La déclaration de De Gaulle
IL A 70 ANS, LA DÉCLARATION DU GÉNÉRAL DE GAULLE
AUX MOUVEMENTS DE RÉSISTANCE ......
Le 28 avril 1942, Christian Pineau, ( ex-secrétaire national du syndicat des employés de banque), venu clandestinement à Londres, retourne en France avec un document essentiel pour le devenir de la Résistance, la déclaration aux Mouvements de résistance que lui avait remise le Général de Gaulle, le24avril. Véritable ébauche du «programme commun» politique,économique et social qu'appliquerait le gouvernement de la libération, cette déclaration amorce le processus d’unification des mouvements de résistance qui conduira le 27 mai 1943 à la constitution du Conseil National de la Résistance.
En voici les termes:
« L'enjeu de cette guerre est clair pour tous les Français: c'est l'indépendance ou l'esclavage. Chacun a le devoir sacré de faire tout pour contribuer à libérer la Patrie par l'écrasement de l'envahisseur. II n'y a d'issue et d'avenir que par la victoire.
Mais cette épreuve gigantesque a révélé à la nation que le danger qui menace son existence n'est pas venu seulement du dehors, et qu'une victoire, qui n'entraînerait pas un courageux et profond renouvellement intérieur, ne serait pas la victoire.
Un régime moral, social, politique, économique, a abdiqué dans la défaite après s'être lui- même paralysé dans la licence. Un autre, sorti d'une criminelle capitulation, s'exalte en pouvoir personnel. Le peuple français les condamne tous les deux. Tandis qu'il s'unit pour la victoire, il s'assemble pour une révolution.
Le terme de la guerre est pour nous à la fois la restauration de la complète intégrité du territoire, de l'Empire, du patrimoine français et celle de la souveraineté complète de la nation sur elle-même.En même temps que les Français seront libérés de l'oppression ennemie,toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l'ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l'Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays.
Le système de coalition des intérêts particuliers qui a, chez nous, joué contre l'intérêt national, [devra] être à tout jamais renversé......
L'économie devra être reconstruite «par une technique dirigée» permettant «un puissant renouveau des ressources de la nation et de l'Empire ».
Il faudra que soient réalisées, contre la tyrannie du perpétuel abus, les garanties pratiques qui assureront à chacun la liberté et la dignité dans son travail et dans son existence.
La sécurité nationale et la sécurité sociale sont, pour nous, des buts impératifs et conju- gués. Nous voulons que l'idéal séculaire français de liberté, d'égalité, de fraternité, soit désormais mis en pratique chez nous de telle sorte que chacun soit libre de sa pensée, de ses croyances, de ses actions, que chacun ait, au départ, dans son activité sociale, des chances égales à celles de tous les autres, que chacun soit respecté par tous et aidé s'il en a besoin.
Dans cette guerre, qui affecte au même titre le destin de tous les peuples et qui unit les démocraties dans un seul et même effort, la France et le monde luttent et souffrent pour la liberté, la justice, le droit des gens à disposer d'eux-mêmes, la justice et la liberté gagnent cette guerre, en fait comme en droit, au profit de chaque homme, comme au profit de chaque Etat.
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Une telle victoire, française et humaine, est la seule qui puisse compenser les épreuves sans exemple que traverse notre patrie, la seule qui puisse lui ouvrir de nouveau la route de la grandeur.
Une telle victoire vaut tous les efforts et tous les sacrifices. Nous vaincrons. »
Si, par cette déclaration, De Gaulle a répondu aux exigences des trois syndicalistes alors présents à Londres, Christian pineau , Adrien Tixier ( ex directeur du Bureau International du travail à Washington) et Henry Hauck ( représentant de la C.G.T) , ce n’était pas simple choix tactique lui permettant d’apparaître comme le “chef” des résistances intérieures et extérieures, mais conviction authentique, si du moins on se réfère à ses propos que rapporte Jean - Louis Crémieux- Brilhac dans son ouvrage “La France Libre : de l’appel du 18 juin à la Libération” :
“la France a été trahie par ses élites dirigeantes et ses privilégiés .....
Il y a deux sortes de droites en France : la petite noblesse de campagne et les milieux d'argent.
La petite noblesse de campagne — et j'en suis — qu'inspire la plus haute forme de patriotisme, est prête à tous les sacrifices pour l'honneur de la France ou le salut du pays. Elle englobe une large fraction du clergé.
La classe des nantis, à commencer par les très riches, n'est attachée qu'à ses intérêts et farouchement hostile à l'émancipation des classes laborieuses.
Les aristocrates parisiens, le monde des courses, les comtesses de Noailles, les Nina de Polignac, les princesses de Faucigny-Lucinge , ces femmes titrées qui sont les maîtresses d'Abetz et de Darlan ou donnent des réceptions pour leurs vainqueurs adulés , se retrouvent au même niveau que les riches industriels : tous pourris par l'argent.....
Pour la France, où le désastre,la trahison,l'attentisme ont disqualifié la plupart des dirigeants et des privilégiés , et où les masses profondes du peuple sont, au contraire, restées les plus vaillantes et les plus fidèles, il ne serait pas acceptable que la terrible épreuve laissât debout un régime social et moral qui a joué contre la nation.”
Marquant le premier accord politique entre la France Libre et la résistance intérieure, la Déclaration du Général de Gaulle, sera publiée dans tous les grands journaux clandestins, tout d'abord dans le n° 13 de Libération, daté du 3 juin 1942, puis lu par Maurice Schumman à la BBC à Londres le 24 juin 1942, les communistes eux-mêmes, se félicitant de son « esprit républicain ».
Au moment où le peuple français va être appelé à élire un Chef de l’Etat et des parlementaires, et choisir ceux qui engageront l’avenir de notre pays pour les années à venir, il ne nous a pas paru inutile de rappeler cette date anniversaire.
En effet, malgré la remise en cause depuis plusieurs décennies des institutions politiques, économiques et sociales issues de la Libération, les valeurs d’humanisme, de justice sociale, qui animaient les combattants de la Résistance et ont été l’essence des mesures préconisées par le Programme du Conseil National de la Résistance, constituent encore aujourd’hui le socle de notre protection sociale et de notre pacte républicain.
Editorial du N° 156 De la Revue de la Résistance Bretonne,
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“ Ami Entends-tu ”