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Brûlés vifs par représailles
Tous les autres villageois du Quinquis, bien qu'enfermés dans deux pièces , et interrogés pendant de longues heures, affirment ne pas connaître Pétro et Guihur. Malgré tout, en représailles, les Allemands font évacuer les bêtes d'une étable et y mettent le feu.
C'est alors qu'arrive Yvon LE BRIS. Son nom figure sur la liste que consulte le sous-officier allemand. Frappé violemment, il finit par avouer qu'il y a une cache d'armes près du moulin, non loin de la ferme de ses parents. Après les avoir conduits sur les lieux, il est abattu d'une rafale de mitraillette. Les allemands mettent le feu à la ferme et jettent Yvon Le Bris dans les flammes
« Depuis quelques temps mes parents hébergeaient dans leur ferme des parachutistes. Le 14 juillet, une vingtaine d'entre eux se trouvaient aux environs de la ferme. Nous leur portions ce qu'il leur fallait comme nourriture. Vers 9 heures du matin, deux patriotes, le capitaine ANDRÉ et le Dr MAHÉO, arrivèrent à la maison, et nous mirent en garde contre les Allemands dont ils avaient rencontré une patrouille sur la route, à un kilomètre de notre maison. Il nous fut possible de prévenir les parachutistes qui réussirent à s'enfuir.
Vers midi, lorsque je revenais des champs je vis un détachement de soldats allemands ayant quatre civils en tête se dirigeant vers notre ferme. Ils me firent signe d'arrêter et me demandèrent où était le patron. Je les conduisis à la maison. Mes parents étaient présents. Les Allemands leur demandèrent leurs pièces d'identité et s'installèrent à table pour manger. Ce n'est qu'après avoir fait un bon repas qu'ils arrêtèrent mon père. Ils lui passèrent les menottes. Ensuite, ils procédèrent à la perquisition de la maison. N'ayant rien trouvé de compromettant ils interrogèrent mon père, ma mère et moi. Ils demandaient s'il y avait des parachutistes dans les bois environnants. Comme nous leur répondions négativement, ils se mirent à gifler ma mère et moi, et à frapper mon père à coups de poings. Enfin ils déclarèrent qu'ils iraient à la recherche des parachutistes dans les bois aux alentours de notre ferme.
Avant de partir, ils nous menaçaient de nous fusiller, s'ils trouvaient des patriotes ou des parachutistes dans les environs. Atterrés, nous restâmes tous les trois, dans la maison, gardée par quatre sentinelles allemandes. Pendant deux heures environ nous entendîmes des coups de feu dans les bois. Nous avons vu passer devant nous un parachutiste couché sur un brancard. Trois autres parachutistes suivaient, marchant à pied. Les Allemands commencèrent le pillage en règle de la maison, en particulier, les vivres, le linge, les vêtements, furent chargés par eux dans leur voiture.
Un Allemand vint emmener ma mère et moi à quelque- distance de la maison ; là ils déclaraient à ma mère qu'elle pouvait se considérer comme veuve parce que leurs soupçons à notre égard s'étaient trouvés justifiés.Mon père et trois parachutistes furent conduits par les Allemands auprès de la maison. De l'endroit où nous nous trouvions nous ne pouvions pas les voir. Cependant nous entendions des cris affreux poussés par mon père et par les parachutistes.
Quelque temps après nous vîmes une colonne de fumée s'élever et une lueur rouge qui montait au ciel: notre ferme était en flammes. Notre désespoir fut immense. Nous apprîmes par la suite que quatre parachutistes, ainsi que mon père avaient été jetés vivants dans la ferme incendiée. Le corps de mon père avait été retrouvé les membres broyés et carbonisés."
