Allocution du 6 Août 2014/ 70è anniversaire de la Libération de Languidic
Par Patricia Kerjouan, Maire de Languidic

Messieurs les présidents et représentants des associations patriotiques,
Messieurs les porte-drapeaux,
Messieurs les représentants des corps constitués de la gendarmerie et des sapeurs pompiers,
Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux,
Mes chers concitoyens,

Au cimetière

A l'occasion de l'anniversaire des 70 ans de la Libération, le Ministère de la Défense, l'un des nombreux soutiens du Printemps des poètes, a demandé à ses organisateurs de republier le recueil l'Honneur des Poètes, anthologie de combat, parue sous l'occupation nazie le 14 juillet 1943 aux Editions de Minuit, alors clandestines.
Cela s'est fait conjointement avec les éditions Le temps des Cerises. Cette édition a été présentée à la Comédie française au printemps de cette année.

L'Occupation privait les poètes du droit à la parole, et cette action relevait de l'acte de résistance. Il faut lire cet Honneur des poètes pour comprendre ce qui menaçait les êtres et la parole, pour entendre le soulèvement de tout le corps menacé, supplicié organisé pour résister.

Ce recueil présente les grandes figures de la poésie française qui sont autant de représentants de la diversité de la Résistance tels Eluard, Aragon, Desnos, Guilleuvic, Vercors, Vaille...Les textes sont tous signés par un pseudonyme.

Je vais vous lire un poème de Robert Desnos dont le pseudonyme pour ce poème est Pierre Andier.
Robert Desnos n'a eu de cesse d'appeler à la mobilisation générale dans ses écrits. Déporté au camp de Flöha en Saxe puis au camp de Terezin en Tchécoslovaquie en 1945 où il meurt le 8 juin 1945.

Ce cœur qui haïssait la guerre

Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat
Pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu'au rythme des marées, à
Celui des saisons, à celui des heures du jour et
De la nuit.
Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines
Un sang brûlant de salpêtre et de haine
Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les
Oreilles en sifflent
Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se
Répande pas dans la ville et la campagne
Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et
Au combat.
Ecoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par
Les échos.
Mais non, c'est le bruit d'autres cœurs, de millions
D'autres cœurs battant comme le mien à travers
La France
Ils battent au même rythme pour la même besogne
Tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un
Même mot d'ordre.
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait
Au rythme des saisons
Mais un seul mot, Liberté, a suffi à réveiller les
Vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l'ombre
A la besogne que l'aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour
La liberté au rythme même des saisons et des
Marées, du jour et de la nuit.
Pierre Andier
(Pseudonyme de Robert Desnos)


A la Mairie

Remettre le recueil l'Honneur des poètes entre nos mains, dont je vous ai lu le poème de Robert Desnos, c'est bien sûr réveiller un pan de notre Histoire douloureuse et montrer aux jeunes générations, à qui parfois on reproche de ne pas s'indigner, comment peuvent être utilisés l'acte et la parole lorsque le péril menace.

Devoir de mémoire dit-on, oui nous devons nous souvenir, pour tous ceux qui ont contribué à notre liberté aujourd'hui.
Cette année 2014, nous commémorons.
-Le centenaire du début de la guerre 14/18
-Le 70è anniversaire du débarquement de Normandie
-Le 70è anniversaire de la libération de Languidic
-Le 60è anniversaire de la fin des combats en Indochine

Aujourd'hui, nous sommes là pour le 70è anniversaire de la libération de Languidic. Souvenons-nous de ceux qui ont laissé leur vie pour la liberté, pour notre liberté !
Vous avez pu lire dans le bulletin municipal de juillet le récit du curé Jean Marie Thomas. Je remercie la paroisse pour la publication de ce témoignage.

