer l'esprit de corps, pour obtenir une discipline très stricte et pour montrer à tous que la Milice est une organisation n'ayant rien à cacher, pour forcer enfin ceux qui le portent à se manifester sans crainte, les francs-gardes porteront un uniforme....
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Cette Franc-garde constituée en unités hiérarchisées, instruites techniquement, préparées au combat, sera toujours prête à assurer le maintien de l'ordre. Le repérage des foyers de propagande adverse, la recherche et la poursuite des meneurs de forces hostiles, la répression des menées et des manifestations antigouvernementales seront les activités habituelles de la Franc-garde et cela dans un esprit devant faire abstraction de toute idée de représailles personnelles.

C'est le salut de la France que nous poursuivons à travers cette Révolution que nous portons en nous. Les menaces, qui pèsent sur le pays, se multiplient et s'aggravent. Il serait vain de dénombrer les causes de troubles et de désordres. Un danger domine tous les autres: le bolchevisme. Monsieur le Président, une force s'est levée, vous en prenez le commandement. Cette force n'a jamais manqué à ses chefs; elle ne vous manquera pas. Donnez-nous les moyens et vous ne serez pas déçu».

Ci dessous:Carte de La Milice Française
(
source du document: ICI)

 

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Au cours de l’année 1943, la Franc-Garde reçut un armement moderne. Joseph Darnand, secrétaire général de la Milice,fut nommé Secrétaire Général au Maintien de l’ordre avec l'appui de la SS et l'aval de Pétain. Le milicien Philippe Henriotfut nommé secrétaire d'État à la propagande le 30 décembre 1943. A partir du mois de janvier 1944 la Milice fut autorisée à agir en zone nord par les Allemands. Entre temps le décret du 10 janvier 1944 pris « par délégation du Chef du gouvernement, ministre de l'Intérieur », stipulait que M. Joseph Darnand, secrétaire général au Maintien de l'ordre, avait autorité sur l'ensemble des forces de police, corps et services, qui assuraient la sécurité publique et la sécurité intérieure de l'État, obtenant donc ainsi le contrôle de quelques 45 000 gendarmes , de 6 000 gendarmes mobiles, des 25 000 membres des GMR et de tous les corps de police.
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De plus, Darnand obtint le 20 janvier 1944, la mise en place de nouvelles cours martiales comprenant trois juges, presque toujours des miliciens, devant qui étaient traduits, sans avocat, des inculpés réputés pris en flagrant délit, les armes à la main. Si la qualification de crime était retenue contre les inculpés par ces juges aux ordres, la peine de mort était, sans recours possible, immédiatement exécutoire.
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Ainsi, sur tout le territoire, la Milice allait alors contrôler ou influencer trois domaines particulièrement importants pour un régime totalitaire :
-------------- la propagande, grâce aux interventions radiophoniques, quotidiennes, du secrétaire à l'Information le milicien Philippe Henriot;
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- l'administration pénitentiaire rattachée à l'Intérieur, des miliciens étant ainsi placés à la tête de onze directions régionales et d'un grand nombre de centrales;
-------------- la police, participant directement avec celle-ci à la répression contre ceux que les pétainistes appelaient «l’anti-France » : les Juifs, les francs- maçons, les communistes, et les « terroristes », car, ainsi, que le disait Darnand le 10 février 1944 « Je ne fais aucune différence entre les hors-la-loi ; nous ne ferons pas de différence entre les assassins et les égarés dès l'instant où ils sont décidés à résister. »
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Ainsi la Franc-Garde fut-elle lancée dans une véritable guerre civile, assassinant des personnalités connues comme l’ancien président de la Ligue des droits de l'homme Victor Basch, tué avec sa femme, Hélène, le 10 janvier 1944, Jean Zay, le 20 juin, Georges Mandel le 7 juillet, puis organisant la traque aux réfractaires au STO et aux maquisards partout en France, comme le firent en Bretagne, avant et après le débarquement, les 160 miliciens placés sous les ordres de Di Costanzo.
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Katherine LE PORT
les éléments d’information ont été relevés notamment
dans l’article de Denis Peschanski et Jean-Pierre Azéma
sur Vichy Etat Policier dans l’ouvrage collectif:
La France de Années Noires ( éditions le seuil 1993)
sous la direction de Jean-Pierre Azéma et François Bédarida