Le vendredi 28 juillet 1944 à PLUVIGNER:
Vers 4 heures du matin, une centaine d'Allemands cernèrent la ferme de M. Jean-Louis LE TALLEC, située au village de Veniel, dans la commune de Pluvigner..Ils réussirent à surprendre des patriotes qui venaient d'arriver à la ferme pour essayer d'y mettre leurs armes à l'abri de l'humidité. Alors qu’il tentait de se sauver Joseph ALLANIC, âgé de 46 ans, fut tué par une rafale de mitraillette. Les autres combattants à savoir Raymond HANTZ, lieutenant parachutiste, âgé de 30 ans , Jean GEORGES , 22 ans, Julien GUHUR , 21 ans, Vincent FAYO , 35 ans, Joachim LE HENAUFF 34 ans , Joseph-Marie FAYO, 44 ans, ainsi que deux des fils du fermier, Jean-Louis , 20 ans, résistant, Adrien 17 ans, qui n'était pas affilié à la Résistance, mais travaillait à la ferme de son père, furent faits prisonniers par les Allemands.
Selon les témoignages recueillis par le Docteur Devau, les prisonniers , ligotés par les poignets et parles chevilles, furent attachés un à un,à tour de rôle,au timon d'une charrette se trouvant dans la cour de la ferme. A l'aide d'un palonnier, trouvé sur les lieux, les Allemands frappèrent leurs prisonniers jusqu’à leur briser les bras, les jambes, la colonne vertébrale. “Sous la violence des coups les infortunés patriotes poussèrent des cris atroces. L'un des Allemands les baillonna pour les empêcher d'exhaler leurs plaintes avec un vêtement de laine qu'il avait trouvé dans la maison des fermiers ; un autre, sans doute un milicien, s'empara de l'accordéon appartenant au plus jeune des fils Le Tallec et tout en jouant de cet instrument, il cria gouailleur en breton : « Ne criez pas si fort, les terroristes »
Quand les huit hommes, les os brisés, ne furent plus capables de faire un mouvement, les Allemands les jetèrent un à un à l'aide d'une fourche comme s'il s'agissait de fagots de bois, dans une écurie. Les Allemands arrosèrent la ferme avec le contenu de plusieurs bidons d'essence ..... et après avoir mis les huit patriotes dans la pièce principale de la ferme, ils y mirent le feu à l'aide de bombes incendiaires. ....“Satisfaits de leur horrible exploit les Allemands quittèrent enfin les lieux, en jouant de l'accordéon et en emmenant le bétail et les cochons du fermier”.
Le 4 août 1944, dans la “prison” de Pontivy,
Le squelette du prisonnier américain, carbonisé, a été retrouvé enchaîné dans sa cellule après l'incendie, ainsi que sa montre-bracelet et sa plaque d'identité. Selon le Docteur Devau, il lui a été impossible d’obtenir des Affaires Civiles Américaines de Pontivy une quelconque information sur l’identité de ce soldat “ mort en héros pour son pays, victime émouvante de la cruauté allemande qui ne respecte même pas les lois les plus élémentaires de la guerre”.
Après la libération de Vannes, le 6 août 1944 au village de Kerchopine
Le 6 août 1944, vers 11 heures du matin, alors que Vannes était déjà libéré, un détachement allemand, arrivait à la ferme de Ker Chopine, située à 4 km. de Vannes.
A la ferme se trouvait un jeune homme, âgé de 17 ans, le fils des fermiers . Il était seul. Les Allemandsfurieux de ne pas pouvoir continuer leur route parce que celle-ci se trouvait barrée par des troncs d'arbres, entrèrent dans la ferme. Ils s'emparèrent du jeune Fily et après l'avoir entraîné dans un petit réduit servant de cave, ils le frappèrent à coup de crosse de fusil. Hors d'eux, il finirent par lui couper un poignet. Le jeune Fily ayant perdu connaissance, ses bourreaux le traînèrent dans la cour de la ferme et le déposèrent près d'une meule de paille. Les Allemands, continuant leurs horribles exploits, mirent alors le feu à la ferme.
Les pompiers venus de Vannes pour éteindre l'incendie, furent empêchés par les Allemands de s'approcher de la ferme. Le feu s'étendant toujours, la meule de foin auprès de laquelle était allongé le jeune Filly s'enflamma. Le malheureux jeune homme trouva ainsi la mort dans les flammes.