En cette circonstance qu'est cet anniversaire pour notre commune, je souhaite partager avec vous ma réflexion relative
1- A la Libération/La liberté
2- Au retour des hommes de la guerre
3- A la paix

1- Dans le livre « la seconde guerre mondiale au jour le jour » des éditions « Presses de la cité, je lis au 6 Août 1944 :
France : Dans le secteur de la IIIè armée américaine du général Patton, le 8è corps poursuit l'offensive au cœur de la Bretagne, sur la côte nord, les 8è et 83è divisions ont donné l'assaut conter Dinard, à l'ouest de St Malo, la 4è division blindée avance vers Lorient. A l'est, le 15é corps marche rapidement sur le Mans, tandis que la 79è enlève Laval... »

Ce fut un jour heureux mais la Libération ne s'est pas faite en un jour et nous devons nous en souvenir.

Si les nombreuses photos de la Libération laissent croire que ce temps là fut celui de la liesse, nous devons nous souvenir que la Libération, ce fut aussi et d'abord la guerre, la guerre des huit mois qui ont suivi le 6 juin 1944, jour du débarquement et conduit les armées alliées jusqu'au Rhin.
Souvenons nous que le 10 juin il y eut Oradour-sur-Glane, le 14 juillet Cherbourg dansait au son des canons de la bataille de Normandie, Dunkerque sera occupé jusqu'au 9 mai 1945, la poche de Saint Nazaire ne fut libérée que le 11 mai 1945 soit 3 jours après la capitulation allemande à Berlin.

La Libération a commencé à Londres dès 1940 et en France avec les résistants.
« Je sais mal ce qu'est la liberté, disait Malraux, mais je sais bien ce qu'est la Libération ».
Alors, souvenons nous aussi que dès 1943, à Alger, le Général De Gaulle et ses hommes élaboraient le programme de la Reconstruction. La France a pu faire ainsi le pas de la libération à la liberté.

2- Souvenons nous aussi d'une réalité concrète ; le gouvernement provisoire français doit, bien avant la capitulation allemande du 8 mai 1945, organiser le retour de plus de 2 millions de français déportés ou prisonniers en Allemagne. Conscient que la reprise d'une vie sociale ne se fera pas facilement, le gouvernement lance dès 1944 des campagnes de sensibilisation pour accueillir les soldats de retour au pays.

En septembre 1944 est créé le ministère des prisonniers, déportés, réfugiés, PDR, qui regroupe de nombreux organismes déjà existants sous le Régime de Vichy.
Ce Ministère dissous en janvier 1946 est remplacé par le ministère des Anciens Combattants et victimes de guerre, qui aurait pu être nommé, comme le rappelle l'historien François Cochet dans son livre « les exclus de la victoire » le ministère du retour et de la réinsertion.
Bien sûr tous ces hommes ont eu une disparité de destins, mais j'ai pu lire que « là où les vainqueurs de 14/18 n'avaient pu imposer l'esprit de fraternité, « l'esprit des tranchées », à la société ravagée par la crise de l'entre- deux -guerres, nombreux sont ces vaincus de 39/40 qui vont insuffler dans leurs entreprises des valeurs acquises dans les stalags, la solidarité, l'unité, l'atténuation des réflexes de classe...

3- L'éditorial de François Régis Hutin des 2/3 Août dernier avait pour titre :
« 2014. Consolider la paix »
Nous ne pouvons oublier que des conflits sévissent dans de nombreux pays dans le monde. Ces conflits ont parfois changé de forme ; attentats, bombardements de populations civiles...et, les réfugiés se comptent par milliers...
Nous ne connaissons pas les conséquences de ces tensions nouvelles. Voilà pourquoi, je cite « il est important que nous sauvegardions les institutions que nous avons fondées. C'est la mission des politiques qui nous gouvernent et qu'ils soient à la hauteur de la tâche comme le furent les Churchill, les De Gaulle, Les Adenauer, les Schuman... »

Tout comme le 8 mai dernier en ces lieux, à la veille de la fête de l'Europe, j'invite les Languidiciens que nous sommes à penser à cette heureuse perspective qu'est le maintien d'une Europe unie, qu'est la construction d'un avenir fraternel.


Pour la Paix
Pour la Liberté
Vive l'Europe
Vive la République
Vive la France