Au moment des combats de la libération d’Hennebont, le 11 août 1944 au village du Parco
Le vendredi 11 aoûtvers 16 heures, plusieurs centaines d'Allemands envahissaient les terres du village du Parco et tentaient d'encercler une cinquantaine de patriotes qui s'y trouvaient. Ceux-ci ayant pu se dégager, en représailles les soldats allemands s’emparaient de villageois, les regroupaient vers la ferme de la Villeneuve, les abattaient et ils les jetaient dans le feu. Ils s'appelaient :
Jean-Marie BRIENT, 57 ans, Yves BROLON, 22 ans, Joseph DRIANO, 32 ans, Joseph KERBELLEC, 43 ans, André LE FLOCH, 15 ans, Alain LE GUYADER, 16 ans, Aimé LE RÉOUR, 19 ans, Pierre PERRON, 21 ans, Pierre QUEVEN, 62 ans et Marie-Louise RIO, 83 ans.
Ces mises à mort par le feu rappellent inévitablement le massacre de 642 personnes à Oradour sur Glane le 10 juin 1944 par les SS d’ une des compagnies de la Panzer Division du Reich, commandée par le major Adolf DIEKMANN, division qui depuis la région de Bordeaux faisait mouvement vers la Normandie aussitôt connu le débarquement allié.
Le 10 juin 1944, dès leur arrivée dans le bourg d'Oradour-sur-Glane, les soldats allemands contraignent l’ensemble des habitants à se se rassembler, sans aucune exception et sans délai, sur le Champ de Foire, munis de leurs papiers, sous prétexte d’ une vérification d’identité. Les Allemands divisent la population en deux groupes : d'un côté les femmes et les enfants, de l'autre les hommes. Les hommes sont répartis entre six lieux de supplices : ils y sont mitraillés puis leurs corps sont recouverts de fagots et de bottes de paille auxquels les SS mettent le feu. Selon quelques rescapés, les SS tirent bas et dans les jambes de leurs victimes : le feu est donc allumé sur des hommes encore vivants. Seuls quelques uns, légèrement blessés, ont pu s'échapper.
Le groupe enfermé dans l’église comprend toutes les femmes et tous les enfants du village. Les assassins semblent avoir initialement prévu l’emploi d’un gaz asphyxiant contre leurs victimes, mais le procédé n’aurait pas fonctionné. Ils tirent alors à l’intérieur de l’église puis après avoir jeté de la paille et des fagots sur les corps qui gisent sur les dalles, ils y mettent le feu . Une seule femme survit au carnage: Marguerite Rouffanche, née Thurmeaux, qui a pu s’échapper par une des fenêtres du choeur. Elle a perdu dans la tuerie, son mari, son fils, ses deux filles et son petit-fils âgé de sept mois.
Avant de quitter le bourg, les SS fouillent à nouveau les maisons du bourg et y tuent tous les habitants qui avaient pu échapper à leurs premières recherches, en particulier ceux que leur état physique avait empêchés de se rendre sur le lieu du rassemblement.
C'est ainsi que les équipes de secours trouveront dans diverses habitations les corps brûlés de quelques vieillards impotents, les restes calcinés de cinq personnes : le père, la mère et leurs trois enfants dans le four d’un boulanger et de nombreux corps décomposés dans le puits d’une ferme.
Devant l’avance des troupes alliées,les allemands décident l’évacuation du camp de Dora. Commence alors pour les survivants une horrible marche de la mort. Le mercredi 10 avril 1945 , un convoi de détenus, venant de Niedersachswerfen par Ellrich et faisant route vers Bergen Belsen est stoppé, à hauteur de la bourgade de Gardelegen située à 60km de Magdebourg, par une attaque de l’aviation alliée.Un second convoi se trouve bloqué à son tour. Le12 avril, le SS Gerhard THIELE décide de faire disparaître le millier de détenus des deux convois avant l'arrivée de l’armée américaine.
Une châtelaine du pays, Mme Bloch von Blochwitz, âgée 80 ans, met à la disposition des assassins une de ses granges. Le 13 avril , les déportés sont rassemblés puis enfermés dans la grange remplie de paille imbibée d'essence à laquelle trois SS mettent le feu. Les prisonniers qui cherchent à sortir sont abattus. Le 15 avril la 102è division d'infanterie de l'armée américaine découvre l'horreur de la tragédie.
Le major Keating envisage de faire bombarder la ville à titre de représailles. Les autorités religieuses protestantes par l’entremise des pasteurs Franz et Hedewald et du doyen Wendt, parviennent à l'en dissuader... Notons que ces hommes n’étaient pas intervenus auprès du SS Thiele. La population de Gardelegen doit défiler devant les cadavres, fournir les linceuls et assister à l'inhumation où les honneurs militaires sont rendus aux victimes. Les tombes seront creusées par la jeunesse hitlérienne locale. Le mercredi 25 avril, 1016 habitants portant chacun une croix, font, en procession, le chemin de la ville à la grange d' Isenschnible. Keating fait apposer sur la porte du cimetière, cette inscription
Cimetière de Gardelegen
« Ici reposent 1016 prisonniers de guerre alliés qui ont été tués par leurs gardiens. Ils ont été enterrés par les habitants de Gardelegen, qui ont la responsabilité des tombes afin qu'elles restent toujours aussi vertes que le souvenir de ces malheureux restera dans le cœur des hommes épris de liberté partout dans le monde... »
Quant au chef des assassins Thiele, il avait disparu vers 15 h, le 14 avril 1945, peu avant l'arrivée des Américains et son épouse prétendait ne pas savoir ce qu’il était devenu. En fait, après la chute du mur de Berlin, la trace du SS Thiele a été retrouvée. Utilisé par les services de la STASI (1), il revoyait sa femme et subvenait à ses besoins par l'intermédiaire d'une « messagère » jusqu'à sa mort, survenue le 30 juin 1994.
( 1) La Stasi créée le 8 février 1950, était le service de police politique, de renseignements, d’espionnage et de contre-espionnage dans le Ministère de la Sécurité d’Etat de la République Démocratique Allemenande,
Comment ne pas porter à la connaissance de nos lecteurs le témoignage d’un des survivants, de cet enfer, Georges Crétin - Matricule 51937, témoignage publié par l’ Association Française “Buchenwald Dora et Kommandos” ?
Après un long et pénible transport depuis Ellrich, le train ayant été mitraillé par l'aviation alliée, la locomotive rendue inutilisable, nous quittons la station de Mietze et devons continuer à pied. Tout le long de la route gisent des cadavres, qui ont subi les méfaits d'une colonne nous ayant devancés. Nous marchons toute la nuit, traversant plusieurs villages, et nous arrivons au petit matin à la ville de Gardelegen. Nous sommes rassemblés dans une école de cavalerie, dont le manège nous sert de cantonnement, et nous permet de nous étendre et nous reposer toute la journée et la nuit. Entre-temps, nous avons eu une distribution de soupe.
Le lendemain, vendredi 13 avril, les S.S. sont intervenus, faisant sortir des détenus allemands, et les équipent de tenues militaires allemandes. Le temps passe. Un appel nous astreint à un rassemblement, et nous apprenons que nous devons changer de bloc. Un premier commando est formé, à destination inconnue ! Où ? Quelques instants après, ce sera notre tour. Encadrés par les S.S. et leurs nouvelles recrues, nous nous acheminons par un petit chemin hors de la ville. Devant un canon en batterie, un chef, jumelles en mains, surveille les abords d'une route située en dessus de la ville ; au loin, une grange en plein champ. Mon camarade Jean Paris, à mes côtés, me fait remarquer une sentinelle qu'il reconnaît pour être un des anciens détenus d'Ellrich (un écusson vert).
Quand nous arrivons devant une des portes de la grange, un avion de chasse allemand passe au-dessus de nous, faisant du rase mottes. Derrière nous, une sentinelle tire un coup de feu pour nous obliger à rentrer plus rapidement. À l'intérieur, se trouve une couche de paille assez épaisse. Chacun cherche un coin pour se reposer de son mieux. C'est à ce moment que le feu apparaît sous la porte fermée.
C'est ainsi que nous nous retrouvons bloqués à l'intérieur. Immédiatement, chacun essaie d'éteindre le feu en tapant dessus, avec sa propre couverture. Quelques minutes après, un chef S.S. apparaît : il porte une torche enflammée dans une main et un revolver dans l'autre. Nous réalisons de suite les risques courus. Un camarade, couteau à la main, se jette sur le S.S. Celui-ci, méfiant, se retourne et, froidement, l'abat d'une balle. Un tas de paille plus important prend feu à son tour. Pour nous défendre, nous faisons l'impossible pour refouler la paille plus au centre. Le toit, assez élevé, n'est pas touché.
Certains arrivent à ouvrir les portes pour essayer de sortir. Mais, à ce moment, les sentinelles n'hésitent pas à tirer sur tous ceux qui sortent, avec des mitraillettes. C'est un véritable massacre. La plupart succombent. Les victimes tombent sur la paille qui s'est embrasée.
Me trouvant, miraculeusement, derrière une pile de morts tombés vers une porte, je suis, de ce fait, protégé du feu et des balles. Un jeune réussit à sortir et, bras en croix, il implore la pitié, mais il est abattu aussitôt. Mon camarade Jean DESVIGNES est abattu alors qu'il criait : « Vive la France ». Quelques minutes après, c'est le tour de mon ami Jean PARIS, abattu par une rafale.
Je ressens une violente douleur à la cuisse gauche. Plus tard, j'ai su que c'était une décharge, provenant d'un fusil de chasse. À mes côtés, un camarade de camp est touché à la tête, d'autres s'abattent en tous sens et me recouvrent en tombant. Un moment,
je sens mes pieds qui commencent à avoir chaud, le feu se rapproche. J'essaie de me dégager, avec bien des difficultés. Face à moi, à une dizaine de mètres, une sentinelle me prend pour cible. Les balles sifflent à mes oreilles. Enfin, je réussis à m'accroupir, derrière les morts ; une balle m'érafle le dos. Dehors, la nuit tombe. Me déplaçant vers le centre de la grange, je m'étends entre deux cadavres ; à cet endroit, la paille se trouve en partie dégagée. La fusillade a ralenti, cependant que de violentes explosions de grenades sèment la mort un peu partout. Epuisé, je finis par m'endormir. De bonne heure, le matin, un bruit de pelles et de pioches me réveille. Dehors, on creuse une fosse pour ensevelir les cadavres. Ceux-ci sont tirés, au dehors, à l'aide de crochets ; c'est vraiment macabre! Des coups de feu crépitent encore de temps à autre, achevant les blessés. J'arrive péniblement à me traîner jusqu'à l'autre côté de la grange.
J'aperçois un camarade qui se lève, sort par une des portes non surveillées. Les sentinelles nous croient tous morts. Suivant des yeux mon camarade, je voudrais pouvoir le suivre, mais je suis dans l'impossibilité de marcher, et je ne bouge plus. Bientôt, ce camarade revient sur ses pas, une sentinelle l'a interpellé, et un coup de feu me fait comprendre que tout est fini pour lui. La fumée est toujours dans la grange. Dehors, il fait beau. Les fossoyeurs font toujours leur triste besogne. Des civils, avec pelles et pioches, s'en vont, alors que l'on entend quelques coups de canon, assez lointains. Pour la deuxième fois, la nuit tombe, me laissant au milieu de nombreux cadavres. S.S. et fossoyeurs sont partis.
Au matin, la fumée a disparu. Bien des morts (environ 300) ont été ensevelis. Pas très loin de moi, cela remue fébrilement. Quelqu'un rentre dans la grange et ressort aussitôt, et rentre à nouveau. On parle, je ne comprends pas. Dans un coin, un déporté pleure, se lève. Je réalise ce que le visiteur a voulu dire : « Les Américains sont arrivés la veille ». Je comprends la fuite de nos sentinelles.
L'homme s'approchant, je me lève à mon tour ; il en est tout surpris. Il m'aide à sortir, et me fait coucher sur une couverture. Un autre survivant sort à son tour. Il vient vers moi... Il parle français : j'apprends qu'il est Guy Chamaillard. Il n'est pas blessé, mais il a les yeux fatigués par la fumée. Plus tard, un chariot traîné par des hommes emmène les blessés, accompagnés par les quelques survivants qui peuvent marcher.
Nous sommes dirigés vers un poste américain où, après discussion, on fait venir une ambulance. Celle-ci nous conduit dans une infirmerie où docteurs et infirmières sont allemands. On me soigne pour mes blessures et une pneumonie.
Quelques jours plus tard, un Français vient à l'infirmerie, cherchant Chamaillard. Je lui dis qu'il a été évacué, il en est surpris ; il m'annonce que je ne resterai pas ici. En effet, une heure après, un docteur américain, accompagné d'infirmiers, après m'avoir examiné, me déclare transportable. Cette fois-ci, je suis dirigé vers l'hôpital de Gardelegen, sous contrôle américain. Au bout d'un mois et demi, après récupération de mon poids, je suis rapatrié par la Belgique, pour arriver chez moi, le 14 juin 1945. ”
Sur la logique de la guerre totale d’extermination :
Pourquoi ces massacres de jeunes gens pris dans des rafles et qui, pour la plupart, ne portaient pas d’armes ? Pourquoi cette terreur meurtrière, y compris contre des civils, et des êtres sans défense comme les enfants et les prisonniers ?
Pour tout être lucide,même cynique ,il apparaissait ,en effet ,que la guerre totale voulue par HITLER ne pourrait s'achever que par un désastre ,non seulement , pour les populations des pays occupés mais aussi pour le peuple allemand.Pourquoi la direction de la Wehrmacht n'a-t-elle pas,à l'instar du3ème commandement suprême de l'armée de terre dirigé à l'automne 1918 par Hindenburg et Ludendorff, incité, voire forcé le gouvernement à ouvrir des négociations de cessez-le-feu ?
Pourquoi les dix millions de soldats qui accomplissaient en 1944 au sein de la Wehrmacht un service militaire extraordinairement dangereux n'ont-ils pas exercé une pression suffisante pour qu'un terme soit mis à la guerre ? Pourquoi enfin la population civile allemande n'a-t-elle pas protesté contre la prolongation de la guerre par la grève, ou même par des révoltes, comme en 1918 ?
Ces questions nous obsèdent, et ne paraissent pas avoir, à ce jour, trouvé de réponses définitives.
Quelques certitudes, cependant : après la défaite de Stalingrad en février 1943, la militarisation de la société allemande fut poussée à l’extrême. A partir de 1944, si les dirigeants nazis cherchaient à faire accroire qu'une victoire militaire de l'Allemagne restait encore possible, grâce à l’utilisation d’armes nouvelles, dont Joseph Goebbels notamment annonçait la découverte imminente, ils renvoyaient cette victoire à un avenir lointain. Pour parvenir à cette victoire, tous les allemands devaient se battre « partout, sans fléchir, de manière implacable », « jusqu'à leur dernier souffle » et « jusqu'à la dernière cartouche ». Le chef de la chancellerie du NSDAP, le Reichsleiter Martin Bormann, bras droit de Hitler, lança le slogan : « Vaincre ou mourir"' » repris par le Maréchal Keitel Chef du Haut Commandement allemand , qui exhortait les soldats à “remplir leur devoir jusqu'à la disparition»
Dans le même temps, la conduite de la guerre proprement dite devint de plus en plus radicale et brutale. Les chefs politiques et militaires du régime national-socialiste utilisèrent tous les moyens disponibles et brisèrent toutes les résistances pour imposer la poursuite de la guerre contre une force ennemie supérieure. Ainsi peuvent s’interpréter les déclarations d’ Hitler qui, d’une part dès le 16 juin 1941, confiait à Goebbels : « Nous avons commis tant de méfaits que nous sommes forcés de vaincre : dans le cas contraire, tout notre peuple serait effacé, nous les premiers, avec tout ce qui nous est cher» et qui ,d’autre part, expliquait à son ministre de l'Armement, Albert Speer : « Si la guerre est perdue, le peuple allemand est perdu lui aussi. Il est inutile de se préoccuper des conditions qui sont nécessaires à la survie la plus élémentaire du peuple. Au contraire, il est préférable de détruire même ces choses-là. Car le peuple s'est révélé le plus faible et l'avenir appartient exclusivement au peuple de l'Est qui s'est montré le plus fort. Ceux qui resteront après ce combat, ce seront les médiocres, car les bons sont tombés. »
A partir de l’alternative “ la victoire ou la disparition”, toute prolongation de la guerre était, pour les nazis, une prolongation de leur propre existence. Beaucoup de leaders nationaux- socialistes et certains généraux de la Wehrmacht partageaient ce point de vue. Du reste, plusieurs d'entre eux se suicidèrent après la capitulation, choisissant ainsi la forme de leur disparition.
Selon l’historien allemand Wofram Wette “ Le fait que les généraux de la Wehrmacht, sur le fond, ne se soient pas comportés d'une autre manière que la direction nationale-socialiste tient à la relation étroite qui existait entre les représentants de ces principaux « piliers » du système national-socialiste. Ils étaient captifs d'idéologies guerrières inhumaines et avaient commis de telles fautes en les mettant en oeuvre que, même dans une situation militaire visiblement désespérée, ils n'étaient plus capables de revenir à une action politique rationnelle”.
Une autre certitude, une fois déclenchée, la mécanique de la haine raciale a entraîné aux pires ignominies les complices français du régime d’oppression nazi, ceux là qui se réclamaient de l’ordre de la Francisque, décoration déclarée « insigne du Maréchal de France Chef de l'État Français » et progressivement utilisée sur les documents officiels avec la devise “ Travail, famille, patrie” .
Ainsi, dans un tract diffusé courant 1944, intitulé ÊTRE OU NE PAS ÊTRE FRANÇAIS, on pouvait lire : “ Être français ... C’est se révolter contre l’emprise du grand capitalisme anglo-saxon qui tente de reconstituer à nos dépens les stocks de matières premières perdues en Asie et qu’il ne peut reconquérir... Ne pas être français .. C’est se laisser abuser par les promesses des généraux de Wall Street et de la City, fourriers de la ploutocratie juive. C’est compter sur des miracles dont les prophètes des radios anglo- saxonnes nous annoncent chaque jour la réalisation ...Il faut maintenir la souveraineté de la France et son rang de Grande Puissance... Capituler c’est abdiquer ”.
Ils choisissaient ainsi, pour leur propre survie, le camp des tortionnaires contre la jeunesse combattant pour sa liberté et le rétablissement de la République .
Katherine LE PORT
Post Scriptum
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1 juillet 1944 : Le Massacre de Kergoët
Courant juin 1944, la section de F.F.I de Langoëlan- Meillonnec dirigée par François LE GUYADER, composée d’une vingtaine d’hommes, a installé son camp non loin de la ferme des époux LE PADELLEC, sur la colline boisée du village de Kergoët. Toutefois, les patrouilles incessantes des “cosaques” dans la région, avaient incité François Le Guyader à rechercher un autre camp avec l’aide de son épouse, Joséphine, agent de liaison. Celle-ci venait d’informer les maquisards que ses recherches avaient abouti. Le départ de Kergoët était décidé, ce 1 juillet. Mais, la pluie qui s’abattait sur la région, ce jour là, avait conduit à en différer, pour quelques heures, la réalisation.
Or, précisément, ce 1 juillet, les allemands, qui avaient eu connaissance de la présence des maquisards commencent à encercler le village voisin de Cauraden. Sous la menace et les coups contraignent un jeune commis de ferme âgé de 14 ans, Louis Le Gargasson, à les guider vers la ferme des Le Padellec. Fort heureusement, un des villageois de Cauraden, Germain Guilloux est parvenu avant les allemands au camp des maquisards pour les avertir du danger. Les maquisards ont le temps de se préparer au combat. François Le Guyader, après avoir demandé à son épouse d’aller chercher du renfort auprès d’autres groupes de partisans, prend la tête d’une patrouille. Joséphine Le Guyader réussit à faire informer des maquisards F.F.I cantonnés près du Cosquer en Ploërdut, parmi lesquels se trouve le sergent parachutiste Fernand Bonis originaire de la Haute-Loire ainsi que des F.T.P. de la 3e compagnie du Bataillon du Capitaine Alexandre (Désiré Le Trohère), cantonnée à quelques kilomètres de là. F.F.I et F.T.P se portent au secours de leurs camarades.
Au cours des premiers combats, François Le Guyader est fait prisonnier, Jean LE GOUAR est tué.Vers 18 h 30, la section F.F.I de Guéméné attaque l'ennemi, ce qui permet aux hommes encerclés de se sauver. A leur tout les F.F.I subissent les tirs ennemis, mais peuvent se dégager
grâce à l’intervention des F.T.P. qui les protègent de leurs F.M. et de leurs mitraillettes. Quand, à 19 h 30, l'ennemi reçoit des renforts et commence à tirer au mortier, les F.F.I. et F.T.P. se retirent.
Près de la ferme, le sergent parachutiste SAS Bonis a été capturé. Il a été blessé par une grenade et ramené à la ferme . Alors qu'il descendait du grenier par l'échelle, François PIMPEC de Mellionnec a été atteint par les balles et tué vraisemblablement sur le coup. Joseph Le Padellec qui avait refusé de dire qu’il hébergeait des patriotes, est sauvagement frappé, traîné par des soldats puis abattu. Un soldat russe voulait tuer également Mme Le Padellec. Cette fois, des soldats allemands s’opposent à cette exécution. Ces derniers conduisent Mme Le Padellec ainsi que les enfants d'abord dans un hangar et ensuite au village de Cauraden.
Les soldats ennemis mettent le feu à la ferme et y jettent Joseph Le Padellec ainsi que les corps de Jean Le Gouar et de François Pimpec deux F.F.I. et de Fernand Bonis qui, selon les témoignages recueillis par Roger Le Roux, aurait été encore vivant.
Les premiers déplorent la perte de quatre hommes, dont trois tués et un prisonnier, les seconds, celle de deux combattants, l’un tué et l’autre fait prisonnier. Plus de trente soldats russes et allemands ont été mis hors de combat.
Le lundi 3 juillet, M. Le Bail fossoyeur à Langoëlan se risque jusqu'à Kergoët. Dans une partie des bâtiments ravagés par l'incendie, il découvre dans la cuisine quatre cadavres calcinés.
Quant aux prisonniers, les allemands ayant également arrêté en représailles les jeunes Louis et Joseph Le Gargasson et Joseph-Marie Guilloux ils sont conduits à la prison du Faouët. Avant d’être séparé de ces jeunes gens, François Le Guyader a le temps de remettre sa montre à Louis Le Gargasson, en lui disant, selon le témoignage recueilli par René Le Guennic: «Tu la porteras à ma femme, toi tu t'en sortiras mais pas moi !».François Le Guyader a dû mourir sous la torture. Quand son cadavre a été extrait de la fosse de Landordu où il avait été transporté le 6 juillet 1944, le bras droit était quasiment arraché, tous les doigts sectionnés, un oeil sorti de son orbite. Toutes les dents lui avaient été arrachées, et il portait sur tout le corps des marques faites aux fer rouge!
La rédaction
Post Scriptum,
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